Les négociateurs des deux camps, lancés depuis mercredi dans d'ultimes tractations, ont finalement trouvé un terrain d'entente jeudi peu avant 16 heures. Avec cet accord, l'Union européenne offre à son ancien Etat membre un accès inédit sans droit de douane ni quota à son immense marché de 450 millions de consommateurs. Le texte devra encore être validé par les Etats membres, un processus qui devrait prendre plusieurs jours.
"L'accord a été trouvé", a confirmé le Premier ministre britannique Boris Johnson dans un tweet accompagné d'une photo de lui exultant, bras écartés et pouces levés. Le Royaume-Uni restera "l'ami", l'allié et le premier marché" de l'Union européenne malgré le Brexit, a-t-il ensuite déclaré lors d'une conférence de presse, peu après la conclusion de l'accord avec Bruxelles.
"Nous aurons une relation commerciale solide avec l'UE et approfondirons nos échanges avec nos partenaires dans le monde entier grâce à notre politique commerciale indépendante", a écrit de son côté la ministre britannique au Commerce international Liz Truss.
L'accord commercial conclu entre Londres et l'UE est un "bon accord, équilibré" et "juste" pour chaque partie, a déclaré de son côté la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Le Royaume-Uni restera "un partenaire digne de confiance" de l'UE, a-t-elle poursuivi.
La pêche a failli tout faire capoter
Ces dernières heures, les rumeurs d'accord imminent s'étaient multipliées, mais les discussions butaient toujours sur la question de l'accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques. Les autres sujets problématiques - la manière de régler les différends et les mesures de protection contre toute concurrence déloyale - avaient été réglés ces derniers jours.
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Malgré son faible poids économique, le secteur de la pêche revêt une importance politique et sociale pour plusieurs Etat membres, dont la France, les Pays-Bas, le Danemark ou l'Irlande. Mais les Britanniques, qui voulaient reprendre le contrôle de leurs eaux, en avaient fait le symbole de leur souveraineté retrouvée après le divorce.
Les tractations se sont concentrées sur le partage des quelque 650 millions d'euros de produits pêchés chaque année par l'UE dans les eaux britanniques et sur la durée de la période d'adaptation pour les pêcheurs européens. Les Européens proposaient de renoncer à 25% de ce montant pendant les six prochaines années. Dans leur dernière offre, les Britanniques ont accepté ce pourcentage, mais à l'issue d'une période de transition de cinq ans et demi, avec ensuite une renégociation annuelle des règles d'accès réciproque aux zones de pêche.
Le spectre d'un "no-deal" a fait peur
Sans accord, les échanges entre l'UE et Londres auraient été régis par les seules règles de l'Organisation mondiale du commerce, synonymes de droits de douane, de quotas et de formalités administratives susceptibles d'entraîner des embouteillages monstres et des retards de livraison: un scénario noir pour le Royaume-Uni, déjà malmené par une variante plus contagieuse du Covid-19 qui l'a isolé du reste du monde.
La conclusion d'un tel accord en à peine dix mois (mais tout de même quatre ans et demi après le référendum de juin 2016 sur le Brexit) constitue une prouesse pour Londres et Bruxelles, surtout pour un texte de cette envergure, qui prend en général des années.
Accord assorti de conditions strictes
En cas de "no deal", le Royaume-Uni aurait perdu beaucoup plus que l'Europe, estiment les spécialistes. Les Britanniques exportent en effet 47% de leurs produits vers le continent, tandis que l'UE n'écoule que 8% de ses marchandises de l'autre côté de la Manche.
L'ouverture du marché européen au Royaume-Uni sera néanmoins assortie de strictes conditions: les entreprises d'outre-Manche devront respecter un certain nombre de règles évolutives au fil du temps en matière d'environnement, de droit du travail et de fiscalité pour éviter tout dumping. Des garanties existent aussi en matière d'aides d'Etat. Un mécanisme permettra en outre aux deux parties d'activer rapidement des contre-mesures en cas de divergences sur ces normes, notamment des droits de douane.
ats/vic
Angela Merkel et Emmanuel Macron satisfaits
La chancelière allemande Angela Merkel s'est dite "confiante" dans le fait que l'accord obtenu jeudi à l'arraché entre l'Union européenne et le Royaume-Uni sur leur future relation commerciale était bon. "Avec cet accord, nous jetons les bases d'un nouveau chapitre dans nos relations. Le Royaume-Uni continuera d'être un partenaire important pour l'Allemagne et pour l'Union européenne, en dehors de l'Union européenne".
De son côté, le ministre des Affaires étrangères Heiko Maas a souligné que l'Allemagne, qui assure jusqu'à la fin du mois la présidence semestrielle de l'Union européenne, voulait "tout faire" pour qu'une ratification intervienne avant le 1er janvier 2021."Ce sera un grand défi, qui nécessitera beaucoup de flexibilité de la part de toutes les parties. Toutefois, je suis convaincu que cela peut être réalisé", a-t-il affirmé dans un communiqué.
Pour le président français Emmanuel Macron, l'unité et la fermeté européennes ont payé. "L'accord avec le Royaume-Uni est essentiel pour protéger nos citoyens, nos pêcheurs, nos producteurs", s'est-il félicité, ajoutant que "l'Europe avance et peut regarder vers l'avenir, unie, souveraine et forte".
David Cameron et Theresa May bénissent l'accord
Les anciens Premiers ministres britanniques Theresa May et David Cameron ont salué jeudi un accord commercial "vraiment bienvenu" entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.
Cet accord commercial constitue "une étape indispensable pour construire une nouvelle relation avec l'UE comme amis, voisins et partenaires", a tweeté David Cameron, qui avait convoqué le référendum sur le Brexit en 2016.
Theresa May, qui lui avait succédé et avait démissionné faute d'avoir fait adopter par le Parlement l'accord de sortie qu'elle avait négocié avec les Européens, a de son côté souligné que l'accord apportait "de la confiance aux entreprises" et contribuait à "maintenir le flux des échanges".