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Les mouvements sectaires et complotistes profitent de la crise Covid

Un tag sur une tente de test antigénique dit "corona est un putain de MENSONGE", à Paris, en décembre 2020 [AFP - Jeanne Fourneau / Hans Lucas]
La crise sanitaire donne un nouvel essor aux mouvements sectaires et complotistes / Tout un monde / 6 min. / le 19 mars 2021
Les mouvements sectaires et complotistes prennent un nouvel essor avec la crise du coronavirus, selon un récent rapport français. Sur internet, certains ont trouvé dans la pandémie l’occasion d’attirer des personnes fragilisées par le contexte sanitaire.

Loin des cérémoniaux type Temple solaire, ces dérives prennent de nouvelles formes, s'arrimant aux questions de santé et de bien-être.

Se déployant via la toile, elles proposent des explications alternatives à la réalité de la pandémie. À l'exemple de théories assimilant le virus à une manipulation à grande échelle pour instaurer une dictature ou pour implanter des puces électroniques sur les humains.

Enquêtes longues et complexes

Eric Bérot, chef de la lutte anti-sectes au sein de la police française, a décrit les acteurs de ce renouveau sectaire cette semaine dans l'émission Tout un Monde: "Parmi ces nouveaux gourous, il peut y avoir certains coachs de vie, coachs spirituels, thérapeutes psychocorporels, naturopathes, magnétiseurs, chamans, qu'on a vu fleurir durant le confinement ou qui ont pris de l'importance."

Ces activités sont légales, jusqu'au franchissement de l'article du code pénal qui punit l’abus de faiblesse d'une personne sous emprise psychologique. D'autres infractions constatées sont l'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie, le travail non-rémunéré des disciples, la fraude fiscale et, dans les cas les plus graves, des agressions sexuelles et la mise en danger de la vie d'autrui.

L'emprise sectaire étant difficile à prouver, et les plaintes des victimes pas évidentes à obtenir, le travail de la police s'avère complexe, admet Eric Bérot. "Il n'est pas rare de voir des enquêtes durer 2 ou 3 ans, afin de recueillir un maximum de preuves, car c'est une infraction compliquée à démontrer. Il faut aussi rassurer et déculpabiliser les victimes."

Autoradicalisation des complotistes

De leur côté, les associations observent également une recrudescence des dérives sectaires avec, comme nouveauté, une autoradicalisation des individus qui tombent dans les théories du complot circulant sur le Covid-19. En résulte, comme lors d'une emprise sectaire, une rupture des liens familiaux.

Marie Drilhon, vice-présidente de l'Association de Défense des Familles et de l'Individu victimes de sectes en France, explique: "La personne qui est devenue complotiste peut parfois exercer des pressions sur les enfants, par exemple, en leur interdisant certains aliments ou la vaccination. Progressivement, le dialogue devient impossible."

En plus de cette autoradicalisation, le phénomène classique de l'emprise d'un gourou et de la communauté se fait de plus en plus souvent en ligne.

"J'ai reçu le témoignage d'un père très inquiet pour son fils, qui était au chômage et qui a passé des journées entières devant l'ordinateur en suivant un gourou adepte d'un mélange entre dialogue avec des êtres supérieurs, magie et chamanisme. Le fils a commencé à vraiment délirer."

Pour Marie Drilhon, l'anxiété et l'isolement provoqués par la crise sanitaire pousse certaines personnes à se rattacher à une communauté, et à se lier ainsi à des sites internet ou à des personnes très actives sur les réseaux sociaux.

Plus de 3000 signalements en 2020

Les cas suivis par cette association ne sont pas isolés. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a reçu plus de 3000 signalements en 2020, dont 686 jugés sérieux. S'y trouvent certains stages survivalistes dans la nature ou encore des soins personnalisés, à des prix pouvant aller jusqu'à 100’000 euros pour un coaching individualisé.

La "Nouvelle Acropole", sa douzaine de centres en France, sa "milice intérieure" et son "service de renseignement" suscitent également l'inquiétude de la Miviludes, qui pointe du doigt "une idéologie d'extrême droite à l'opposé de la démocratie". Les Témoins de Jéhovah auraient également profité de la crise sanitaire pour "faire du prosélytisme abusif" auprès de la population par courriers et courriels.

Par ailleurs, 383 signalements concernent des églises évangéliques, dont certaines "se développent grâce à des influences étrangères, qui prônent des valeurs contraires (à celles) portées par la République française: refus de l'égalité femme-homme, diabolisation de l'homosexualité, thérapies de conversion", relève la Miviludes.

Venu des Etats-Unis et apparu il y a deux ans en France, le mouvement complotiste pro-Trump Qanon a fait l'objet de dix signalements depuis 2020, qui "constatent l'emprise et l'endoctrinement de proches".

Les gourous prospèrent ainsi sur le filon du Covido-scepticisme. L'un d'entre eux, particulièrement suivi sur YouTube, a récemment vu sa chaîne être supprimée.

Alexandre Habay / Valérie Hauert / Mouna Hussain avec agences

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Interpellation en Suisse romande

Au vu du rapport français, des politiciens suisses s’interrogent sur la situation helvétique. Mardi, appuyée par 38 autres membres du Grand Conseil vaudois, la socialiste Claire Attinger a déposé une interpellation demandant au Conseil d’Etat, et au Centre intercantonal d’information sur les croyances, s’ils constatent un effet de la pandémie sur les activités sectaires dans le canton.

L'interpellation demande également si le personnel du service public bénéficie d’outils pour détecter les cas d’endoctrinement sectaire. Le Conseil d’Etat a trois mois pour répondre. La même démarche a été effectuée conjointement par la gauche au Conseil communal de la Ville de Lausanne.

De son côté, le CIC, Centre intercantonal d’information sur les croyances, observatoire dans les cantons de Vaud, Valais et Genève, ne parle ni de sectes ni de dérives sectaires, précisant que ces termes sensibles n’ont pas de définition précise dans le droit helvétique. La Suisse ne tient pas non plus de registre de sectes existantes sur son sol.

Depuis la pandémie, le CIC a certes constaté sur les réseaux sociaux une augmentation des offres de bien-être et de thérapies dites "alternatives" , comme des pratiques spirituelles, de yoga , chamanisme, ou thérapies de relaxation pour améliorer son système immunitaire. Mais, contrairement au rapport français, le Centre intercantonal ne parle pas de dérives sectaires.

Le CIC constate en revanche une recrudescence récente d’appels de personnes inquiètes pour des proches, membres ou sympathisants de mouvements complotistes, et avec lesquels le lien est rompu ou difficile. Ces personnes adopteraient des discours radicaux qui les éloignent de leurs proches. Ces appels ont commencé à la fin du premier confinement en Suisse.

>> Ecouter les propos de Manéli Farahmand, directrice du CIC, le Centre intercantonal d’information sur les croyances :

Un livre parlant de dérives sectaires, publié en 2001. [Keystone - Laurent Gillieron]Keystone - Laurent Gillieron
Manéli Farahmand, directrice du Centre intercantonal d’information sur les croyances / Le Journal horaire / 3 min. / le 19 mars 2021