"Nous sommes quasiment dans de l’insurrection"
"Personnellement, j’étais sidéré de voir des gens franchir cette barrière symbolique", témoigne Jean-Eric Branaa, spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l'Université Paris II. Et d'ajouter: "Nous ne sommes plus dans un baroud d’honneur de Donald Trump, mais dans un acte fort. Nous sommes quasiment dans de l’insurrection."
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Le professeur estime d'ailleurs "incompréhensible" que le saint des saints de la démocratie américaine ne soit pas mieux protégé: "Voir ces simples péquins même pas armés, de ce qu’on peut voir, pénétrer dans le Congrès alors que le Sénat était en session" est "exceptionnel".
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Jérôme Gygax historien et spécialiste des Etats-Unis, partage cet avis: "Il s'agit de l'incitation et l'organisation d’une forme d’insurrection, en tout cas incitée par le président. (...) Quand on voit le symbole du pouvoir démocratique américain saccagé, c’est très fort. La démocratie doit s’entretenir, ce n’est pas quelque chose qui est acquise et qu’on a pour toujours."
"Le trumpisme est en train de mourir"
Jérôme Gygax estime que le camp républicain est "plus divisé que jamais": "Et une bonne partie des républicains se sont rangés à l’idée qu’en démocratie, on défend les institutions et pas une personne, en particulier le président".
Pour Jean-Eric Branaa, le trumpisme "est en train de mourir": "Des soutiens? Il n’en a plus. Il est avec un dernier carré, un groupe d'"excités", des "fanas". Il n’y a pas d’autres mots."
Il évoque aussi la naissance d'une dynastie: "Sa fille veut devenir sénatrice en Californie, sa belle-fille aussi en Caroline, ses deux fils essaient d’avoir des postes électifs. C’est du népotisme et de la dynastie. Tout ce que les Etats-Unis combattent habituellement." Même s'il estime qu'il n'y aura pas la place pour un troisième "parti".
Donald Trump sera poursuivi d’une manière ou d’une autre. Ne serait-ce que pour restaurer l’autorité du Congrès.
Jérôme Gygax juge "intéressant" le fait que les militants pro-Trump veulent créer un nouveau groupe politique: "On revient à l’idée du XIXe siècle d’un parti américaniste ou nativiste. De toute évidence, elle a grandi et s’est constituée dans des périodes de crises. (...) Les Américains touchés par la crise vont aller chercher des solutions faciles ou qui paraissent évidentes."
L'Après-Trump
Jean-Eric Branaa juge que la démocratie américaine est "très malade". Selon lui, la responsabilité de Donald Trump dans les actes de mercredi "est évidente": "Il sera poursuivi d’une manière ou d’une autre. Ne serait-ce que pour restaurer l’autorité du Congrès."
Mais pour Jean-Eric Branaa, la destitution (impeachment) "ne pourra pas être obtenue" d’ici le 20 janvier, jour de l’investiture de Joe Biden: "Mais c’est une manière, après le départ du président, de l’empêcher de revenir en assortissant la peine qui pourrait lui être infligée au Congrès d’inéligibilité à vie."
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Pour Jérôme Gygax: "L’Amérique avec Biden va se reconstruire en tant que nation, évidement, mais elle doit aussi reconstruire son regard sur l’histoire: elle est faite de l’intervention des minorités, des Africains-Américains et des immigrants, qui ont forgé ce pays et ce qu’il est aujourd’hui."
Propos recueillis: David Berger
Adaptation web: Valentin Jordil