La possible création d'un syndicat au sein d'Amazon à Bessemer a pris une dimension nationale. C’est une approche très rare et risquée pour le personnel qui pourrait avoir un impact très important sur la classe ouvrière américaine.
Dans cette petite ville du Sud des Etats-Unis, épicentre de la lutte ouvrière dans le pays, une tente perdue au milieu d'un immense parking, qui accueille les urnes de vote, a été installée face à l’entrepôt de la multinationale.
Je dois scanner un article chaque dix secondes, et ce pendant dix heures d'affilée.
Devant ces places de stationnement appartenant à Amazon, des salariés arborent des pancartes appelant à l'union: "Faites entendre votre voix! Glissez votre bulletin de vote". Au-delà du parking, les journalistes ne sont pas autorisés.
Cadences insoutenables
Le personnel mobilisé dénonce un rythme de travail effréné, où chaque tâche est calculée et chronométrée.
"Je dois scanner un article chaque dix secondes, et ce pendant dix heures d'affilée", explique Emmit, travailleur en charge du stock dans l'entrepôt. "La manière dont leur algorithme nous surveille peut être intimidant."
"Ils veulent que l'on travaille à une vitesse élevée avec de longues heures sans pause. Cela débouche sur des problèmes de santé comme des douleurs de genoux ou de dos", déplore Jennifer, arrivée chez Amazon il y a un an. Elle mène aujourd'hui la rébellion à Bessemer face à son employeur. "Nous ne sommes pas assez payés pour notre travail", ajoute-t-elle.
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Du côté du syndicat américain de la distribution, le traitement du personnel est également dénoncé. "Amazon traite mieux ses robots que les êtres humains dans ses entrepôts. On entend des plaintes d’employés Amazon à travers tout le pays", affirme Stuart Applebaum, président de l'organisation.
Défiance envers les syndicats
L'entreprise Amazon, qui emploie plus d’un million de personnes à travers les Etats-Unis, rappelle que ses employés dans l’entrepôt de Bessemer gagnent entre 15 et 20 dollars de l’heure, soit le double du salaire minimum au niveau fédéral.
La multinationale indique également offrir des conditions de travail attrayantes et ne pense pas que la majorité de son personnel adhère à cette idée de syndicat.
Dans le pays, les luttes syndicales sont vues d'un mauvais oeil.
Amazon tente d'ailleurs de contenir le mouvement. Le personnel doit par exemple suivre des formations où sont expliqués les dangers d'adhérer à un syndicat. Les éléments perturbateurs, comme Jennifer, peuvent également être isolés, voire parfois licenciés.
"Amazon est l’un des employeurs anti-syndicat les plus agressifs des Etats-Unis", affirme Stuart Applebaum. "Mais ce qui est en jeu ici, ce n’est pas seulement Amazon, c’est le futur du monde du travail. La manière dont ils traitent les hommes et les femmes qu'ils emploient va certainement modeler les conditions à venir de la classe ouvrière."
A Bessemer, 85% du personnel est afro-américain et le mouvement "Black Lives Matter" a désormais rejoint la lutte syndicale. Cette alliance inédite donnera peut-être un nouvel élan à la classe ouvrière américaine.
Les salariés d'Amazon en Alabama ont désormais jusqu'à la fin du mois pour voter en faveur d'un syndicat. Si une majorité décide de se syndiquer, il s'agira d'une première pour Amazon aux Etats-Unis, avec sans doute des répercussions dans tout le pays.
Raphaël Grand/iar