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Vjosa Osmani: "La Suisse a été là pour le Kosovo dans les moments difficiles"

Vjosa Osmani, présidente ad intérim de la République du Kosovo [RTS - Anouk Henry]
Entretien avec la présidente kosovare Vjosa Osmani / Tout un monde / 8 min. / le 9 février 2021
Le Kosovo organise dimanche prochain des élections législatives anticipées, auxquelles se présente Vjosa Osmani, présidente ad intérim depuis le départ de Hashim Thaci en novembre dernier. Elle a confié à la RTS vouloir mettre fin au crime et à la corruption dans son pays.

Présidente ad interim depuis à peine quatre mois, Vjosa Osmani est déjà en campagne. En novembre, son prédécesseur Hashim Taci a été inculpé pour crime de guerre et crime contre l'humanité par le tribunal spécial pour le Kosovo à la Haye. Alors présidente du Parlement, c'est à elle qu'est revenue la charge d'assurer l'intérim.

L'ascension rapide de cette femme de 38 ans n'est pas un hasard: une histoire familiale marquée par la guerre, un engagement politique précoce, un doctorat en droit à Pittsburg, en Pennsylvanie, ou encore la représentation du Kosovo dans les négociations d'indépendance.

Vjosa Osmani a également tenu des positions très fermes en 2020, lors de plusieurs rebondissements politiques majeurs, qui ont finalement conduit aux élections législatives anticipées qui auront lieu le 14 février.

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Un duo charismatique

Pour espérer remporter ces élections, Vjosa Osmani a fait alliance avec Albin Kurti, le leader du parti souverainiste de gauche, . Cet ancien marxiste et cette libérale de centre-droit forment un duo improbable mais charismatique.

Ils sont unis autour d'un point cardinal: la lutte contre la corruption et le crime des dirigeants actuels, issus pour beaucoup des rangs de l'ancienne guérilla UCK (Armée de libération nationale). Les sondages leur prédisent un score qui, pour la première fois depuis l'indépendance, frôle la majorité absolue. Ils pourraient donc être amenés à former le prochain gouvernement.

Nous ne promettons pas de faire du Kosovo un pays comme la Suisse en quelques années.

Vjosa Osmani, présidente de la République du Kosovo

"Évidemment, nous ne promettons pas de faire du Kosovo un pays comme la Suisse en quelques années. Mais nous nous engageons à un travail honorable en respectant la loi et les intérêts des citoyens."

"Nous n'avons pas besoin de réinventer la roue. Concrètement, si nous mettons fin au crime et à la corruption, nous aurons fait une grande faveur à notre pays. Car c'est le plus grand obstacle aux réussites dans tous les autres domaines, qu’il s’agisse d’éducation, de développement économique, d’emploi, de santé."

Féministe et progressiste

Dans un pays imprégné de patriarcat, Vjosa Osmani se revendique comme féministe. En tant que députée, elle a fait des interventions remarquées contre les violences sexuelles. Mais se sent-elle appartenir au même groupe que des dirigeantes comme Jacinda Ardern en Nouvelle-Zélande, Sanna Marin en Finlande ou plus récemment Kaja Kallas en Estonie?

"Oui, j'ai vraiment le sentiment de faire partie de ce groupe, estime la présidente. Dans le monde entier, les femmes ont ouvert une nouvelle ère dans la manière de faire de la politique, avec des actions responsables et éthiques."

>> Voir les propos de Vjosa Osmani sur les femmes au pouvoir :

Vjosa Osmani, présidente du Kosovo
Vjosa Osmani, présidente du Kosovo / L'actu en vidéo / 1 min. / le 8 février 2021

"Et je pense que, dans des pays qui n'ont toujours pas ce genre de modèles féminins dans la prise de décisions, ces exemples sont très importants pour montrer que les femmes peuvent très bien faire le travail et dans beaucoup de cas même mieux que beaucoup d’hommes qui étaient au pouvoir avant elles."

