"Nous avons mérité de vivre dans une république libre", a lancé
Edouard Kokoïty avant de dénoncer le "génocide" dont le peuple
d'Ossétie du sud a été la cible, selon lui. "La Géorgie n'est pas
seule responsable, l'Ukraine et les Etats-Unis le sont aussi et
doivent être jugés pour génocide", a-t-il poursuivi.
"Merci à l'Etat russe", a encore lancé le président Kokoïty. "Je
peux vous assurer que ce sera la dernière tragédie de ce genre sur
notre territoire", a dit le leader indépendantiste sud-ossète.
L'Abkhazie aussi
La région séparatiste géorgienne d'Abkhazie a elle aussi demandé
à la Russie de reconnaître son indépendance lors d'un "congrès
national" réunissant des dizaines de milliers de personnes jeudi
sur la place centrale de sa capitale Soukhoumi, a constaté une
journaliste de l'AFP.
"Nous nous adressons au président (russe Dmitri) Medvedev, au
Conseil de la Fédération (chambre haute, ndlr) et à la Douma
(chambre basse) de la Fédération de Russie pour qu'ils
reconnaissent notre indépendance", a déclaré un responsable, lisant
une déclaration.
Des milliers de personnes réunies pour cette assemblée
traditionnelle, dont notamment les membres de tous les partis
politiques et organisations sociales abkhazes ont alors levé la
main pour approuver cet appel.
Le président séparatiste abkhaze, Sergueï Bagapch, avait la veille
dans un appel approuvé par le Parlement d'Abkhazie demandé à la
Russie et au monde de reconnaître l'indépendance de la république
autoproclamée.
Le point de vue de Moscou
La décision de Moscou sur une reconnaissance éventuelle de
l'indépendance des deux régions séparatistes géorgiennes dépendra
du comportement du président géorgien Mikheïl Saakachvili, a
déclaré jeudi le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï
Lavrov, cité par Ria Novosti.
"Saakachvili porte la responsabilité de la façon dont les
événements vont se dérouler", a déclaré Sergueï Lavrov en réponse à
une question des journalistes sur les intentions de Moscou quant à
la reconnaissance des territoires séparatistes d'Ossétie du Sud et
d'Abkhazie, a rapporté Ria Novosti.
Kouchner écourte sa tournée
Le chef de la diplomatie française
Bernard Kouchner se rendra dimanche à Beyrouth et lundi à Damas,
mais annule, en raison de la situation "en Géorgie et en
Afghanistan", des déplacements en Israël, dans les Territoires
palestiniens et en Egypte, a annoncé jeudi son ministère.
"Compte tenu de la situation internationale, en particulier les
derniers développements intervenus en Géorgie et en Afghanistan, le
ministre a dû modifier le programme de son déplacement au
Proche-Orient", a déclaré à la presse le porte-parole adjoint du
Quai d'Orsay, Frédéric Desagneaux.
Couac diplomatique
Cette annonce survient alors que l'ambassadeur de France en
Géorgie a été "bloqué pendant quelques heures" à un point de
contrôle des soldats russes jeudi matin près de la ville de Gori,
selon le porte-parole adjoint du ministère des Affaires étrangères
à Paris, Frédéric Desagneaux. "Il est inacceptable que la liberté
de mouvement de notre ambassadeur ait été entravée. Nous l'avons
fait savoir aux autorités russes", a ajouté le Quai d'Orsay.
"Il se trouve maintenant à l'ambassade" de France à Tbilissi,
a-t-il ajouté. Les militaires russes et leurs blindés étaient
toujours postés sur la route conduisant de Tbilissi à Gori, et
cette ville stratégique n'était toujours pas accessible jeudi, a
constaté un journaliste de l'AFP.
Sur le terrain, les militaires russes et leurs blindés étaient
toujours postés sur la route conduisant de la capitale géorgienne
Tbilissi à la ville de Gori, et cette ville stratégique n'était
toujours pas accessible jeudi, a constaté un journaliste de
l'AFP.
Les soldats russes disposent de plusieurs points de contrôle sur
cette voie, le premier à Igoïeti, à 30 km de Tbilissi. Ils ne
laissent plus aucun véhicule aller au-delà de Khourvaleti, village
à une dizaine de kilomètres de Gori.
La Russie gèle sa coopération avec l'Otan
L'Otan a déclaré jeudi avoir reçu une note de Moscou annonçant
que la Russie arrêtait sa coopération militaire avec l'Alliance
atlantique, dernier signe des tensions entre Moscou et l'Occident
nées de la situation en Géorgie. Mardi, l'Alliance atlantique avait
prévenu qu'elle suspendrait tout contact formel avec la Russie tant
que celle-ci aurait des troupes stationnées en Géorgie.
En vertu d'un accord de 2002 instaurant le Conseil OTAN-Russie,
Moscou et l'Alliance atlantique se sont engagés dans plusieurs
projets de coopération. Des navires de guerre russes participent
ainsi notamment occasionnellement à des manoeuvres de l'OTAN en mer
Méditerranée.
agences/hof/ps
Le Kosovo, une boîte de Pandore?
Une reconnaissance par Moscou de l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud serait un sérieux retour de bâton pour les Européens après la déclaration d'indépendance du Kosovo, mais elle ne serait pas sans risque non plus pour la Russie, selon les analystes.
La chambre haute du Parlement russe doit se réunir lundi en séance extraordinaire pour discuter de la reconnaissance des deux régions géorgiennes séparatistes soutenues par Moscou.
Alors que les Occidentaux manquent de moyens pour faire respecter l'intégrité territoriale de la Géorgie, pays qui souhaite rejoindre l'Otan, la Russie a de son côté démontré sa détermination en s'enfonçant jusqu'à une trentaine de kilomètres de Tbilissi, après la tentative de la Géorgie de reprendre le contrôle de ses deux provinces rebelles.
Pour se justifier, Moscou souligne que la France, la Belgique ou les Etats-Unis sont déjà intervenus militairement à l'étranger pour venir en aide à des ressortissants en danger.
Les dirigeants russes mettent également en avant l'exemple du Kosovo, province albanaise de Serbie qui a autoproclamé son indépendance en février et qu'une vingtaine de pays de l'Union européenne a depuis lors reconnue, contre l'avis de Moscou.
Les Occidentaux rejettent la comparaison, le secrétaire général de l'Alliance atlantique, Jaap de Hoop Scheffer, expliquant encore cette semaine que le Kosovo, longtemps géré par l'ONU, avait une "trajectoire spéciale".
"Sans l'affaire de l'indépendance du Kosovo, je ne pense pas que l'on serait rentré dans une telle accélération de l'histoire" en Géorgie, souligne pour sa part Alain De Neve, de l'Institut royal supérieur de Défense de Belgique.
"Dans la démarche russe, il y a comme toile de fond le comportement des Occidentaux au Kosovo, qui ont lancé en 1999 une opération militaire sans mandat des Nations unies et reconnu en début d'année son indépendance en dépit de leur opposition", estime également Thomas Gomart, de l'Institut français des relations internationales.
Pour autant, Moscou va sans doute réfléchir avant de reconnaître l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, selon le chercheur.
"La Russie ne peut pas espérer être suivie par beaucoup de pays si elle reconnaît l'indépendance des deux régions. De leur côté, les Occidentaux ne trouvent pas de moyens de pression efficaces sur Moscou. Le plus probable, c'est que le conflit soit à nouveau gelé et qu'à plus long terme, il faudra un accord entre les membres permanents du Conseil de sécurité, dans un cadre de négociation plus global, pour espérer une solution", résume Bruno Coppieters, professeur à l'université flamande VUB.