La juge Natalia Repnikova a indiqué qu'Alexeï Navalny devra purger trois ans et demi de prison de sa peine prononcée en 2014, moins les mois qu'il avait passés assigné à résidence cette année-là. L'opposant peut encore faire appel.
Selon la cour, il a violé les conditions du contrôle judiciaire qui accompagnait sa peine, comme cela lui était reproché dans une demande des services pénitentiaires et du parquet. Il devra donc passer deux ans et demi en détention, selon son organisation, le Fonds de lutte contre la corruption qui a appelé à une manifestation immédiate, juste au pied du Kremlin.
Il s'agit de la peine de prison la plus longue infligée à celui qui s'est imposé en dix ans comme le principal détracteur de Vladimir Poutine. Ses précédentes détentions se comptaient en jour ou en semaines.
Appel à manifester
"Alexeï Navalny est envoyé en colonie (pénitentiaire) pour 2,5 ans. Nous nous rassemblons dans le centre de Moscou immédiatement, on vous attend sur la Place du Manège", a indiqué l'organisationde l'opposant sur Twitter.
Des dizaines de policiers casqués ont été rapidement déployés sur les lieux, selon un journaliste de l'AFP. Les stations de métro environnantes ont été fermées dans la foulée, selon les agences russes qui font état de premières interpellations.
Un procès destiné à "faire peur"
"Le plus important dans ce procès est de faire peur à une quantité énorme de gens. On en emprisonne un pour faire peur à des millions", avait déclaré Alexeï Navalny devant la cour un peu plus tôt dans la journée.
L'opposant de 44 ans a aussi dénoncé les milliers d'arrestations lors de manifestations de soutien ces deux derniers week-ends, les rassemblements d'opposition les plus importants depuis des années. "Vous ne pourrez pas emprisonner tout le pays! ", a-t-il martelé depuis la cage en verre réservée aux prévenus.
Alexeï Navalny a également répété que Vladimir Poutine était celui qui avait ordonné au FSB, les services de sécurité, de le tuer, en l'empoisonnant en août en Sibérie à l'aide d'un agent neurotoxique. Il "entrera dans l'histoire comme l'Empoisonneur de slips", a-t-il lâché.
Fin décembre, l'opposant avait affirmé dans une vidéo avoir piégé au téléphone un agent du FSB en se faisant passer pour l'assistant d'un haut responsable, celui-ci révélant que le poison avait été appliqué sur un de ses sous-vêtements, subtilisé dans son hôtel lors d'un voyage en Sibérie.
Violation du contrôle judiciaire
L'affaire examinée mardi par la cour ne concerne pas l'empoisonnement, mais une plainte des services pénitentiaires, qui l'accusent d'avoir violé son contrôle judiciaire en ne pointant pas, se trouvant en convalescence en Allemagne, comme il aurait dû le faire dans le cadre d'une condamnation avec sursis remontant à 2014.
Alexeï Navalny a été arrêté le 17 janvier à la demande des services pénitentiaires à son retour d'Allemagne, où il était resté cinq mois en convalescence après son empoisonnement. Il a assuré à l'audience avoir prévenu les autorités de son adresse et des causes de son absence.
Outre cette affaire, l'opposant est la cible de multiples procédures. Vendredi, il comparaîtra pour "diffamation" envers un ancien combattant. Il est aussi accusé d'escroquerie pour avoir selon les autorités détourné des dons adressés à son organisation.
Les actions en justice contre ses alliés et collaborateurs se sont également multipliées, quasiment tous étant assignés à résidence, incarcérés ou poursuivis.
boi avec afp
Condamnations internationales et appel à une libération immédiate
Après cette condamnation, plusieurs pays occidentaux ont appelé à la libération immédiate de l'opposant, l'affaire étant largement considérée comme politique.
"La condamnation d'Alexei Navalny va à l'encontre des engagements internationaux de la Russie en matière d'État de droit et de libertés fondamentales. Je réclame sa libération immédiate", a déclaré le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Les Etats-Unis ont exprimé leur "profonde préoccupation" et estimé que "comme tout citoyen russe, Alexeï Navalny doit jouir des droits garantis par la Constitution russe".
Le Royaume-Uni a jugé que la décision "perverse" de la justice russe montre que le pays ne remplit pas les "engagements les plus élémentaires attendus de la part de tout membre responsable de la communauté internationale".
"Le verdict d'aujourd'hui contre Alexeï Navalny est un coup sévère contre les libertés fondamentales et l'Etat de droit en Russie", a commenté le gouvernement allemand.
"La condamnation d'Alexeï Navalny est inacceptable. Un désaccord politique n'est jamais un crime. Nous appelons à sa libération immédiate. Le respect des droits humains comme celui de la liberté démocratique ne sont pas négociables", a réagi le président français Emmanuel Macron.
Cette condamnation, "contraire aux obligations internationales de la Russie en matière de droits de l'homme", "défie toute crédibilité", a ajouté la commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatovic.