Le procès du policier blanc accusé du meurtre de l'Afro-Américain George Floyd ne débutera pas avant, au mieux, mardi, a décidé lundi un juge après d'ultimes débats sur la nature des charges pesant sur l'accusé.
Remis en liberté sous caution, cet homme de 44 ans s'est présenté comme prévu devant la justice à Minneapolis (Minnesota, Nord), qui devait entamer lundi la sélection des jurés.
"Les jurés potentiels sont là, mais soyons réalistes, on ne va pas commencer la sélection avant au moins demain", a déclaré le juge Peter Cahill, après que l'accusation a émis ses craintes d'avancer dans le procès malgré un dernier recours de la défense toujours en suspens.
"Un dossier pénal emblématique"
Audiences retransmises en direct, stars du prétoire ou encore sécurité renforcée: le cadre est à la hauteur des enjeux pour ce "dossier pénal emblématique, l'un des plus importants de l'Histoire" américaine, selon Neal Katyal, qui portera l'accusation contre le policier.
Le 25 mai 2020 dans cette grande ville du nord des Etats-Unis, le policier blanc a maintenu un genou sur le cou de George Floyd, plaqué au sol et menotté, pendant près de neuf minutes. Le quadragénaire noir a eu beau le supplier, puis tomber dans l'inconscience, jamais il n'a relâché sa pression.
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Le supplice, filmé par une passante et retransmis en direct sur internet, a choqué de New York à Seattle, mais aussi à Londres, Paris, ou Sydney, où des foules indignées sont descendues dans les rues pour réclamer justice, et scander "Black Lives Matter" (les vies noires comptent).
Les policiers impliqués dans le drame ont été licenciés sur le champ, mais il a fallu plusieurs jours pour que le policier soit inculpé de "meurtre", et ses trois collègues de "complicité". Entre-temps, les grandes villes américaines s'étaient embrasées, un commissariat a même brûlé à Minneapolis.
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Depuis, le calme est revenu. Mais le pays, toujours à fleur de peau, s'apprête à suivre, rivé à ses écrans, le procès, qui sera autant celui d'un homme que de la police américaine.
Procédure "rarissime"
L'ancien agent, qui a été remis en liberté sous caution à l'automne, devait être jugé avec trois de ses collègues. Pour éviter une salle d'audience bondée en pleine pandémie, un juge a renvoyé leur procès à l'été. La justice du Minnesota se consacrera donc exclusivement aux lourdes accusations pesant sur cet homme de 44 ans, dont 19 passés au sein de la police de Minneapolis.
"Qu'un policier soit inculpé pour usage abusif de la force est déjà rare aux Etats-Unis, alors pour meurtre...", souligne pour l'AFP Ashley Heiberger, un ancien policier reconverti dans le conseil et la formation. Quant aux condamnations de policiers pour meurtre, elles se comptent sur les doigts d'une main, les jurés ayant, selon lui, "une tendance à leur donner le bénéfice du doute".
Mais cette fois, les faits sont tellement troublants qu'aucun membre de la profession ne s'est élevé en soutien de l'accusé, ce qui est rarissime, souligne Ashley Heiberger. Il faudra tout de même l'unanimité des douze jurés pour qu'il soit déclaré coupable. Si un seul manque à l'appel, le procès se conclura sur un non-lieu.
Faute de pouvoir trouver des jurés ignorant tout du dossier, les parties cherchent les personnes les plus neutres possible. "Que pensez-vous du mouvement Black Lives Matter? Avez-vous déjà été arrêté? Combien de fois avez-vous vu la vidéo du drame?": un long questionnaire a déjà été adressé aux jurés potentiels, qui passeront au gril pendant trois semaines.
Le policier plaidera non-coupable
Les débats de fond devraient commencer aux alentours du 29 mars. Le policier plaidera non-coupable. Il "a fait exactement ce qu'il a été entraîné à faire" pour interpeller un suspect récalcitrant, a écrit son avocat, Eric Nelson, en amont du procès. Selon lui, George Floyd est mort d'une overdose au fentanyl.
Le médecin légiste a bien retrouvé des traces de cet opiacé de synthèse dans le corps de l'Afro-Américain, mais il a estimé que la mort était due à "la pression exercée sur son cou".
L'accusation arguera, elle, que le quadragénaire, soupçonné d'avoir tenté d'écouler un faux billet de 20 dollars, ne représentait aucun danger. Elle compte requérir une lourde peine contre Derek Chauvin qui, selon elle, avait "l'intention" de faire souffrir sa victime.
Pour prouver que son crime s'inscrivait dans un "mode opératoire", elle a convié comme témoin une femme noire qui, en 2017, a été brutalisée par le policer. D'autres moments forts sont prévus, dont l'audition de l'adolescente qui a filmé la scène. Les jurés devraient se retirer pour délibérer à la fin du mois d'avril.
agences/vajo
"Pas de justice, pas de paix", scandent des manifestants
Derrière un cercueil blanc recouvert de roses rouges, des milliers de personnes ont défilé dimanche à Minneapolis, dans le nord des Etats-Unis pour réclamer "justice", à la veille du procès du policier blanc qui a tué l'Afro-américain George Floyd (lire ci-dessus).
La foule, très diverse, est restée majoritairement silencieuse en hommage au quadragénaire noir, mort le 25 mai sous le genou de l'agent Derek Chauvin, sortant juste de son silence pour scander "Pas de justice, pas de paix !".
Derrière une banderole affichant les derniers mots de George Floyd, "Je ne peux pas respirer", les manifestants ont marché autour du siège du gouvernement local, qui abritera à partir de lundi ce procès.
Par peur d'éventuels débordements en marge des audiences, le bâtiment a pris des allures de camp retranché avec des barbelés et des blocs de béton. Des milliers de policiers et soldats de la Garde nationale ont également été mobilisés.
Dans le cortège, plusieurs manifestants ont dit craindre que le policier sorte libre du procès, et prévenu que cela ne serait pas sans conséquences.