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Le prince héritier saoudien a "validé" l'assassinat de Khashoggi, selon Washington

La CIA met en cause le prince héritier saoudien dans l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en 2018.
La CIA met en cause le prince héritier saoudien dans l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en 2018. / 12h45 / 1 min. / le 27 février 2021
Les Etats-Unis ont publiquement accusé vendredi le prince héritier d'Arabie saoudite d'avoir "validé" l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. La Maison Blanche a annoncé des "mesures" dans la foulée, notamment des restrictions de visas. Ryad rejette "totalement" les accusations.

"Nous sommes parvenus à la conclusion que" le prince saoudien "a validé une opération à Istanbul pour capturer ou tuer" Jamal Khashoggi, écrit la direction du renseignement national dans un rapport de quatre pages, déclassifié à la demande de Joe Biden alors que son prédécesseur Donald Trump l'avait gardé secret.

"Le prince héritier considérait Khashoggi comme une menace pour le royaume et plus largement soutenait le recours à des mesures violentes si nécessaire pour le faire taire", ajoute-t-elle.

Le rapport souligne que le prince héritier disposait depuis 2017 d'un "contrôle absolu" des services de renseignement et de sécurité du royaume, "rendant très improbable l'hypothèse que des responsables saoudiens aient pu conduire une telle opération sans le feu vert du Prince".

Les services de renseignement américains supposent par ailleurs que, à l'époque de l'assassinat de Jamal Khashoggi, Mohammed ben Salmane faisait régner un climat tel que ses collaborateurs n'osaient vraisemblablement pas remettre en question les ordres reçus, "par crainte d'être renvoyés ou arrêtés".

>> Ecouter aussi le sujet du 12h30 :

Une policière turque passe devant un portrait du journaliste Jamal Khashoggi, assassiné dans le consulat d'Arabie Saoudite à Istanbul. Octobre 2019. [Keystone/ap photo - Lefteris Pitarakis]Keystone/ap photo - Lefteris Pitarakis
Le prince héritier saoudien a "validé" l'assassinat de Khashoggi, selon Washington / Le 12h30 / 1 min. / le 27 février 2021

Ryad rejette les accusations

Ryad a "rejeté totalement les conclusions fausses et préjudiciables" du rapport américain, tout en appelant de ses voeux la poursuite d'un partenariat "solide et fort" avec Washington.

"Il est vraiment malheureux que ce rapport, avec ces conclusions injustifiées et fausses, soit publié alors que le royaume a dénoncé clairement ce crime odieux et que ses dirigeants ont pris les mesures nécessaires pour s'assurer qu'un tel drame ne se reproduise jamais", a déclaré le ministère des Affaires étrangères.

Appel avec le roi Salmane

Joe Biden, qui avait jugé avant son élection en novembre que le royaume du Golfe devait être traité comme un Etat "paria" pour cette affaire, a tenté de déminer le terrain en appelant jeudi au téléphone le roi Salmane.

S'il a mis l'accent sur "les droits humains universels" et "l'Etat de droit", il a aussi adressé un satisfecit au monarque pour la récente libération de plusieurs prisonniers politiques. Et il a évoqué "l'engagement des Etats-Unis à aider l'Arabie saoudite à défendre son territoire face aux attaques de groupes pro-Iran", selon la présidence américaine.

Relation "recalibrée"

Alors qu'elle laisse planer la menace de nouvelles mesures punitives, l'administration Biden n'a pas pour l'instant confirmé qu'elle était prête à aller jusqu'à sanctionner le prince. Elle a toutefois annoncé des restrictions de visas pour 76 Saoudiens, ainsi que des interdictions d'entrée pour quiconque s'attaque à des dissidents ou journalistes à l'étranger.

Washington a aussi annoncé des sanctions financières contre une unité d'intervention spéciale et l'ancien numéro deux du renseignement saoudien, Ahmed al-Assiri, proches du prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane.

Le gouvernement américain a d'ores et déjà prévenu que Joe Biden entendait "recalibrer" sa relation avec Ryad, en ne parlant qu'au roi et non au prince, interlocuteur privilégié de Donald Trump, et en mettant l'accent sur les droits humains.

Il a aussi mis fin au soutien américain à la coalition militaire, dirigée par les Saoudiens, qui intervient dans la guerre au Yémen, et tente de renouer le dialogue avec l'Iran.

ats/vkiss

>> Voir aussi l'analyse d'Avram Zisyadis dans le 19h30 :

Washington accuse le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane d'avoir validé l'assassinat de Jamal Khashoggi. L'analyse d'Avram Zisyadis.
Washington accuse le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane d'avoir validé l'assassinat de Jamal Khashoggi. L'analyse d'Avram Zisyadis. / 19h30 / 1 min. / le 26 février 2021
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Assassinat et conséquences

Critique du pouvoir saoudien après en avoir été proche, Jamal Khashoggi, résident aux Etats-Unis et chroniqueur du Washington Post, avait été assassiné le 2 octobre 2018 dans le consulat de son pays à Istanbul par un commando d'agents venus d'Arabie saoudite. Son corps, démembré sur place, n'a jamais été retrouvé.

Après avoir nié l'assassinat, Ryad avait fini par dire qu'il avait été commis par des agents saoudiens ayant agi seuls. A l'issue d'un procès opaque en Arabie saoudite, cinq Saoudiens ont été condamnés à mort et trois condamnés à des peines de prison - les peines capitales ont depuis été commuées.

Cette affaire a durablement terni l'image de Mohammed ben Salmane, dit MBS, véritable homme fort du royaume rapidement désigné par des responsables turcs comme le commanditaire du meurtre malgré les dénégations saoudiennes.

Le Sénat des Etats-Unis, qui avait déjà eu accès aux conclusions des services de renseignement, avait aussi jugé dès 2018 que le prince était "responsable" du meurtre. Mais Mike Pompeo, alors secrétaire d'Etat, avait lui affirmé que le rapport de la CIA ne contenait "aucun élément direct liant le prince héritier à l'ordre de tuer Jamal Khashoggi". L'administration Trump avait émis des sanctions à l'encontre d'une douzaine de responsables saoudiens subalternes.