Aux pieds des montagnes de l'Himalaya, une terre recouverte d'un tapis de verdure s'étend à perte de vue: c'est l'Assam, le grenier à thé de l'Inde, deuxième producteur au monde derrière la Chine.
Chaque année, 600'000 tonnes de feuilles sont récoltées dans cette région, la moitié de la production du sous-continent. Et on les retrouve dans les sachets des plus grandes marques. La majorité de la production est exportée en Europe, en premier lieu en Allemagne, en France, au Royaume-Uni et en Suisse.
Pour le responsable de la plantation, il s'agit sans aucun doute de l'un des meilleurs thés au monde. "Sa saveur est unique et son nom suffit à dire sa qualité (...) C'est un thé de plus en plus demandé", explique-t-il dimanche dans le 19h30.
Un salaire de deux francs par jour
Mais derrière le marché de ce thé noir au goût légèrement épicé se cache le travail éreintant d'un million de travailleurs. Ces forçats du thé, essentiellement des femmes, récoltent à un rythme infernal et dans des conditions parfois dangereuses, exposées aux animaux sauvages, nombreux dans la région, et aux pesticides.
Et ce travail est rémunéré par un salaire de misère: les ouvriers sont payés moins de 2 francs par jour, trois fois moins que le salaire minimum fixé par le gouvernement pour le secteur.
Depuis des années, les cueilleurs dénoncent des conditions de travail insupportables. Le ton est encore monté ces dernières semaines: plus de 400'000 travailleurs du thé ont lancé un mouvement de protestation pour réclamer des conditions de travail décentes.
Alors que les conditions de travail n'ont quasiment pas évolué ces dernières décennies, les syndicats réclament des comptes au gouvernement. "A l'étranger, ce thé coûte une fortune, pourquoi les travailleurs n'en tirent aucun bénéfice? Le gouvernement devrait mettre les marques devant leurs responsabilités, sinon la situation ne changera jamais", clame ainsi un responsable syndical.
Un sujet tabou
Reste que la parole n'est pas tout à fait libre dans les plantations. Interrogée dans le 19h30, une ouvrière demeure très mesurée: "Je ne peux pas me plaindre, je dois travailler c'est tout, j'ai des enfants à nourrir. Moi, je suis une enfant de cette terre. Si je ne travaille pas ici, qu'est-ce que je peux faire d'autre?"
Sous le regard de leur responsable, ces femmes n’en disent pas davantage, mais un peu plus loin, une cueilleuse qui travaille là depuis 32 ans se plaint de conditions de vie difficiles: "Le salaire que l'on a ne nous permet pas de vivre dignement. C'est dur pour nous ici. Nous manquons d'eau potable et d'électricité."
Dans les plantations, le sujet est tabou et les responsables mettent vite fin à l'interview.
Cette année encore, les exportations de thé ont rapporté à l'Inde plus de 700 millions de francs.
Antoine Védeilhé/boi