"Le développement du vaccin Spoutnik V a été critiqué pour sa précipitation, le fait qu'il ait brûlé des étapes et une absence de transparence. Mais les résultats rapportés ici sont clairs et le principe scientifique de cette vaccination est démontré", ont estimé deux spécialistes britanniques, les professeurs Ian Jones et Polly Roy, dans un commentaire joint à l'étude du Lancet.
Cela "veut dire qu'un vaccin supplémentaire peut désormais rejoindre le combat pour réduire l'incidence du Covid-19", ont insisté ces chercheurs qui n'ont pas eux-mêmes été impliqués dans l'étude.
Ces premiers résultats vérifiés d'efficacité corroborent les affirmations initiales de la Russie, accueillies avec méfiance à l'automne dernier par la communauté scientifique internationale.
Ils semblent classer à ce stade le Spoutnik V parmi les vaccins les plus performants, avec ceux de Pfizer/BioNTech et Moderna (autour de 95%), qui utilisent pourtant une technologie différente (l'ARN messager).
Appel à une évaluation européenne
Ces dernières semaines, des voix ont commencé à s'élever en Europe pour que l'Agence européenne des médicaments (EMA) évalue rapidement le Spoutnik V, déjà utilisé en Russie et dans quelques pays (dont l'Argentine ou l'Algérie).
Les résultats publiés dans The Lancet proviennent du dernier stade des essais cliniques du vaccin, la phase 3, qui porte sur près de 20'000 participants.
Comme toujours en pareil cas, ces résultats émanent de l'équipe qui a élaboré le vaccin puis mené les essais, et ils ont ensuite été soumis à d'autres scientifiques indépendants avant publication.
Ils montrent que le Spoutnik V réduit de 91,6% le risque de contracter une forme symptomatique de Covid-19.
Essai mené entre septembre et novembre
Les participants à l'essai mené entre septembre et novembre ont tous reçu deux doses de vaccin ou de placebo à trois semaines d'intervalle. A chaque fois, cela s'accompagnait d'un test PCR. Dans les jours suivant l'administration de la deuxième dose, un test PCR n'était réalisé que chez les personnes qui développaient des symptômes.
Au total, 16 volontaires sur 14'900 qui avaient reçu les deux doses du vaccin ont été testés positifs (soit 0,1%), contre 62 sur 4900 qui avaient reçu le placebo (soit 1,3%).
Les auteurs pointent toutefois une limite: dans la mesure où les PCR n'ont été réalisés "que quand les participants ont déclaré être atteints de symptômes du Covid, l'analyse de l'efficacité ne porte que sur les cas symptomatiques".
"D'autres recherches sont nécessaires pour cerner l'efficacité du vaccin sur les cas asymptomatiques et sur la transmission" de la maladie, poursuit The Lancet dans un communiqué.
Par ailleurs, en se basant sur quelque 2000 cas de personnes de plus de 60 ans, l'étude juge que le vaccin semble efficace dans cette classe d'âge. Enfin, des données partielles semblent montrer qu'il protège extrêmement bien contre les formes modérées à sévères de la maladie.
afp/ebz
Vaccin à vecteur viral
Le Spoutnik V russe est un vaccin "à vecteur viral": on prend pour base d'autres virus, rendus inoffensifs et adaptés pour combattre le Covid.
C'est également la technique utilisée par le vaccin d'AstraZeneca/Oxford, efficace à 60% selon l'Agence européenne des médicaments.
Mais alors que le vaccin d'AstraZeneca est basé sur un unique adénovirus de chimpanzé, le Spoutnik V russe utilise deux adénovirus humains différents pour chacune des deux injections.
Selon ses concepteurs, le fait d'utiliser pour le rappel un adénovirus différent de celui de la première injection pourrait provoquer une meilleure réponse immunitaire.
Pfizer estime qu'il va vendre pour 15 milliards de dollars de vaccins
Le groupe pharmaceutique américain Pfizer estime que les ventes du vaccin anti-Covid, développé en partenariat avec la société allemande BioNTech, atteindront environ 15 milliards de dollars sur toute l'année 2021, une somme colossale qui pourrait augmenter si le laboratoire signe des contrats supplémentaires.
Ce vaccin serait ainsi un des plus gros "blockbusters" de l'histoire de la pharmacie.
Pfizer, qui dévoilait mardi ses résultats trimestriels, s'attend à dégager sur ce produit une marge avant impôt d'environ 25% à 30%.