"La Suisse n’est pas jugée sûre par ceux qui fraudent", selon l'ancien juge français Renaud Van Ruymbeke
Dans un livre "Mémoires d'un juge trop indépendant", Renaud Van Ruymbeke revient sur les quarante années de sa carrière marquée par des affaires médiatiques. Il estime "qu'il y a encore beaucoup d'argent qu'il faut aller chercher dans les paradis fiscaux pour combler, notamment dans les temps qui courent, les déficits des Etats".
Selon l'ancien juge d'instruction, les criminels financiers "sont moins en sécurité, mais ils ont encore énormément d'argent sale et même de plus en plus. Il n'y en a jamais eu autant".
Vingt ans après l'"appel de Genève" lancé par des magistrats européens pour réclamer une coopération plus efficace contre la corruption, Renaud Van Ruymbeke, qui a été l'un des sept signataires, dénonce une "vaste hypocrisie" dans la lutte contre la fraude fiscale: "Je ne sens pas de véritable volonté politique d'éradiquer ce problème, qui pourrait l'être."
Jugement "contrasté" sur la Suisse
Il estime toutefois que des progrès ont été faits dans la coopération internationale. Ainsi, il salue les relations judiciaires "très étroites" qu'il a pu avoir avec Lausanne ou Genève: "C'était un modèle de coopération internationale." Sur le rôle de la Suisse, son jugement est "contrasté". "Je crois qu'on n'a malheureusement pas compris partout qu'on ne devait pas assimiler la qualité d'une place financière à la capacité de masquer l'argent fraudé."
Il cite en exemple les cantons de Zoug et Zurich, "où c'est beaucoup plus fermé": "On sent qu'il y a un pouvoir financier qui est fort". Renaud Van Ruymbeke souligne que la Suisse coopère "de plus en plus" et qu'elle a signé des conventions. "Bien souvent, elle n'est pas jugée sûre par ceux qui se cachent, qui fraudent. L'argent a tendance à partir à Singapour, place jugée plus sûre, ou Dubaï."
Propos recueillis par David Berger
Adaptation web: Valentin Jordil