Face au tollé provoqué par ce fichier, la présidence a indiqué
mardi soir que Nicolas Sarkozy avait demandé l'ouverture rapide
d'une "concertation" qui devra être "suivie de décisions pour
protéger les libertés". Le gouvernement avait auparavant tenté de
calmer la polémique en promettant des garanties et des
aménagements.
"Le fichier qui fait peur"
Le fichier, à l'acronyme d'"Edvige" pour Exploitation
documentaire et valorisation de l'information générale, a été créé
par un décret publié le 1er juillet et sera géré par la Direction
centrale de la sécurité publique (DCSP), héritière depuis l'été des
Renseignements généraux, longtemps considérés comme une police
politique.
"Police: le fichier Edvige fait peur", titrait mardi le quotidien
populaire Le Parisien , à propos de cet outil informatique où
pourront être rassemblées des données sur le patrimoine, les
comportements, les orientations politiques et, craignent certains,
sexuelles de centaines de milliers d'individus (lire
ci-contre).
Retrait demandé
Principale force d'opposition, le Parti socialiste a demandé au
gouvernement "de retirer le décret" et "de s'expliquer devant le
parlement". Les principaux dirigeants syndicaux et les patrons, qui
seront parmi les principales cibles du fichier, ne sont pas en
reste. Ils y sont tous farouchement hostiles.
Une pétition, lancée par des centaines d'associations et ayant
recueilli 120'000 signatures, a demandé sa suppression, alors que
13 recours ont été déposés devant le Conseil d'Etat, la plus haute
juridiction administrative en France, qui doit rendre fin décembre
sa décision sur sa légalité.
Adaptations
Le trouble s'est propagé jusque dans le gouvernement où le
ministre centriste de la Défense Hervé Morin s'est interrogé
publiquement sur certains contenus du fichier, y voyant "un curieux
mélange des genres". La secrétaire d'Etat aux droits de l'Homme
Rama Yade a plaidé pour que soient apportées des "précisions" et
des "clarifications" sur la question des orientations sexuelles des
personnes fichées.
Mardi, la ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie a promis
des aménagements pour limiter le fichage des jeunes de 13 ans et
s'est dite prête à inscrire, "dans une loi", "toutes les garanties"
nécessaires aux libertés publiques pour mettre en oeuvre "Edvige".
En outre, les autorités envisageraient désormais de sortir du
fichier les renseignements concernant l'orientation sexuelle et la
santé des personnes et s'interrogeraient sur l'opportunité de
ficher des personnalités.
afp/ps
Ficher toute la population?
Avec "Edvige", le gouvernement entend ficher "les individus, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public", dit le texte officiel du décret.
La police pourra y puiser des "données à caractère personnel" concernant "des personnes physiques âgées de 13 ans et plus", comme leurs numéros de téléphone et adresses électroniques, mais aussi des renseignements sur des "signes physiques particuliers" ou le "comportement".
Le fichier doit en outre regrouper les données relatives aux personnes "ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique", ou jouant un "rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif".
Pour l'avocat pénaliste Jean-Marc Fédida "Edvige est la possibilité de mettre en fiches l'intégralité de la population française".
Michèle Alliot-Marie estime quant à elle qu'"Edvige" n'est que la reprise de l'ancien fichier des Renseignements généraux créé en 1991 et "adapté aux évolutions du droit" et assure que son utilisation sera "strictement encadrée".