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Entre la Chine et l'Occident, le ton monte et les sanctions pleuvent

Le ton monte entre la Chine et les pays occidentaux. [Reuters - Johanna Geron]
Le ton monte encore d'un cran entre les pays occidentaux et la Chine / La Matinale / 1 min. / le 23 mars 2021
La Chine a vivement répliqué mardi à l'imposition par les Occidentaux de sanctions face au traitement de sa minorité ouïghoure. Lundi, l'Union européenne, le Royaume-Uni et le Canada avaient sanctionné quatre dirigeants de la région du Xinjiang.

Pékin a répliqué mardi aux mesures prises par les pays occidentaux en sanctionnant 10 personnalités européennes, dont cinq sont des élus du Parlement européen. Interdites, avec leur famille, de séjour en Chine continentale, à Hong Kong et à Macao, elles sont toutes accusées de "propager des mensonges" en s'appuyant sur des études que la Chine estime biaisées (lire encadré).

Parmi ces personnalités figurent cinq élus du Parlement européen ainsi qu'un député belge, Samuel Cogolati, qui a déposé le mois dernier une proposition de loi au Parlement belge pour faire établir le "crime de génocide" perpétré par Pékin à l'égard des Ouïghours. Quatre fondations européennes sont aussi dans le collimateur de Pékin, dont "l'Alliance des démocraties", une institution danoise dirigée par l'ex-secrétaire général de l'OTAN Anders Fogh Rasmussen.

>> Lire à ce sujet : La Chine violerait toutes les dispositions de la Convention sur le génocide au Xinjiang

La Chine a également annoncé avoir convoqué l'ambassadrice de Grande-Bretagne ainsi que, dans la nuit, l'ambassadeur de l'UE en Chine Nicolas Chapuis, afin de "condamner dans les termes les plus vifs" des sanctions européennes "fondées sur des mensonges et de fausses informations".

>> Voir l'analyse d'Antoine Bondaz dans le 19h30 :

Antoine Bondaz "Depuis plusieurs années la communication de la diplomatie chinoise est beaucoup plus offensive".
Antoine Bondaz "Depuis plusieurs années la communication de la diplomatie chinoise est beaucoup plus offensive". / 19h30 / 2 min. / le 23 mars 2021

L'ambassadeur de Chine à Paris décline une convocation

L'ambassadeur de Chine à Paris, de son côté, ne s'est pas rendu à une convocation de la diplomatie française, évoquant un problème d'agenda. Le ministère français des Affaires étrangères avait dénoncé lundi ses "propos inacceptables" envers un chercheur et des parlementaires français. "Le problème d'agenda, je n'y crois pas trop et ça ne marche pas dans ce sens-là", a estimé le secrétaire d'Etat Clément Beaune mardi sur France Info. "Ni la France ni l'Europe ne sont des paillassons (...). Nous attendons le plus rapidement possible que cette convocation soit honorée", a-t-il ajouté.

Plus tard dans la journée de mardi, la Belgique a à son tour convoqué l'ambassadeur de Chine en Belgique. La rencontre est prévue dans l'après-midi, a indiqué une source gouvernementale. La ministre belge des Affaires étrangères Sophie Wilmès a "fermement rejeté" les sanctions de Pékin, qu'elle estime être des répliques à des mesures dont le but est de "défendre les droits humains".

Londres, pour sa part, a salué un "signal extrêmement clair de l'unité de la communauté internationale dans sa condamnation des violations des droits de l'Homme au Xinjiang".

L'UE "pas qualifiée pour se poser en donneuse de leçons"

"L'UE n'est pas qualifiée pour se poser en donneuse de leçon à l'égard de la Chine sur les droits de l'homme", a fait savoir mardi au représentant de Bruxelles le vice-ministre des Affaires étrangères Qin Gang. "La Chine exhorte l'UE à reconnaître la gravité de son erreur, à la corriger et à mettre fin à la confrontation, afin de ne pas causer davantage de dommages aux relations sino-européennes", a-t-il ajouté.

Le ministre des Affaires étrangères Wang Yi est également monté au créneau lors d'une rencontre en Chine avec son homologue russe Serguei Lavrov. "Ces derniers jours, une minorité de puissances occidentales ont chacune pris la parole pour diffamer et critiquer la Chine. Toutefois, elles doivent savoir ceci: l'époque où elles pouvaient inventer des histoires ou fabriquer un mensonge afin de s'ingérer dans les affaires intérieures de la Chine appartient à un passé définitivement révolu", a-t-il affirmé.

