"Certaines nuits, je reste éveillée et je m'excuse auprès de George Floyd de ne pas avoir fait plus", a confié en pleurs une des témoins âgée de 18 ans, dont la vidéo du drame a fait le tour du monde.
Le 25 mai 2020 à Minneapolis, elle s'est retrouvée face à une scène qui, de son propre aveu, a "définitivement" changé sa vie.
Plaqué au sol par plusieurs policiers, George Floyd halète, gémit et supplie l'agent blanc Derek Chauvin qui le maintient au sol avec un genou sur son cou, impassible. Alarmée, la jeune fille sort son téléphone portable et commence à filmer. Sa vidéo, mise en ligne sur internet, fera rapidement le tour du monde, poussant des millions de personnes à manifester contre le racisme et les violences policières.
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Sur le moment, la jeune adulte essaie de convaincre le policier de lâcher prise. "Je suis quelqu'un qui garde tout en moi", a-t-elle expliqué aux jurés. "Mais quand j'ai vu ce que j'ai vu, je me suis fait entendre."
Sur le trottoir à côté d'elle, une ancienne camarade de lycée, 17 ans, a le même réflexe. Tout en filmant, celle-ci crie aux policiers: "Vérifiez son pouls, ça fait une minute qu'il ne bouge plus".
Le désespoir de n'avoir pu rien faire
A la barre, cette seconde jeune fille a expliqué avoir pris peur quand les yeux de George Floyd ont commencé "à rouler en arrière". Comme elle, d'autres témoins interpellent Derek Chauvin et ses collègues, en vain.
"Dès que quelqu'un essayait de s'approcher, les policiers nous écartaient, ils étaient sur la défensive", explique la témoin plus âgée. Après plus de neuf minutes, une ambulance est arrivée, mais il était déjà trop tard pour réanimer le quadragénaire.
"Quand je pense à George Floyd, je vois mon père, mes frères, mon cousin, mon oncle. Ils sont tous noirs. Ça aurait pu être eux", a commenté la plus jeune. Elle a rajouté qu'elle fait parfois des insomnies et s'excuse auprès de George Floyd de ne pas "s'être interposée physiquement" pour le sauver. "Mais ce n'était pas à moi de le faire, c'était à lui", a-t-elle conclu à l'adresse de l'accusé.
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dans La Matinale
de la journée du lundi par Raphaël Grand:
Prise d'étranglement dangereuse
Avant les deux jeunes filles, un autre témoin de la scène avait raconté comment il a, lui aussi, échoué à convaincre Derek Chauvin de relâcher sa pression. Cet adepte des sports de combat avait immédiatement pensé assister à "une prise d'étranglement sanguin", une technique qui permet de maîtriser un adversaire en coupant l'afflux de sang. Il l'a dit à Derek Chauvin qui l'a regardé sans bouger.
Frustré "de l'absence de réponse", l'homme a reconnu avoir haussé le ton. "J'ai appelé la police pour dénoncer la police parce que j'ai pensé être témoin d'un meurtre."
Lors de son contre-interrogatoire, l'avocat de l'accusé Eric Nelson a insisté sur les insultes proférées par ce témoin contre les policiers. "Vous les avez appelés abrutis treize fois, vous étiez de plus en plus en colère", a-t-il insisté.
Lundi, dans ses propos liminaires, Eric Nelson avait estimé que les cris de la foule avaient conduit son client "à détourner son attention du sort de George Floyd pour se concentrer sur la menace croissante" créée par les passants.
ats/iar
Verdict dans quelques semaines
Alors qu'il comparait libre après une remise en liberté sous caution, Derek Chauvin encourt jusqu'à 40 ans de rétention. Son avocat compte plaider l'acquittement. "Il a fait exactement ce qu'il a été formé à faire au cours de ses 19 ans de carrière", a-t-il déclaré lundi dans ses propos liminaires.
Selon lui, George Floyd est mort d'une overdose au fentanyl, dont il était consommateur, et de problèmes de santé. Mais pour les procureurs, le policier a manifesté un mépris évident pour la vie de l'Afro-Américain en maintenant sa pression pendant neuf minutes et vingt-neuf secondes.
Il a "trahi" son serment de policier et fait "un usage excessif de la force" jusqu'à "extraire les derniers souffles de vie", a assuré le procureur Jerry Blackwell dans son exposé introductif. Les parties ont trois à quatre semaines pour convaincre les jurés, qui devraient rendre leur verdict vers la fin avril ou début mai.
Les trois autres policiers impliqués dans le drame seront jugés en août pour "complicité de meurtre".