Devant les membres du Forum sur le dialogue politique libyen (FDPL), l'émissaire provisoire de l'ONU Stephanie Williams a salué un vote "historique". La communauté internationale a parié sur le fait "que vous seriez capables d'aboutir à une vraie solution décidée par les Libyens. C'est ce que vous avez fait", a-t-elle dit tout en promettant que celle-ci continuerait à surveiller la situation.
S‘il est confirmé par la Chambre des représentants, Abdul Hamid Mohammed Dbeibah sera Premier ministre jusqu'aux élections nationales prévues en décembre. Préféré au second tour de scrutin au favori Fathi Bachagha, l'un des hommes forts de l'ouest du pays arrivé en tête du premier tour, il aura 21 jours pour présenter un gouvernement. Si son cabinet est rejeté, les membres du Forum sur le dialogue politique libyen (FDPL) devront désigner à nouveau un Premier ministre.
Et pour unifier les institutions et garantir la sécurité du pays avec lui, un Conseil présidentiel de trois membres (un pour l'ouest, l'est et le sud) sera constitué de Mohammad Younes Menfi, qui le dirigera, Mossa Al-Koni, ancien diplomate, et Abdullah Hussein Al-Lafi. Cette liste a été désignée face à celle de Fathi Bachagha et d'Aguila Saleh, président du Parlement de l'est du pays et proche de l'homme fort de cette zone Khalifa Haftar.
Après des dizaines d'années de dictature suivies d'une fragmentation entre autorités concurrentes, ces quatre personnes doivent mettre un terme à des divisions observées depuis près de dix ans. Elues par 39 voix contre 34 au total, elles se sont engagées à honorer la feuille de route approuvée en novembre par les 75 représentants du FDPL.
Accord soutenu par Haftar
Elles vont garantir l'état de droit et l'organisation des élections, auxquelles elles ne participeront pas, et nommer au moins 30% de femmes aux postes importants du gouvernement. Il faudra voir si tous les acteurs se conforment à ce résultat et aux engagements. Selon Stephanie Williams, Khalifa Haftar a promis de les soutenir.
Les membres du FDPL se sont réunis depuis lundi dans une salle liée à un complexe hôtelier vaudois, que l'ONU souhaitait maintenir l'identité secrète. Outre Mme Williams, le Slovaque Jan Kubis, nommé récemment comme émissaire par le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres après des mois de divisions internationales et qui doit prendre ses fonctions dans les prochains jours, était également présent vendredi.
Lors d'un premier vote mardi pour le Conseil présidentiel, aucun des 24 candidats n'avait réuni les 70% de suffrages requis. Comme prévu dans le mécanisme d'élection approuvé il y a deux semaines, des listes communes ont alors été établies. Chacune rassemblait un candidat pour le Conseil présidentiel par bloc et un autre pour le poste de chef de gouvernement.
Nomination saluée par la Suisse
Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a salué la nomination de cet exécutif provisoire après des années de crise. "La Suisse salue cette étape importante de la transition vers une paix solide et durable en Libye", écrit dans un communiqué le DFAE. Les services du conseiller fédéral Ignazio Cassis soulignent le soutien de la Suisse au "travail des Nations Unies et de la Représentante spéciale par intérim du Secrétaire général pour la Libye, Stephanie Williams.
En tant qu'Etat hôte, la Suisse "se tient à disposition pour accueillir d'autres réunions dans le cadre du processus de paix". Ce rôle répond aux objectifs de la stratégie politique étrangère 2020-2023 en matière de paix et sécurité du Conseil fédéral, a noté le DFAE.
jfe avec ats
Une situation plus calme
La situation est désormais calme en Libye, mais quelque 20'000 mercenaires, surtout turcs et russes, restent présents, alors qu'ils auraient déjà dû quitter le territoire conformément à l'accord de cessez-le-feu.
Jusqu'à présent, le pays était divisé entre le Gouvernement d'union nationale (GNA), soutenu par la Turquie et l'Italie, à l'ouest et Khalifa Haftar, dont l'armée nationale libyenne (ANL) était appuyée notamment par la Russie.
Les Etats-Unis ont mis la pression ces derniers jours sur Moscou et Ankara. Et jeudi, le Conseil de sécurité de l'ONU a demandé à Antonio Guterres d'acheminer rapidement des observateurs pour vérifier que l'accord est honoré par toutes les parties.
Outre l'accueil de la réunion du FDPL, la Suisse est active comme coprésidente du Groupe de travail sur le droit international humanitaire (DIH) et les droits de l'homme en Libye lancé par la communauté internationale. De nombreuses violations ont été identifiées ces dernières années, dont de possibles crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Une mission internationale indépendante d'établissement des faits, mandatée par le Conseil des droits de l'homme à Genève, doit rendre dans quelques mois un rapport.