Ce fameux minerai, que l'on retrouve dans les smartphones et écrans, est très convoité. Au Groenland, un conflit est né autour d'un projet d'exploitation de ces gisements dans le sud de l'île.
"Il y a une dimension environnementale liée au projet de mine à ciel ouvert d'uranium et de terres rares, explique dans l'émission Tout un monde Miko Mered, enseignant en géopolitique des pôles à HEC Paris. Ce serait l'une des plus grandes au monde. Il y a d'autres populations qui veulent monter d'autres projet sur ces terres dépourvues de glace toute l'année, comme de l'agriculture, de l'élevage, du tourisme. La pollution induite par cette mine pourrait empêcher leur développement."
En 2010, la société australienne "Greenland Minerals" a obtenu une licence d'exploration du site. Ses plans de protection de l'environnement, considérés comme insuffisants, ont été refusés trois fois. Finalement, ils ont été approuvés en septembre dernier.
Craintes pour l'environnement
Début 2021, des consultations publiques ont été lancées et les tensions sont remontées d'un cran, avec des menaces adressées à des politiciens.
"Le premier problème est celui des déchets radioactifs. Il faut séparer l'uranium des terres rares. Ces usines seraient construites sur place, ce qui va créer de la pollution localement. Le deuxième sujet porte sur la capacité de cette petite société australienne de garantir le démantèlement correct de cette mine une fois la date limite d'exploitation atteinte."
Cette dernière devrait être atteinte dans 37 ans. La question des déchets est d'autant plus sensible que d'autres licences d'explorations ont été octroyées pour prospecter du pétrole et du gaz dans la région.
Quête d'indépendance
Et, pour ses 56'000 habitantes et habitants se pose la question brûlante de l'indépendance du Groenland. Ce dernier a un statut de territoire autonome. Le gouvernement local peut gérer ses propres ressources, tandis que les autorités danoises gardent des fonctions régaliennes. Une indépendance totale ferait disparaître les subsides, qui représentent plus de 40 % du budget de l'île.
Ainsi, la droite appuie le projet minier qui pourrait financer une émancipation totale. Une position que ne partage pas la députée Aaja Chemnitz Larsen, représentante du Groenland à Copenhague et membre du parti Inuit "Ataqatigiit", favorable à un référendum sur ce projet:
"Nous avons une politique très claire envers l’extraction d’uranium. Nous n’en voulons pas. Pour ce qui est des terres rares, le débat est un peu plus compliqué. Nous sommes plus intéressés au développement de projets durables. Bien sûr, l’exploitation minière n’est pas à négliger, mais il est important de pouvoir diversifier notre économie, et de nous concentrer sur d’autres projets respectueux de l’environnement, sur l’innovation, mais aussi un développement durable du tourisme, ou de la pêche, qui constitue la principale exportation du Groenland."
Nous avons besoin d'emplois locaux pour convaincre les gens de revenir au Groenland.
Pour la députée, il est primordial d'accompagner les changements en cours: "Nous observons qu’un grand nombre de personnes quittent le Groenland pour le Danemark, parce qu’ils ont le sentiment que les opportunités pour trouver un travail ne sont pas idéales. Pour convaincre ces personnes de rentrer au Groenland, il faut créer des choses sur place. Et prendre du temps pour le faire, plutôt qu’ouvrir une mine géante où les gens vont et viennent de l’étranger. Nous avons besoin d’emplois locaux."
Elections anticipées en avril
Le parti Ataqatigiit, candidat aux élections anticipées d'avril, a plutôt le vent en poupe. Il est favorable à l'indépendance mais pas à marche forcée, ce qui pour le chercheur Miko Mered, ne change pas la question de fond au Groenland, c'est à dire de comment s'affranchir sans s'appauvrir.
"Sur les sept partis au Groenland, six sont pour l'indépendance. Parmi ces six partis, la différence est la rapidité de cette indépendance. Aujourd'hui environ 75% de la population groenlandaise est pour l'indépendance. Mais ce soutien tombe à 66% quand on demande si c'est à tout prix."
Plus de 140 ONG, dont Greenpeace ou Sea Shepherd, ont appelé le gouvernement local, le Danemark et l'Union européenne à observer un moratoire sur l'extraction minière et gazière à grande échelle, pour sanctuariser en quelque sorte le territoire. Mais, selon Miko Mered, les habitantes et habitants considèrent que ce n'est pas aux gens du sud, américains, européens ou autres, responsables du réchauffement climatique, de leur donner des leçons.
Francesca Argiroffo / mh