Ce procès a une portée historique car il s'agit du premier meurtre d'un élu depuis 1945 attribué à un sympathisant d'extrême droite. "La condamnation pour meurtre ne laisse aucune place au doute concernant la culpabilité" de l'accusé, âgé de 47 ans, a expliqué le président du tribunal, Thomas Sagebiel, lors de l'énoncé du verdict.
"Objectif politique"
Dans la nuit du 2 juin 2019, Walter Lübcke, un élu de 65 ans du parti conservateur de la chancelière Angela Merkel, fume une cigarette sur la terrasse de sa maison à Cassel, en Hesse, lorsqu'il est tué d'une balle dans la tête tirée presque à bout portant.
Après deux semaines d'enquête, le meurtrier, proche de la mouvance néonazie, est interpellé. Il accuse aussi un complice présumé, également jugé dans ce procès qui a débuté le 16 juin. Il a présenté ses excuses à la famille de la victime pour ce meurtre "cruel et lâche" mais visant un "objectif politique", selon son avocat.
Son complice présumé est accusé de l'avoir entraîné au tir en forêt, "y compris avec l'arme utilisée" pour le meurtre, sans pour autant être "au courant des plans réels" du principal accusé. Il a finalement écopé d'une peine d'un an et six mois avec sursis pour possession prohibée d'armes.
Connu des autorités
Selon l'accusation, les deux suspects avaient assisté ensemble, ulcérés, à une réunion publique au cours de laquelle Walter Lübcke avait apporté son soutien à la politique migratoire généreuse décidée par Angela Merkel.
Plus d'un million de réfugiés ont été accueillis en Allemagne entre 2015 et 2016. Dans la foulée, l'Alternative pour l'Allemagne (AfD, extrême droite) a fait une entrée fracassante au parlement lors des élections législatives de 2017.
Le meurtrier était connu des autorités depuis la fin des années 1980 comme un sympathisant néonazi au potentiel violent. Dès 1993, il est ainsi suspecté d'avoir planifié un attentat à la bombe contre un foyer de demandeurs d'asile. En 2009, il participe à une émeute raciale à Dortmund. Malgré ce passé chargé, les services de renseignements avaient cessé ces dernières années de le surveiller.
L'enquête a révélé une autre erreur de la police, déjà souvent accusée dans le passé de complaisance à l'égard des néonazis: elle n'a pas signalé à l'autorité délivrant des permis de port d'armes que le complice présumé était un membre toujours actif de l'ultra-droite. Cela lui a permis de se procurer pistolets et fusils.
Le parlement de Hesse va mener des investigations sur les dysfonctionnements et ratés de l'enquête.
ats/ebz
Spectre du "terrorisme brun"
Le meurtre de Walter Lübcke a réveillé le spectre du terrorisme "brun" dans le pays. Sous-estimée dans les années 2000 par les autorités malgré les meurtres à l'époque de huit immigrés turcs, d'un Grec et d'une policière allemande par le groupuscule néonazi NSU, la menace est perçue aujourd'hui comme un défi crucial pour la sécurité intérieure.
En décembre, un sympathisant d'extrême droite a été condamné à la réclusion à perpétuité pour avoir failli commettre un massacre dans une synagogue de Halle, avant de tuer une passante et un homme dans un restaurant fréquenté par des immigrés.
En février 2020, un homme a également tué neuf personnes d'origine étrangère dans deux bars de Hanau, près de Francfort, avant de se suicider. Enfin mercredi, la justice allemande a ouvert la voie au procès d'une sympathisante d'extrême droite soupçonnée d'avoir envisagé de s'en prendre à des élus et des musulmans.