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Au Nebraska, l'oléoduc Keystone XL au coeur de la bataille pour le climat

Vue aérienne sur le Nebraska, où l'oléoduc Keystone XL était en cours de construction. [RTS - Raphael Grand]
Nebraska: la bataille du climat / Tout un monde / 8 min. / le 2 février 2021
Depuis l'arrivée de Joe Biden au pouvoir, le climat est à nouveau au coeur des batailles politiques. À l'exemple de l'oléoduc Keystone XL qui devait transporter du pétrole à travers les Etats-Unis, et dont le projet a été subitement arrêté. Reportage dans les plaines enneigées du Nebraska.

Depuis son arrivée à la Maison Blanche, le nouveau président américain Joe Biden se presse de signer une quantité record de décrets présidentiels. L'un d'eux a stoppé le projet d'un oléoduc de près de 2000 kilomètres qui devait permettre d’accroître les capacités de transport du pétrole canadien brut jusqu'au Texas.

Au Nebraska, Randy Thomson, un cowboy de 73 ans, est le visage de la contestation face au projet Keystone XL. Son portrait est imprimé sur des t-shirts portés par les activistes du climat aux Etats-Unis.

Randy Thompson, figure historique de la lutte contre le pipeline Keystone XL [RTS - Raphael Grand]
Randy Thompson, figure historique de la lutte contre le pipeline Keystone XL [RTS - Raphael Grand]

"Cet oléoduc devait être enterré directement dans nos réserves d’eau, explique Randy. Et pour moi, le risque dépasse grandement les bénéfices de ce projet."

Au cours de plus de 10 ans de lutte, le fermier a vu changer les mentalités. "Au début, je ne croyais pas vraiment à tous ces trucs sur le climat. Mais j’ai complètement changé mon attitude par rapport à ça. Et il me semble que de plus en plus de fermiers et de ranchers se sentent maintenant concernés par le changement climatique."

Tribus indiennes et fermiers soudés

Au Nebraska, des fermiers comme Randy se sont unis avec des tribus indiennes autochtones, comme les Winnebago. Lorelei Decora, membre du conseil de la tribu, est activiste du climat depuis 45 ans.

Alors, lorsqu'elle entend à la télévision que Joe Biden avait l'intention d'annuler le permis de l'oléoduc, elle a hurlé de joie. "Ma fille ne comprenait pas pourquoi je criais. J’ai réveillé tout le monde, j’étais tellement contente !"

Lorelei Decora, membre du conseil de la tribu Winnebago. [RTS - Raphael Grand]
Lorelei Decora, membre du conseil de la tribu Winnebago. [RTS - Raphael Grand]

En effet, cet oléoduc représentait un risque pour les réserves d'eau de sa tribu. "Tout ce qui est construit par l’Homme se casse un jour ou l’autre, estime Lorelei. Et nous, les Indiens, savons que ces oléoducs ont souvent des fuites. On s’était déjà battu contre des oléoducs dans le Dakota. C'est la même chose pour cet oléoduc Keystone XL, qui va aussi avoir des fuites et contaminer nos eaux souterraines. Que vont boire nos arrières petits-enfants?"

11'000 emplois supprimés selon les syndicats

Si l’arrêt du projet est salué par les organisation environnementales, les tribus indiennes et un nombre important de fermiers, ce n'est pas le cas des ouvriers qui travaillent sur le chantier, à l'exemple de Blake Moser.

"Le président a signé le décret le mercredi, et on a été licenciés le jeudi, raconte le jeune homme. Je suis passé d’une situation enviable, avec un bon salaire à  "plus rien du tout". Pour les ouvriers, il faut continuer à payer les emprunts de la maison, les frais de la voiture, ceux pour les enfants. Cette décision fait du mal aux petites villes du Nebraska."

Blake Moser, 27 ans, a perdu son emploi du jour au lendemain. [RTS - Raphael Grand]
Blake Moser, 27 ans, a perdu son emploi du jour au lendemain. [RTS - Raphael Grand]

Les syndicats dénoncent la suppression de quelques 11'000 emplois le long du tracé. Des emplois bien payés, qui font défaut dans ces régions reculées.

"Joe Biden et ses collègues ont voulu devenir verts en l’espace d’une nuit, blâme Blake. Mais ça ne va pas marcher. Je ne vois pas comment quelqu’un peut voter pour un politicien qui détruit autant d'emplois en une journée. Il y aura des conséquences politiques."

Le retour de flamme des républicains

Ryan Hamilton, directeur exécutif des républicains au Nebraska, exprime le mécontentement au sein de son parti. "Ces décrets présidentiels ont un impact sur le coût de la vie aux Etats-Unis. Cela va faire augmenter les coûts de l’énergie, le prix de l’essence, et détruire des dizaines de milliers d’emplois."

"La réalité, c’est que nous allons devoir continuer à produire de l’énergie. On ne fait que déplacer la production d’émissions de CO2. Ces sont des décisions politiques simplement cosmétiques ! Si le but, sur le long terme, est de réduire les émissions de carbone, il n’y a pas de preuves claires que l’annulation de l’oléoduc améliore la situation, car l’énergie doit de toute façon être produite."

Ryan Hamilton nous reçoit dans le quartier général du parti républicain du Nebraska. [RTS - Raphael Grand]
Ryan Hamilton nous reçoit dans le quartier général du parti républicain du Nebraska. [RTS - Raphael Grand]

La seule bonne nouvelle au regard du républicain est que l’agenda progressiste de Joe Biden va provoquer un retour de flamme populiste aux Etats-Unis et ainsi servir son parti.

"Si cette première semaine de présidence n’est que le prologue des prochaines années, je pense que nous allons assister à une montée du populisme qui va faire passer l’élection de Trump en 2016 comme la petite goutte d’eau d’une vague populiste qui va emporter les démocrates et leurs politiques élitistes ces prochaines années."

"La classe ouvrière de ce pays en a marre. Ils ont l’impression que les leaders de leurs partis ne représentent pas leurs intérêts et ne se soucient pas d’eux. Ils n’en peuvent plus."

Victoire provisoire

L’annulation du projet Keystone XL doit symboliser une nouvelle direction donnée par l'administration américaine, qui veut retrouver une place de premier plan dans la lutte contre le réchauffement climatique. C’est aussi une bataille politique intense. Barack Obama avait stoppé le projet en 2012, Donald Trump l’avait ressuscité avant que Joe Biden s’y oppose à nouveau. A chaque fois, avec une simple signature, dans le bureau ovale.

Une victoire peut-être provisoire donc pour Randy Thomson. "Je préfère retenir mon enthousiasme. Même si, à ce stade, le permis est retiré, j’espère que ce sera définitif."

La bataille pour le climat amorcée par Joe Biden se poursuit maintenant au Congrès, où il s’agira de faire voter des lois. Mais avec une majorité démocrate fragile, l’avenir du climat aux Etats-Unis s'annonce encore incertain.

Raphael Grand / mh

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