"Tous ces exemples servent d’inspiration, non seulement pour moi, mais aussi pour toutes les femmes du Kosovo. Elles nous montrent que malgré les obstacles auxquels nous sommes confrontées, nous ne devons jamais abandonner. Mais nous soutenir les unes les autres et, en même temps, travailler avec d'autres hommes, des champions qui croient vraiment en l'égalité des genre à tous les niveaux, pour atteindre le niveau d’égalité que notre société mérite."

Vjosa Osmani et la Suisse

Ayant été impliquée dans les négociations d'indépendance, Vjosa Osmani connaît bien la Suisse. Elle la considère comme l'un des partenaires les plus stratégiques.

"Premièrement parce que la Suisse a été l'un des tout premiers pays à se positionner en faveur de l’indépendance du Kosovo, avec Micheline Calmy-Rey. Donc la Suisse a été là pour nous dans les moments difficiles."

Nous avons une diaspora très importante en Suisse, qui sert de pont entre nos deux pays.

Vjosa Osmani, présidente de la République du Kosovo

"Deuxièmement, nous avons une diaspora très importante en Suisse, qui sert de pont entre nos deux pays. Et je pense qu'ils ont fait un travail remarquable, non seulement en s'intégrant dans la société, mais aussi en réussissant très bien, que ce soit dans le football ou la politique."

"Et enfin parce que nous sommes en Europe, sur le même continent. Les dirigeants pourront offrir de nouvelles possibilités de travail grâce au combat contre le crime et la corruption, l'état de droit, la sécurité des investissements, la prévisibilité juridique et une main-d'œuvre très peu coûteuse. Toutes ces conditions vont faire du Kosovo l’endroit idéal pour les investisseurs suisses, et ainsi approfondir encore plus les relations entre les deux pays."

L'inculpation de Hashim Thaci

La question de l'inculpation de Hashim Thaci est extrêmement sensible au Kosovo. Ce dernier est encore considéré par certains comme un héros et il est présumé innocent jusqu'au verdict. De plus, la justice internationale n'a pas jamais reconnu ni l'Etat kosovar, ni l'Etat serbe coupables de génocide pendant la guerre au Kosovo.

"En tant qu’institutions du Kosovo, nous croyons en la justice. Nous avons nous-mêmes créé les chambres spécialisées à La Haye parce que nous croyons non seulement en la vérité, mais nous croyons également en la justice à propos de cette vérité."

Nous croyons non seulement en la vérité, mais nous croyons également en la justice à propos de cette vérité.

Vjosa Osmani, présidente de la République du Kosovo

"Il n'y a qu'une seule vérité sur les Balkans et sur Kosovo en particulier, c'est que la Serbie a commis des crimes de guerre, de génocide et des crimes contre l'humanité, et a encouragé ces crimes à travers son appareil d’Etat."

>> Lire aussi : L'ex-président kosovar plaide non coupable de crimes de guerre

Dans les négociations en cours avec leur voisin serbe, Osmani et Kurti tiennent une position très ferme:

"Nous, Kosovars, savons très bien où nous voulons aller une fois ces élections terminées. Mais évidemment, c'est maintenant aux dirigeants serbes de montrer qu'ils sont vraiment intéressés par ce dialogue, car jusqu'à présent ils n'ont fait qu’abuser des discussions pour créer plus de destruction et de déstabilisation dans notre région et au-delà."

"En même temps, la Serbie continue de s’aligner sur la Russie et parfois même la Chine, à la fois politiquement, militairement et économiquement. Ils jouent un double jeu dans lequel ils prétendent être européens, alors qu’en fait, ils ne le sont pas."

À voir donc si Vjosa Osmani est réélue présidente, à défaut de quoi elle devrait probablement obtenir un poste de ministre.

En bonus, retrouvez l'entier de l'entretien de Vjosa Osmani, présidente ad intérim de la République du Kosovo (en anglais):

Vjosa Osmani présidente du Kosovo
Entretien complet de Vjosa Osmani, présidente de la République du Kosovo / L'actu en vidéo / 16 min. / le 8 février 2021

Anouk Henry / Mouna Hussain

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