La juge Vanessa Baraitser a notamment estimé que "les procédures décrites par les Etats-Unis ne vont pas l'empêcher de se suicider" et a refusé l'extradition "pour des raisons de santé mentale".
La bataille judiciaire autour de l'Australien de 49 ans, devenu pour ses soutiens un symbole du combat pour la liberté d'informer, ne s'arrête cependant pas là: les autorités américaines ont en effet notifié le tribunal de leur intention de faire appel de la décision. Une audience doit se tenir mercredi pour examiner une demande de remise en liberté.
Le jugement a été accueilli par une explosion de joie par la trentaine de manifestants réunis devant l'Old Bailey, qui se sont mis à crier et à s'étreindre. Le point levé, ils ont hurlé "Libérez Julian Assange" et "Nous avons gagné!".
Dans la salle d'audience, l'avocate Stella Moris, avec qui Julian Assange a eu deux enfants pendant sa réclusion à l'ambassade d'Equateur à Londres, a fondu en larmes.
175 ans de prison
L'Australien risque aux Etats-Unis 175 ans de prison pour avoir diffusé, à partir de 2010, plus de 700'000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, notamment en Irak et en Afghanistan.
Les Etats-Unis reprochent au fondateur de WikiLeaks d'avoir mis en danger des sources des services américains, accusation qu'il conteste. Parmi les documents publiés figurait une vidéo montrant des civils tués par les tirs d'un hélicoptère de combat américain en Irak en juillet 2007, dont deux journalistes de l'agence Reuters.
Sept ans à l'ambassade d'Equateur
Julian Assange a été arrêté en avril 2019 après sept ans derrière les murs de l'ambassade d'Equateur à Londres, où il s'était réfugié après avoir enfreint les conditions de sa liberté sous caution. Il craignait une extradition vers la Suède d'abord, où il a fait l'objet de poursuites pour viol qu'il conteste et qui ont depuis été abandonnées, qui aurait ouvert la voie à une deuxième extradition vers les Etats-Unis.
Il revenait à la justice britannique de déterminer si la demande américaine d'extradition qui lui était soumise respectait un certain nombre de critères légaux, et notamment si elle n'est pas disproportionnée ou incompatible avec les droits humains.
Procédure "politique"
Pendant les cinq semaines d'audience en février et en septembre, les avocats de Julian Assange ont dénoncé une procédure "politique" fondée sur des "mensonges". Or, soulignent-ils, l'accord américano-britannique interdit "expressément" les extraditions pour les "infractions politiques".
Un psychiatre l'ayant examiné avait également évoqué un risque de suicide "très élevé" s'il devait être extradé vers les États-Unis. Les pulsions suicidaires de Julian Assange "proviennent de facteurs cliniques (...), mais c'est l'imminence de l'extradition qui déclenchera la tentative", avait déclaré le psychiatre Michael Kopelman lors d'une audience fin septembre, estimant que son état "se détériorera considérablement" s'il est extradé.
"Terroriste high-tech"
Les conditions de détention du fondateur de WikiLeaks ont été dénoncées par le rapporteur de l'ONU sur la torture Niels Melzer. Dans une lettre ouverte à Donald Trump le 22 décembre, il avait demandé au président américain sortant de gracier le fondateur de WikiLeaks, qui n'est selon lui "pas un ennemi du peuple américain".
Outre les possibilité d'appel, la position de l'administration du futur président américain Joe Biden à l'égard du fondateur de WikiLeaks reste une inconnue. Julian Assange se trouve sous le coup de poursuites lancées sous la présidence de Donald Trump. Sous son prédécesseur Barack Obama, qui avait Joe Biden pour vice-président, la justice américaine avait renoncé à poursuivre le fondateur de WikiLeaks.
Mais il y a tout juste dix ans, celui qui accèdera dans moins d'un mois à la Maison Blanche avait comparé Julian Assange à un "terroriste high-tech".
agences/fgn/kkub/vic
"C'est une victoire relative, le combat ne fait que commencer"
"C'est un très grand soulagement. Ca fait plusieurs mois qu'on met en avant l'état de santé de Julian Assange comme un des arguments pour essayer de faire échec à la demande américaine", a réagi lundi dans le 19h30 de la RTS Antoine Vey, l'un des avocats de Julian Assange.
"Mais c'est une victoire relative, car le combat ne fait que commencer. Il y a encore beaucoup à faire, à commencer par sa remise en liberté, que nous espérons dans quelques jours", poursuit l'avocat, qui dit ne pas savoir si l'arrivée de Joe Biden à la présidence des Etats-Unis sera, ou non, favorable au lanceur d'alerte. "Le fait que l'on pose cette question démontre le caractère éminemment politique de cette affaire", estime-t-il au passage.
Etats-Unis "extrêmement déçus", Mexique arrangeant
Le ministère américain de la Justice s'est dit lundi "extrêmement déçu" par le refus de la justice britannique d'extrader Julian Assange.
"Nous sommes satisfaits que les Etats-Unis l'aient emporté sur tous les arguments juridiques qu'ils ont soulevés", a précisé le ministère dans un communiqué. "Nous continuerons à demander l'extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis", ont ajouté les autorités américaines, notifiant le tribunal de leur intention de faire appel de la décision.
Le Mexique offre l'asile politique
Le Mexique, de son côté, a annoncé qu'il offrait l'asile politique à Julian Assange. "Je vais demander au ministre des Affaires étrangères de prendre les dispositions nécessaires afin de solliciter auprès du gouvernement britannique la libération de Julian Assange et pour que le Mexique lui offre l'asile politique", a déclaré le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador lors de sa conférence de presse quotidienne.
"Nous sommes prêts à offrir l'asile et nous félicitons la justice britannique pour sa décision", a ajouté le chef de l'Etat.