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Khaled Drareni: "Si la prison est le prix de la liberté de la presse, je suis prêt à le payer"

Témoignage de Khaled Drareni, journaliste algérien emprisonné pour avoir couvert les manifestations du Hirak
Témoignage de Khaled Drareni, journaliste algérien emprisonné pour avoir couvert les manifestations du Hirak / Forum / 6 min. / le 5 mars 2021
Le journaliste algérien Khaled Drareni, qui a passé 316 jours en prison pour pour avoir couvert l’opposition en Algérie, était invité dans Forum vendredi. Il a fait part de sa détermination à continuer à couvrir les événements, alors que des milliers d'Algériens ont manifesté vendredi à Alger et dans d'autres villes du pays.

Les manifestants du Hirak, principal mouvement d’opposition dans le pays, ont repris fin février leurs marches du vendredi. Né il y a deux ans, ce mouvement luttait contre la candidature d'Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel.

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Khaled Drareni a été libéré la semaine dernière à la suite d'une mesure de "grâce présidentielle" en faveur de détenus du Hirak. Le journaliste dit se réjouir de pouvoir à nouveau documenter les actions du mouvement.

"C'est cette couverture des manifestations qui m'a conduit en prison, mais je suis tellement heureux et fier de reprendre cette couverture. D'abord parce que je ressens ce devoir d'informer vis-à-vis de mes compatriotes, et parce que ce Hirak a commencé devant mes yeux, sous mes fenêtres. C'est mon devoir de le couvrir."

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"Cette solidarité à l'étranger et en Algérie n'a pas de prix"

Khaled Drareni est toutefois conscient qu'il risque d'être à nouveau arrêté et emprisonné: "C'est une possibilité. Mais je suis journaliste, c'est tout ce que je sais faire, du journalisme. C'est un métier formidable que j'exerce avec bonheur depuis 15 ans, et je ressens ce devoir, cette obligation vis-à-vis de tous ceux qui me suivent."

Interrogé sur les conditions de sa détention, Khaled Drareni raconte que même si ça n'a pas été facile, cela n'a pas entamé sa détermination. "La prison, c'est la prison. Qu'on soit journaliste, détenu politique ou pas. Cela a duré onze mois, je n'aurais pas imaginé que ça allait être aussi long, mais j'ai accepté cette épreuve avec beaucoup de sérénité, je n'ai pas fait un rejet de la prison. J'ai souvent dit, notamment à mes avocats, que si c'était le prix à payer pour mon travail, pour la liberté de la presse, alors je suis prêt à payer ce prix."

Et le journaliste d'insister sur l'importance du soutien international dont bénéficie le Hirak. "Ce soutien et cette solidarité à l'étranger et en Algérie n'ont pas de prix. Et c'est très important quand on est en prison de savoir qu'il y a tous ces gens là qui croient en votre combat, qui sont solidaires, qui vous soutiennent. Et on résiste, on tient, grâce à ce soutien."

Cas réexaminé par la Cour suprême

Le dossier de Khaled Drareni sera réexaminé par la Cour suprême algérienne algérienne le 25 mars. Incarcéré en mars 2020, il avait été condamné le 15 septembre à deux ans de prison ferme pour "incitation à attroupement non armé" et "atteinte à l'unité nationale".

Il a été accusé par les autorités d'avoir travaillé pour un média étranger sans accréditation, une procédure bureaucratique erratique en Algérie, mais aussi d'être un "khabarji" (informateur) à la solde "de parties étrangères".

Malgré la libération récente d'une quarantaine de détenus d'opinion, une trentaine de personnes sont toujours en prison pour des faits liés au Hirak et/ou aux libertés individuelles, selon le Comité national pour la libération des détenus(CNLD), une association de soutien.

Propos recueillis par Pietro Bugnon

Version web: Antoine Schaub avec afp

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