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Le libre-échange en Afrique, une réalité encore lointaine

Le ruban est coupé devant le portail principal de la zone international de libre-échange de Djibouti, le 5 juillet 2018. [AFP - Yasuyoshi Chiba]
Le libre-échange en Afrique, une réalité encore lointaine / Le Journal de 7h / 1 min. / le 2 janvier 2021
Censée devenir l'espace commercial le plus peuplé du monde à compter de janvier, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) est une réalité encore lointaine, selon certains experts.

C'est la zone de libre échange la plus importante de la planète, en termes de population: elle couvre 1,2 milliard de personnes.

La ZLECA, la Zone de libre échange continentale africaine, est entrée en vigueur le 1er janvier. Elle rassemble 54 des 55 Etats africains: seule l'Erythrée n'y prend pas part.

Une zone de libre échange qui suscite énormément d'espoirs, surtout après les ravages économiques causés par la pandémie du Covid 19: "Le secrétaire général de la ZLECA, le sud-africain Wamkele Mene, a bien dit que la ZLECA était le plan de relance de l'Afrique", explique Arthur Minsat, chef de l'unité Afrique, au Centre de développement de l'OCDE, au micro de RTSinfo.

Le Sudafricain Wamkele Mene, Secrétaire général de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA). [un.org - African Continental Free Trade Area (AfCFTA)]
Le Sudafricain Wamkele Mene, Secrétaire général de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA). [un.org - African Continental Free Trade Area (AfCFTA)]

"Il y a la capacité de s'endetter, de pouvoir mobiliser des fonds ou bien d'avoir des politiques d'allègement quantitatif monétaire et plus limité dans le cas des pays africains qu'elle ne l'est dans le cadre des économies avancées comme les Etats-Unis ou la plupart des pays de l'Union européenne, par exemple", continue Arthur Minsat.

Une grande ambition

Selon Jakkie Cilliers, expert sud-africain à l'Institut d'études sur la sécurité à Pretoria, interrogé par l'AFP, cela va prendre du temps car, actuellement, seulement 16% des échanges commerciaux du continent se font entre pays africains. L'ambition de la ZLECA est de faire passer ces échanges à 60% d'ici 2034 entre les 55 pays membres de l'Union africaine.

Le lancement des échanges commerciaux dans ce cadre, retardé en raison de la crise du Covid-19 et d'âpres négociations entre les pays signataires sur la suppression des droits de douane, est prévu en janvier.

Mais l'application effective du principe de libre-échange à l'échelle du continent prendra "plusieurs années", selon Jakkie Cillers: "De nombreux points sur les droits de douanes sont encore en négociations entre les différents pays". L'idée est que l'accord, déjà ratifié par 34 Etats, soit opérationnel "d'ici 2034 avec la suppression d'environ 97% des taxes douanières".

Rassembler les marchés d'une cinquantaine de pays, à des niveaux de développement différents sur le continent le plus pauvre du monde, ne se fera pas en un coup de baguette magique, explique Jakkie Cilliers.

"Evidemment, la ZLECA suscite d'énormes espoirs, à juste titre, puisque l'Afrique est un peu la dernière frontière", selon Arthur Minsat. "On a plus de deux-tiers de la croissance africaine des vingt dernières années qui vient uniquement de la consommation intérieure. Donc on a de grandes opportunités".

Négocier les taxes douanières

Tout d'abord, "les 55 membres de l'Union africaine n'ont pas tous ratifié l'accord, mais tous les pays clés l'ont fait dont le Nigeria", premier marché d'Afrique avec quelque 200 millions d'habitants. Mais "les négociations commerciales sont extrêmement complexes car chaque accord sur les taxes douanières doit être négocié" entre pays membres, affirme Jakkie Cillers.

Ensuite, il faut résoudre la question des rapports entre la nouvelle ZLECA et les huit Communautés économiques régionales (CER) existantes.

Les accords commerciaux signés avec l'Europe, la Chine et les États-Unis sont encore un autre obstacle à surmonter. En juillet, les États-Unis ont par exemple ouvert des négociations avec le Kenya.

Enfin, "la corruption dans certains gouvernements, la lourdeur de l'administration et le manque de moyens seront un défi pour la mise en oeuvre" du projet, soutenu par l'Union africaine, souligne Jakkie Cilliers.

L'Afrique "est restée prise au piège d'un modèle économique colonial", selon le secrétaire général de la ZLECA, Wamkele Mene. Pour en sortir, elle doit mettre en œuvre presque "de manière agressive" le nouvel accord.

L'économie du continent ne pèse que 3% de l'économie mondiale et est en outre morcelée entre 55 systèmes économiques différents ce qui constitue un "énorme frein" à la croissance du continent, estime Jakkie Cilliers.

Sortir de la pauvreté

Avec cet accord, "l'idée est de construire des relations à l'échelle régionale et permettre aux Africains d'échanger des produits de base, mais aussi davantage de produits à valeur ajoutée", explique-t-il.

Si elle atteint ses objectifs, la ZLECA permettra de sortir 70 millions d'Africains de la pauvreté et 30 millions d'une situation d'extrême pauvreté d'ici 2035, selon la Banque mondiale.

sjaq et l'afp

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