En France, ce week-end, des centaines de victimes d'inceste ont pris la parole sur les réseaux sociaux. Avec le mot-dièse #MeTooInceste sur Twitter et Instagram, elles ont raconté leur agression. Une libération de la parole qui fait suite à la parution début janvier d'un livre qui a fait beaucoup de bruit.
Dans "La familia grande", Camille Kouchner, fille de l'ancien ministre Bernard Kouchner, révèle que son frère jumeau, alors qu'il avait 14 ans, a été victime d'inceste par son beau-père, le politologue et professeur de droit Olivier Duhamel, à la fin des années 1980.
Les témoignages sont crus, parfois à la limite du soutenable. Mais ces centaines de victimes ont choisi de raconter les actes qu'elles ont subis.
Tout comme lors du mouvement #MeToo, il y a un peu plus de trois ans, il s'agit ici de lever un interdit: "C'est clairement un tabou, mais surtout en lien avec le fait – et d'ailleurs Camille Kouchner le dit très bien dans son livre – que l'interdit de l'inceste est en général moins puissant que l'interdit de la parole", explique au micro de La Matinale Alessandra Duc Marwood, pédopsychiatre, thérapeute de familles.
"L'illusion de pouvoir parler"
"Et, donc, dans les familles où il y a de l'inceste, on a souvent l'illusion de pouvoir parler ou de partager beaucoup de choses mais, en fait, on n'a pas le droit de parler de ce qu'on ressent et de ce qu'on vit au sein de la famille", précise la médecin responsable des Boréales, au département de psychiatrie du CHUV.
Le mot-dièse utilisé dans les tweets est explicite: #MeTooInceste, soit "l'inceste, moi aussi". Près de 30'000 tweets, de témoignages mais aussi de compassion et de soutien, ont été publiés ce week-end. Une déferlante.
Selon Alessandra Duc Marwood, il risque d'y avoir encore beaucoup de témoignages: "Parce que le fait que quelqu'un ose parler ouvre la possibilité aux autres victimes de se reconnaître comme victime et de pouvoir évoquer ce qu'elles sont en train de subir et d'imaginer pouvoir se protéger", dit-elle au micro de La Matinale.
Suite à la sortie de l'ouvrage de Camille Kouchner, des associations féministes ont incité les victimes à parler même si, dans de nombreux cas, les faits sont prescrits, soit trop anciens pour être jugés.
Certaines associations demandent que le crime incestueux devienne imprescriptible. Le gouvernement français, jusqu'ici, n'y est pas favorable.
Sujets radio: Frédéric Says et Katja Schaer
Adaptation web: Stéphanie Jaquet