La Suisse pas épargnée

Lundi, la Suisse avait également essuyé les critiques de Pékin. Ripostant à la stratégie sur la Chine du Conseil fédéral, l'ambassadeur de Chine à Berne avait fustigé les critiques du gouvernement suisse relatives à la dégradation des libertés en Chine et aux violations des droits humains dans le pays.

>> Plus de détails dans notre article : Pékin critique la stratégie du Conseil fédéral sur la Chine

>> Voir aussi le sujet du 19h30 :

Nouvelle diplomatie sino-suisse. La colère de Pékin.
Nouvelle diplomatie sino-suisse. La colère de Pékin. / 19h30 / 2 min. / le 23 mars 2021

agences/vic

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Pékin dément catégoriquement l'existence de camps de travail forcé

Les études qui provoquent la colère de la Chine proviennent d'instituts américains et australien. Selon elles, au moins un million d'Ouïghours ont été internés dans des "camps" de la région chinoise du Xinjiang (nord-ouest) et certains soumis à du "travail forcé" et des "stérilisations".

Or, la Chine dément catégoriquement les deux dernières accusations et affirme que ces "camps" sont des "centres de formation professionnelle" destinés à éloigner la population de l'extrémisme religieux et du séparatisme, après une série d'attentats attribués à des Ouïghours.

Vers un raffermissement des liens Europe-USA?

Washington, de son côté, a ajouté deux responsables à sa liste de personnes sanctionnées et s'est alignée sur l'Union européenne. Alors que le départ de Donald Trump aurait pu amorcer une détente entre Pékin et les Etats-Unis, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a au contraire repris la qualification de "génocide" pour évoquer le traitement des Ouïghours, un terme déjà utilisé par son prédécesseur Mike Pompeo.

Ces sanctions communes pourraient être le signe d'un raffermissement des liens entre les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux face à Pékin, après la désunion constatée durant le mandat de l'ex-président Donald Trump.

Les points de friction ne manquent pas

Entre la répression contre l'opposition à Hong Kong, les conditions d'accès du marché chinois, les investissements de Pékin en Europe, la problématique de la mer de Chine méridionale ou encore Taïwan, les points de friction entre l'Occident et la Chine ne manquent pas.

La Chine, cependant, ne s'en inquiète pas, a déclaré devant la presse la porte-parole de la diplomatie chinoise Hua Chunying. Elle a en outre laissé entendre que l'accord sur l'investissement signé fin 2020 entre Pékin et l'UE pourrait pâtir de ces tensions: "Les Européens ne peuvent pas obtenir des gains d'un côté et imposer des sanctions de l'autre", a-t-elle observé.

"Le sentiment de toute-puissance venant de la Chine a de quoi nous inquiéter"

L'eurodéputé français Raphaël Glucksmann fait partie des 10 personnalités européennes désormais interdites de séjour en Chine, après avoir été sanctionnées hier par Pékin. Il est accusé "de propager des mensonges et de la désinformation".

Interrogé dans l'émission Forum, ce dernier fait part d'un sentiment ambivalent. "D'un côté, j'étais en un sens fier de recevoir cette reconnaissance, de la part d'une tyrannie, pour mon engagement pour les droits humains et les Ouïghours. Mais de l'autre, je vois un régime qui s'autorise à sanctionner des élus et des institutions européennes. Ce sentiment-là de toute-puissance de la part de la Chine a de quoi nous inquiéter et exige de nous une réaction ferme et forte".

"Pour moi, c'est la différence entre nos démocraties - aussi imparfaites soient-elles - et une dictature comme la Chine", poursuit Raphaël Glucksmann, "nous sanctionnons les régimes qui violent les droits humains, et eux sanctionnent ceux qui les défendent".

Pour lui, "la seule solution" pour faire changer ces régimes, ce sont les sanctions économiques. "Bannissez du marché européen les produits issus de l'esclavage des Ouïghours, et là vous aurez un impact", argue-t-il.

>> L'interview complète de Raphaël Glucksmann dans Forum :

Bras de fer entre Pékin et l’UE: Raphaël Glucksmann est l’un des eurodéputés interdits de séjour en Chine
Bras de fer entre Pékin et l’UE: Raphaël Glucksmann est l’un des eurodéputés interdits de séjour en Chine / Forum / 6 min. / le 23 mars 2021