Modifié

"Ceci n'est pas une histoire", ou comment vivre avec le sida en Iran

La couverture du livre "This is not a story" ("Ceci n'est pas une histoire") de Mahdi Hosseini, photograph iranien. [Mahdi Hosseini]
Comment vit-on avec le VIH en Iran? / Tout un monde / 6 min. / le 21 décembre 2020
Comment vivre avec le VIH dans un pays ultra-conservateur comme l'Iran? Le journaliste-photographe Mahdi Hosseini a publié un ouvrage retraçant le combat de dix personnes qui luttent contre cette maladie, mais surtout contre la stigmatisation qu'elles subissent.

"This is not a story" ("Ceci n'est pas une histoire") de Mahdi Hosseini est paru début décembre. Disponible sur son site internet en persan et en anglais, il retrace le quotidien hors normes et pourtant banal de ces hommes et femmes atteintes du sida, que l'artiste a suivi sur plusieurs années.

Certains, comme Saeed, sont d'anciens toxicomanes. D'autres, comme Mahrokh, ont été contaminées par leur mari. Il y a aussi Mahsa, femme transgenre qui, rejetée par sa famille, doit vivre dans la rue.

"J'avais envie de présenter ces personnes de la façon la plus juste et sans jugement", explique Mahdi Hosseini dans l'émission Tout un monde. "Je les ai côtoyées, j’ai vécu avec elles, ces personnes sont devenues des proches, des amis et amies. Ce travail avait aussi pour but de présenter leurs différents parcours souvent très denses. De trouver une façon de les décrire et de montrer qu’on peut vivre avec elles de façon tout à fait normale, une fois de plus sans jugement."

>> Voir le clip-vidéo présentant Saeed, ancien toxicomane atteint du sida :

Teaser "Ceci n'est pas une histoire" de Mahdi Hosseini
Teaser "Ceci n'est pas une histoire" de Mahdi Hosseini / L'actu en vidéo / 58 sec. / le 22 décembre 2020

Au moins 60'000 personnes infectées

Dans le monde, quelque 38 millions de personnes vivaient avec le VIH en 2019, selon les estimations d'ONUSIDA. En Iran, quelque 60'000 personnes seraient contaminées. Un chiffre en dessous de la réalité, estime la professeure de sociologie à Paris Azadeh Kian. Elle se souvient de ses recherches dans les années 1990: "Le discours des autorités était que le virus existe à l'extérieur de l'Iran. Il n'y avait des panneaux de prévention qu'à l'aéroport international de Téhéran, à l'intention des voyageurs."

"À chaque fois qu'il y a des maladies contagieuses, ils ont tendance dans un premier temps à dissimuler son existence en Iran", explique la sociologue, et en particulier lorsqu'il s'agit du sida, parce qu'ils ne voulaient pas accepter que ce virus puisse se propager à cause des rapports sexuels à la fois homo et hétérosexuels."

Depuis, la situation a évolué dans le pays. Les autorités ont finalement reconnu que le virus circulait parmi les toxicomanes. Des infrastructures ont été mises en place pour leur venir en aide. Pourtant, seul un quart des contaminations est lié aux addictions. En 2020, la grande majorité des cas ont été contaminés par voie sexuelle, ce qui reste un tabou en Iran.

"On estime qu'il y a environ 350'000 travailleuses du sexe dans le pays", relate Azadeh Kian. "Sans prévention, le virus peut s'étendre rapidement. On sait aussi que la fréquence des rapports sexuels entre les jeunes est très importante."

Marginalisation des malades

En raison des tabous qui entourent l'homosexualité, la toxicomanie ou la prostitution, les personnes atteintes du VIH sont souvent discriminées. C'est ce que montrent les témoignages mis en lumière dans le livre de Mahdi Hosseini.

"Je pense qu'il revient aux autorités de lancer des campagnes de prévention, mais aussi d'expliquer comment ces contaminations se font", estime Azadeh Kian. C'est par manque d'informations que les personnes atteintes du SIDA sont marginalisées."

Directeur d'ONU SIDA en Iran, Fardad Doroudi encourage quand à lui une prévention ciblée: "Une étude a montré que la majorité des personnes infectées par le VIH ressentent une stigmatisation lorsqu'elles s'adressent à un centre de santé. Malheureusement, cette discrimination provient du personnel médical. Il est important d'avoir un programme spécifique visant les docteurs, les dentistes et autres prestataires de soins."

Anouk Henry/mh

Publié Modifié