Polémique autour de la vaccination prioritaire des fumeurs aux Etats-Unis
Certains Etats américains comme le New Jersey ont fait le choix de vacciner en priorité les fumeurs contre le Covid-19, suivant ainsi des recommandations des autorités sanitaires. Basée sur des observations scientifiques, cette option est pourtant loin de faire l'unanimité.
Dans le New Jersey, la décision émane du gouverneur démocrate Phil Murphy. "En ce moment, nous devons définir des priorités, basées sur les faits scientifiques et pas la politique, nous devons sauver des vies", a-t-il expliqué lundi en conférence de presse.
Mais cette option suscite la polémique parmi les citoyens de l'Etat. "J’ai été soufflée, c’est choquant, c’est décevant… Je suis très triste", réagit une habitante dans la file d'attente d'un centre de vaccination mardi dans le 19h30 de la RTS.
Longs délais dans les pharmacies
Les pharmacies, elles, reçoivent des centaines d'appels par jour de patients qui cherchent à se faire vacciner. "Je connais quelqu’un qui s’est inscrit hier et son rendez-vous est à la fin du mois de mars. Ça fait une longue attente", déplore une patiente.
En nombre de doses administrées pour 100 habitants, premières et deuxièmes doses confondues, les Etats-Unis restent derrière Israël ou le Royaume-Uni. Mais ils font mieux que la Suisse et la France.
Et ils utilisent justement de plus en plus les pharmacies pour vacciner. "On a reçu une centaine de doses de Moderna cette semaine pour nos patients", explique la directrice de l'enseigne MediLink RxCare Nikoleta Tzaferos. Cette pharmacie indépendante est l’une des premières à avoir proposé le vaccin.
L’administration Biden veut développer ce canal de distribution, en passant par les grandes chaînes comme CVS ou Walgreens. Ce programme a démarré le 12 février et un million de doses seront envoyées chaque semaine à 6500 pharmacies.
Des chances de survie "pas très bonnes"
Mais la liste d’attente reste longue. Le New Jersey donne la priorité aux plus de 65 ans, au personnel soignant et aux personnes jugées vulnérables, dont les fumeurs.
"C’est une population à risque", justifie Sandy Tzaferos, présidente de MediLink RxCare. "Le Covid est une maladie qui attaque les poumons. Quand les fumeurs l’attrapent, leurs chances de survie ne sont pas très bonnes, donc je crois qu’ils devraient recevoir le vaccin". Sandy Tzaferos précise cependant que l’Etat du New Jersey a ajouté des critères à la liste des personnes vaccinables sans livrer plus de doses.
Sentiment d'inégalité chez les enseignants
Ce choix de vacciner les fumeurs en priorité, aux côtés d'autres catégories à risque, est justifié par les recommandations scientifiques. Mais l’idée passe mal, alors que l’administration Biden pousse à la réouverture des écoles.
Chez les enseignants, qui ne sont pas classés en travailleurs essentiels, c'est l’incompréhension. "Quand vous voyez que les fumeurs ont la priorité par rapport aux enseignants, qui sont en contact avec les élèves, c’est frustrant et même franchement blessant pour notre personnel", relève ainsi un directeur d'école.
Dans plusieurs Etats, les syndicats d’enseignants sont de plus en plus remontés à l’idée d’accélérer la réouverture des écoles sans vaccination systématique. Ils estiment qu’un quart des personnes œuvrant dans ce corps de métier sont âgées ou souffrent de facteurs à risque. "Le personnel de l’éducation n’est pas différent des autres travailleurs essentiels, il doit passer en priorité, pas seulement pour sa sécurité, mais aussi pour celle des élèves et de leurs familles", a déclaré à Newsweek Kim Anderson, directrice de la National Education Association.
Sous pression, le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), autorité sanitaire américaine, a modifié ses recommandations vendredi dernier, suggérant que les Etats devraient à l'avenir donner la priorité aux enseignants. Interrogée dimanche par CNN, la directrice du CDC, Rochelle Walensky, a toutefois tempéré: "Je suis très favorable à l’administration du vaccin aux enseignants, mais je ne crois pas que ce soit un prérequis à la réouverture des écoles."
Accélération de la campagne de vaccination
Quoi qu'il en soit, le rythme de vaccination s'accélère depuis plusieurs semaines. Les Etats-Unis administrent en ce moment 1,6 million de doses par jour. Comme la Suisse, le pays souffre pourtant d’une pénurie de vaccins, l’offre restant inférieure à la demande.
Pfizer et Moderna se sont engagés à livrer 600 millions de doses en 2021. Et Joe Biden promet de vacciner 200 millions d’Américains avec deux doses d’ici au mois de mai. Mais l’attente nourrit les polémiques autour du choix des personnes qui doivent passer en priorité.
Gaspard Kühn/oang
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