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En Asie, "l'alliance du thé au lait" se bat contre l'autoritarisme

Après un appel à la résistance, les manifestations continuent en Birmanie. [Keystone - AP Photo]
L'"Alliance du thé au lait" soutient les manifestants birmans: interview de Françoise Nicolas / Forum / 5 min. / le 20 mars 2021
En Thaïlande, en Birmanie, à Hongkong ou à Taïwan, la jeunesse se mobilise pour affronter un autoritarisme rampant dans la région et pour refuser le modèle chinois. Sur les réseaux sociaux, une entraide transfrontalière s'est formée, la Milk Tea Alliance. En français, l'alliance du thé au lait.

De Bangkok à Taïpei, en passant par Hongkong et Naypyidaw, les expériences démocratiques ont récemment été remises au pas en Asie du Sud-Est et les bruits de bottes se sont accrus.

Samedi matin, l'armée thaïlandaise s'est déployée dans les rues de la capitale pour disperser des manifestants et des manifestantes pro-démocratie. Vendredi, ce sont neuf personnes qui ont été tuées en Birmanie dans des heurts avec la police, alors que la junte militaire a repris le pouvoir dans le pays. Enfin, dimanche, des rassemblements de soutien aux Birmans sont prévus à Taïwan, l'île rebelle qui vit toujours sous la menace du grand voisin chinois.

Une jeunesse en quête de nouveaux droits

A chacun de ces événements, ce sont des jeunes qui se trouvent en première ligne. Si les situations sont très différentes d'un pays à l'autre, toutes ces mobilisations partagent des valeurs communes et une quête de liberté et de démocratie.

En cela, le nom de cette alliance, qui reste avant tout un phénomène propre aux réseaux sociaux, n'a rien d'anodin. Le thé au lait est une façon de boire le thé antagoniste à la pratique chinoise, qui favorise le thé nature et plus amer. Le symbole est donc ici de rejeter le modèle autoritaire de Pékin.

"Il y a une convergence d'intérêts"

Invitée de Forum samedi, Françoise Nicolas, docteure en économie internationale, estime qu'on assiste bel et bien à une convergence des revendications et des intérêts: "La convergence de ces groupes de jeunes concerne des demandes pour la démocratie, pour la justice ou encore pour le respect des droits de l'Homme".

Celle qui est également chercheuse à l'Institut français des relations internationales, dont elle dirige le Centre Asie, estime qu'il y a d'ailleurs également une convergence des modalités d'action, avec notamment, l'utilisation massive des réseaux sociaux pour s'organiser et des manières de faire similaires au cours des mobilisations.

"Ces jeunes partagent aussi des symboles, ajoute-t-elle, comme le salut à trois doigts, l'utilisation de vêtements noirs, la similitude dans les modes opératoires (...) Et puis, il y a également des messages d'appui, de soutien, qui sont accordés d'un groupe à l'autre. On perçoit donc une réelle solidarité entre eux."

"Le mouvement pourrait gagner l'Inde"

Françoise Nicolas rappelle toutefois que le mouvement n'a en soi rien de formel et qu'il n'a sans doute pas la capacité de faire trembler les gouvernements ou les juntes militaires auxquels ces jeunes s'opposent.

Néanmoins, la chercheuse juge qu'il pourrait se répandre, notamment en Inde, où les habitants et les habitantes sont aussi friands du thé au lait...

"On peut penser que ce mouvement fasse tache dans d'autres zones d'Asie. Je pense en particulier à l'Inde, qui elle aussi, et bien que restant une grande démocratie, commence à être marquée par une dérive autoritaire", conclut Françoise Nicolas.

Propos recueillis par Tania Sazpinar

Adaptation web: ther

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