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La natalité a encore chuté en Chine, signe d'une mutation de la société

La foule à la gare de Hangzhou, dans l'est de la Chine, en septembre 2020. [Keystone - EPA/Long Wei]
La natalité a encore chuté en Chine, signe d'une mutation de la société / La Matinale / 1 min. / le 11 février 2021
La démographie chinoise continue d'inquiéter les spécialistes, alors qu'un total de 10,04 millions de naissances ont été enregistrées l'an dernier, soit une chute de 14,8% par rapport à 2019. Ce recul, qui s'accélère depuis quatre ans, montre que la société chinoise est en train de changer.

Les données publiées cette semaine par le ministère chinois de la Sécurité publique ne sont pas encore définitives, car le nombre officiel des naissances totales, qui sera annoncé plus tard, est traditionnellement plus élevé que celui des naissances enregistrées. Tous les parents ne font en effet pas enregistrer leur enfant immédiatement.

Mais l'inquiétude n'en demeure pas moins grande du côté des autorités. L'an passé, le taux de natalité chinois était en effet le plus faible depuis la fondation de la République populaire en 1949 avec au final 14,65 millions de naissance. Et le bilan de 2020 ne devrait pas être plus encourageant.

Malgré l'abandon de la politique de l'enfant unique

Ce recul continu de la natalité intervient alors que la Chine a abandonné la politique de l’enfant unique en 2016. Et au grand étonnement des observateurs, la fécondité n’est pas remontée, au contraire.

Pour l'historien et démographe Michel Oris, interrogé jeudi dans La Matinale, "c’est le signe que les Chinoises ne sont plus dans le désir d’avoir plusieurs enfants". Et le professeur à l'Université de Genève d'expliquer que c'est certainement lié aux dépenses éducatives, pas seulement l’école, mais aussi les activités post-scolaires, ainsi qu'au coût du logement.

Michel Oris y voit également une conséquence de la "montée d’une classe moyenne qui a des idéaux de vie. Et c’est certainement aussi lié à l’émancipation des femmes chinoises, qui ne veulent plus être réduites à des rôles maternels, des rôles familiaux."

Craintes pour la consommation et les ambitions internationales

En outre, si la Chine traverse la crise du Covid-19 avec de bons chiffres économiques, la pandémie semble toutefois avoir amplifié les inquiétudes des ménages chinois sur le plan financier, freinant la natalité.

Les experts se disent inquiets de cette évolution démographique: si Pékin ne prend pas des mesures fortes pour contrer la tendance, dans moins de dix ans, la Chine se retrouvera avec une population en déclin et vieillissante. Et cette situation viendrait contrarier le recentrage du pays sur la consommation intérieure et, plus largement, ses ambitions économiques internationales.

"D'ici 2030, la Chine aura un vrai problème de structure de population qui va résonner sur son économie", estime Michel Oris. Mais pour le professeur, un déclin de cette population n'est pas un problème en tant que tel: "Ce serait même a priori plutôt positif compte tenu des enjeux environnementaux, notamment l'énorme pollution qui affecte un certain nombre de villes chinoises."

Un recensement en cours

En novembre, la Chine a lancé son premier recensement de l'après-enfant unique qui permettra notamment de déterminer si la fin de cette politique a permis une augmentation significative de la population. L'analyse des résultats devrait prendre deux ans.

Selon les estimations du gouvernement, le recensement devrait faire état d'une population de 1,42 milliard d'habitants (+5,99% en 10 ans). Mais un institut de recherche chinois a publié en octobre une étude, très commentée dans le pays, qui jugeait cette prévision bien trop optimiste et appelait à autoriser trois enfants par couple.

Des experts estiment qu'il faudra 15 ans pour voir les effets de la politique "des deux enfants". Car d'autres facteurs viennent limiter les naissances, notamment les études plus longues des femmes et leur volonté d'avoir un bébé plus tard. Parallèlement, le nombre de retraités devrait s'établir en Chine à 300 millions d'ici 2025.

Sujet radio: Guillaume Meyer

Adaptation web: Frédéric Boillat avec afp

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