En attendant le projet de Bruxelles, la France organise mardi une conférence internationale sur le sujet. L'objectif de cette réunion est de promouvoir un mécanisme très controversé, au sein de l'Union et en dehors.
Les Etats-Unis ont en effet déjà exprimé leur préoccupation, par la voix de John Kerry. L'envoyé spécial de Joe Biden sur le climat estime qu'une taxe carbone aux frontières aurait "de sérieuses implications pour les économies, les relations et le commerce". En clair, les Américains mettent en garde les Européens contre la tentation d'un "protectionnisme vert".
À Bruxelles, on promet que le mécanisme ciblera, de manière "chirurgicale", les importations en provenance des pays qui n'ont pas souscrit à l'objectif de neutralité carbone en 2050, à commencer par l'acier et le ciment produits dans des pays voisins, en Europe de l'Est, en Turquie et en Afrique du Nord.
Echange de "droits à polluer"
L'un des enjeux sera dans tous les cas de rendre cette taxe aux frontières compatible avec les règles de l'Organisation mondial du commerce (OMC), le gendarme du libre-échange.
La Commission européenne proposera d'ici juin son propre texte avant de le soumettre aux Etats membres. Le mécanisme entrerait en vigueur d'ici 2023 et pourrait générer entre 5 et 14 milliards d'euros (entre 5,5 et 15,5 milliards de francs) par an.
Le mode de taxation reste à déterminer. Plutôt qu'un droit de douane, il pourrait s'agir d'un marché d'échange de quotas d'émissions, c'est-à-dire de droits à polluer: l'exportateur devrait certifier l'"intensité carbone" de sa production et si celle-ci est supérieure au standard européen, il devrait acquérir un quota.
Le projet de la Commission européenne est très attendu: certains y voient la pièce maîtresse du "pacte vert" voulu par Bruxelles en réponse au défi climatique.
Mécanisme découplé de la Suisse
Ce mécanisme, s'il voit le jour, ne devrait pas avoir de grandes conséquences pour la Suisse. "Je ne pense pas qu'il y ait une obligation pour la Suisse d'emboîter le pas aux Européens", estime dans La Matinale Joëlle de Sepibus, juriste et professeure invitée au Collège d'Europe à Bruges. "Il y a en effet un accord de couplage des systèmes d'échange d'émissions entre la Suisse et l'UE, mais le système suisse ne dépend pas du droit de l'UE. Il n'y a donc pas d'obligation que la Suisse reprenne de futurs mécanismes européens à ce sujet."
Il existe toutefois une règle stipulant qu'il ne peut pas y avoir de distorsion de concurrence entre deux régions couvertes par différents systèmes, précise la spécialiste. "A ce sujet, il est intéressant de remarquer qu'il y a la possibilité de soumettre des différends à un règlement d'arbitrage", indique-t-elle.
Guillaume Meyer avec ats/kkub