"Moi je soigne les corps, et vous vous avez soigné mon âme." Ce message, c'est un médecin qui l'a envoyé à Marli pour la remercier du chant qu'elle lui avait composé.
Marli fait partie d'un groupe de femmes brésiliennes, issues de huit communautés rurales, qui ont décidé de mettre à contribution leur tradition lyrique au service des malades et médecins du Covid-19.
Pourtant, dans ces villages reculés de la vallée isolée de Jequitinhonha, à 15 heures de route de Rio de Janeiro, pas de cas de coronavirus. Ce qui n'a pas empêché les chanteuses de s'impliquer corps et âme, raconte Marli:
"Le chant ouvre une fenêtre d’espérance. Il y a des pays où les gens sont malades mais il existe encore un petit coin sur la planète où l’on est en bonne santé et où l’on chante pour apporter de la joie et de l’espoir dans le monde. C’est un message d’amour: les gens doivent comprendre que même s’ils sont malades, ils ne sont pas abandonnés."
Chants envoyés sur WhatsApp
Traditionnellement, les femmes se mettent en ronde pour improviser des couplets et la communauté reprend en chœur un refrain, tandis que les hommes tiennent les instruments.
À travers leur site internet, ces femmes proposent aux malades du monde entier des vers personnalisés. Il suffit de leur donner quelques informations sur la personne et le chant est envoyé sur l’application WhatsApp.
L'une de ces chanteuses, Nega, raconte la gratitude qu'elle reçoit en retour: "Les gens m’ont répondu en me remerciant, et j’étais si heureuse que les quelques vers que j’ai composés aient remonté le moral des gens. C’était gratifiant tant pour nous qui composons que pour ceux qui le reçoivent. Parfois, on pleure même quand on compose ces vers."
Echange entre chants et aide
Ce projet dénommé "les vers de la bonté", mené en partenariat avec l'ONG locale Ajenai, a aussi permis d’aider ces communautés à passer les difficultés économiques liées à la pandémie.
"Ce projet est un échange, un savoir local qui est valorisé", explique Elisangela de l’ONG Ajenai. "Les femmes offrent cette bonté et reçoivent en échange une aide qui va d’abord à celles qui improvisent les vers, mais aussi et surtout à des projets communautaires. Car ici, les hommes doivent encore partir pour travailler, couper la canne à sucre ou cueillir le café, tandis que les femmes restent pour s’occuper des enfants et des récoltes."
Depuis le début de la pandémie, près de 5000 personnes ont reçu des vers personnalisés chantés depuis une vallée bien isolée du Brésil. Une vallée où chants et rires sont un art de vivre et désormais un réconfort.
Mouna Hussain / reportage d'Anne Vigna pour l'émission Tout un monde