La question d'un accord de libre-échange entre la Suisse et les Etats-Unis est un sujet qui revient inlassablement sans trouver d'issue. Au milieu des années 2000, le conseiller fédéral en charge de l'économie Joseph Deiss avait engagé des discussions avec l’administration Bush. Les négociations n'avaient pas abouti, notamment à cause de l’insistance américaine à y inclure l’agriculture.
Le dossier a ressurgi sous l'ère Donald Trump, avec qui Berne assure avoir eu de bonnes relations. Des discussions exploratoires ont eu lieu, mais rien n'a été conclu. La pandémie de coronavirus a ensuite achevé de reléguer la Suisse dans le fond des priorités de Washington.
De nombreuses opportunités
Pour l'économie suisse, les Etats-Unis représentent un immense marché, à la fois dynamique et profitable. Les exportations helvétiques suivent une tendance positive – notoirement dans la pharma, mais pas uniquement: la réindustrialisation de la première économie mondiale offre de nombreuses opportunités, par exemple pour les fabricants suisses de machines et d’équipements.
Si l’enjeu économique est important, il n'y a pas forcément d'urgence à conclure un accord. Mais cela pourrait changer si les Etats-Unis et l'Union européenne reprennent et intensifient leurs discussions en vue d'un partenariat commercial. Dans ce cas, les entreprises suisses risqueraient d'être désavantagées par rapport à leurs concurrentes européennes.
"L'accord de libre-échange est typiquement une attitude suisse: lorsque tout va bien, nous nous faisons du souci pour le moment où ça ira mal", explique dans Forum Jacques Pitteloud, ambassadeur de Suisse à Washington. Il assure que la Suisse poursuivra ses efforts avec la nouvelle administration, mais admet que "ça va être relativement difficile de conclure un accord dans les quatre prochaines années".
L'espoir d'une normalisation
La question de l'agriculture reste le principal obstacle à un accord. Les Américains ont une agriculture beaucoup plus compétitive et veulent une libéralisation, alors qu'en Suisse, c'est un tabou.
Berne estime toutefois que le savoir-faire diplomatique suisse s'est étoffé ces dernières années. La Confédération prend en exemple l'accord avec le Mercosur, où selon elle des solutions pertinentes ont pu être trouvées.
Les milieux intéressés ne se font en revanche pas d'illusions sur l'arrivée au pouvoir de Joe Biden: la nouvelle présidence aura d'autres préoccupations au début de son mandat. L'objectif est donc, dans un premier temps, d'établir de bonnes relations avec l'administration Biden.
Dans l'immédiat, l'espoir est avant tout celui d'une normalisation des relations internationales. La Suisse officielle espère que Joe Biden pourra réparer tout ce que son prédécesseur a cassé sur le terrain du multilatéralisme.
Guillaume Meyer/asch
Jacques Pitteloud: "Prise d'assaut d'opérette" du Capitole
Interrogé dans Forum sur sa réaction lors de l'invasion du Capitole par les partisans pro-Trump, l'ambassadeur de Suisse à Washington Jacques Pitteloud relativise.
"Comme tout le monde, je suis effaré par l'incurie des services de sécurité qui n'étaient manifestement pas préparés. Mais en même temps, je ressens une grande confiance dans la capacité des institution américaines à faire face à ce genre de défis."
"Finalement, on a bien vu que le système était capable de réagir de façon intelligente. Et cette prise d'assaut d'opérette, qui aurait certes pu très mal tourner, n'aura pas ébranlé sérieusement les institutions."