L'armée française a enregistré son plus grave revers depuis le
début de sa mission en Afghanistan, perdant dix hommes suite à une
embuscade des talibans près de Kaboul. Cette attaque illustre la
stratégie d'encerclement de la capitale par les insurgés, selon les
experts.
Les soldats français sont tombés lundi dans une embuscade de
grande ampleur dans le district de Saroubi, à laquelle ont
participé une centaine d'insurgés, selon la Force internationale
d'assistance à la sécurité (Isaf).
Les combats, qui se sont poursuivis tout au long de la nuit, ont
aussi fait 21 blessés dans les rangs français. Neuf des dix
militaires tués ont été touchés lors des premières minutes de
l'embuscade, vers 13h30 locales, a précisé le chef d'état-major
français Jean-Louis Georgelin.
Le dixième soldat est mort dans l'accident d'un engin blindé qui
s'est renversé mardi vers 05h30 locales alors que les forces de la
coalition quittaient les lieux après plusieurs heures de combats.
Le ministre de la Défense Hervé Morin a précisé que, du côté des
insurgés, «les estimations sont autour d'une trentaine de morts et
d'une trentaine de blessés».
Chef taliban blessé
Un "important chef de la rébellion talibane" figurerait parmi
les insurgés blessés lors des combats au cours desquels dix soldats
français ont été tués lundi en Afghanistan, a annoncé Jean-Louis
Georgelin.
"Il n'y a eu aucun mort parmi les forces spéciales américaines"
lors de ces combats, ni parmi les forces de l'armée nationale
afghane, qui déplore toutefois trois blessés légers, a ajouté Hervé
Morin. "Nos soldats ont été tués au tout début de l'embuscade au
moment du feu: c'est eux qui ont payé le tribut de cette
embuscade", a-t-il dit.
Un porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahed, avait affirmé
plus tôt à l'AFP que les insurgés avaient perdu cinq de leurs
hommes et que cinq civils avaient été tués lors des combats qui ont
coûté la vie aux dix soldats français. Les talibans ont indiqué
avoir attaqué à l'aide de mines et de roquettes, et d'avoir détruit
cinq véhicules.
Sarkozy à Kaboul
Le président français Nicolas
Sarkozy a annoncé qu'il se rendait dès mardi soir en
Afghanistan.
"Ma détermination est intacte. La France est résolue à poursuivre
la lutte contre le terrorisme, pour la démocratie et la liberté. La
cause est juste, c'est l'honneur de la France et de ses armées de
la défendre", a déclaré le président français dans un
communiqué.
Renforcement contesté
Les militaires français visés par l'embuscade avaient relevé les
forces américaines de la 101e division aéroportée américaine (101st
Airborne Division) en juillet. La France, qui compte environ 3000
hommes en Afghanistan, a pris par ailleurs le commandement de la
région de Kaboul le 6 août.
Ces pertes sont les premières depuis le renforcement de la
présence française en Afghanistan, annoncée par Nicolas Sarkozy
lors du sommet de l'OTAN à Bucarest en avril dernier. Ce supplément
de 700 hommes dans l'Est afghan avait été vivement critiqué par
l'opposition française, qui s'inquiétait d'un enlisement dans un
"nouveau Viêtnam".
agences/cab/sbo/jeh
Près de 180 soldats tués en 2008
Environ 3000 militaires français sont actuellement engagés en Afghanistan, au sein de l'Isaf, principalement à Kaboul et dans la province de Kapisa, au nord-est de la capitale.
La France a pris le 5 août le commandement de la région "capitale", assuré à tour de rôle par la France, l'Italie et la Turquie, qui disposent chacun d'un bataillon déployé à Kaboul et dans sa région proche.
Ces pertes sont les premières depuis le renforcement de la présence militaire française en Afghanistan, actuellement de l'ordre de 3000 hommes, annoncée par le président Nicolas Sarkozy lors du sommet de l'Otan à Bucarest en avril.
Depuis fin 2001 et sans compter les morts de lundi, treize militaires français sont morts en Afghanistan dans des accidents, opérations ou attentats. Le dernier en date avait péri le 21 septembre 2007, dans un attentat suicide à la voiture piégée à Kaboul.
Cent septante-six soldats étrangers sont morts en Afghanistan depuis le début de l'année, selon un décompte de l'AFP basé sur les communiqués militaires.
Isoler Kaboul
Les insurgés ont frappé à moins d'une heure de route de la capitale, et Kaboul paraît de plus en plus menacée.
D'après le conseil de Senlis, un groupe d'étude indépendant, les talibans multiplient leurs activités dans les provinces de Wardak et de Logar, à l'ouest et au sud de Kaboul, dans le cadre d'une "marche sur la capitale".
"La stratégie d'encerclement de Kaboul a été développée de longue date et maintenant le gouvernement est incapable de l'empêcher" a jugé Haroun Mir, du Centre de recherche et d'études politiques pour l'Afghanistan.
"Il y a aussi de nombreuses attaques contre les convois logistiques entre Kaboul et Jalalabad (est)», a-t-il ajouté, faisant état d'une alliance entre talibans, al-Qaïda et le groupe de l'ancien chef de guerre Gulbuddin Hekmatyar.