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Chute record de la livre libanaise, manifestations de colère

L'effondrement de la livre libanaise, inédit par son ampleur dans l'histoire du pays, a suscité une nouvelle vague de colère. [AFP - ANWAR AMRO]
Chute record de la livre libanaise, manifestations de colère: interview de Daniel Meier / Le 12h30 / 3 min. / le 17 mars 2021
La livre libanaise a atteint mardi un taux historiquement bas sur le marché noir où elle frôle les 15'000 livres pour un dollar, poursuivant sa dégringolade dans le sillage d'un effondrement économique, aggravé par l'inertie des responsables.

Cette nouvelle chute a provoqué la colère de manifestants qui ont bloqué des routes à travers le pays tandis que de nombreux commerces ont fermé face à l'envolée des prix. Trois changeurs, interrogés par l'AFP sous couvert de l'anonymat, ont assuré que le taux de change se situait entre 14'800 et 14'900 livres pour un dollar. Dans un quartier de Beyrouth, un habitant a indiqué avoir changé au taux de 15'000 livres pour un dollar.

Depuis le début de la crise à l'automne 2019, la livre libanaise a perdu 90% de sa valeur face au billet vert, alors que le taux officiel est toujours fixé à 1507 livres pour un dollar. Après avoir oscillé durant des semaines autour de 8500 livres pour un dollar, la situation s'est nettement détériorée début mars, le billet vert franchissant le seuil symbolique des 10'000 livres.

Vague de colère dans les rues

L'effondrement, inédit par son ampleur dans l'histoire du pays, a suscité une nouvelle vague de colère. Tout au long de l'après-midi et en soirée à Beyrouth, des avenues ont été bloquées par des manifestants qui ont incendié des pneus et des bennes à ordures. Des blocages ont également eu lieu à travers le pays, notamment dans la ville de Tyr (sud).

La dépréciation a provoqué des envolées de prix record et face à cette volatilité extrême, des commerces ont temporairement fermé leurs portes ces derniers jours, dans l'attente d'une stabilisation. "Fermé à cause du dollar élevé", pouvait-on lire sur la façade d'une épicerie à Beyrouth. Certaines stations essence ont pour leur part fermé pour cause de pénuries.

"Le pays s'effondre autour de nous et nous ne pouvons rien faire", a déploré sur Twitter Maha Yahya, directrice du Centre Carnegie à Beyrouth, fustigeant des politiciens qui "tiennent le pays en otage".

"On a une classe politique qui fait défaut au Liban, si j'ose dire. C'est la toute première responsable de cette situation, de cette incroyable déréliction économique dans laquelle est entrée le pays", explique Daniel Meier, enseignant à Sciences Po Grenoble et à l'Université de Genève, mercredi dans le 12h30.

Et d'ajouter: "Le danger pourrait venir d'une volonté individuelle de se protéger. On pourrait donc assister à l'émergence d'une nouvelle milice dans des quartiers pour protéger des périmètres, avec une sorte de reprise en sous main par les grandes forces politiques confessionnelles présentes au Liban."

Crise politique

Malgré l'urgence, les politiciens, accusés d'incompétence et de corruption, restent imperturbables après avoir survécu à un mouvement de contestation inédit fin 2019.

Et plus de sept mois après l'explosion meurtrière du 4 août au port de Beyrouth, imputée à la négligence des autorités, le pays attend toujours la formation d'un nouveau gouvernement, les partis étant bien trop absorbés par leurs marchandages interminables pour céder aux pressions locales et internationales.

Outre la dégringolade monétaire, le pays connaît une explosion du chômage et une paupérisation à grande échelle. Plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon l'ONU, tandis que les banques continuent d'imposer des restrictions draconiennes aux épargnants.

Pour Daniel Meier, il "n'y a pas beaucoup d'alternatives" à cette crise. La classe politique doit s'entendre pour former un gouvernement "au-delà de ses bisbilles et de ses calculs régionaux" afin de mener à bien les réformes. "C'est sur la base de ces réformes que les fonds internationaux peuvent arriver."

afp/vajo

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