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Le Groenland débat de son avenir minier lors d'élections parlementaires

Affiches de campagne dans la capitale, à Nuuk. [EPA - Emil Helms]
Le Groenland débat son avenir minier lors d'élections parlementaires / Le Journal horaire / 33 sec. / le 6 avril 2021
La population groenlandaise est appelée mardi aux urnes pour élire son Parlement. Le scrutin anticipé a été provoqué par un projet minier qui divise le territoire autonome danois de l'Arctique, source de convoitises croissantes sur fond de réchauffement climatique.

Dans l'immense île arctique aux seulement 56'000 habitants et près de 40'000 électeurs, les deux principaux partis s'opposent sur l'autorisation d'un projet de mine de terres rares et d'uranium en travail depuis plus d'une décennie à Kuannersuit, à la pointe sud.

Ses partisans, dont le parti social-démocrate Siumut au pouvoir est à la traîne dans les sondages, voient la mine comme une ressource d'importance pour une petite économie encore largement dépendante des subventions du Danemark.

Pour ses adversaires, dont le parti Inuit Ataqatigiit (IA), formation de gauche à tendance écologiste en tête des intentions de vote, c'est une menace pour le sublime et fragile environnement local, déjà confronté au spectre d'un dérèglement climatique accéléré.

Pour se partager les 31 sièges de l'Inatsisartut, le Parlement local, sept partis sont en lice lors d'un vote ouvert mardi entre 11h et 22h. Les résultats sont attendus tard dans la nuit de mardi à mercredi.

Regain d'intérêt international

Si les soubresauts de la vie politique locale groenlandaise n'ont pas toujours passionné depuis l'autonomie de 1979, le Groenland est scruté de plus en plus près à l'international. L'offre d'achat par le président Trump en 2019 sur fond de positionnement russe, et plus récemment chinois, dans l'Arctique témoigne notamment de cet intérêt étranger.

>> Revoir le sujet du 19h30 :

Donald Trump avait annoncé son désir d'acheter le Groenland avant d'y renoncer, provoquant un incident diplomatique.
Donald Trump avait annoncé son désir d'acheter le Groenland avant d'y renoncer, provoquant un incident diplomatique. / 19h30 / 2 min. / le 21 août 2019

Copenhague et la capitale groenlandaise Nuuk ont clairement fait savoir que le territoire n'était pas à vendre, mais le gouvernement local cherche à attirer des investisseurs internationaux, faisant miroiter ses ressources naturelles prouvées ou espérées.

La mine d'uranium, enjeu central des élections

Porté par le groupe australien à capitaux chinois Greenland Minerals, qui détient depuis 2010 un permis d'exploration, le projet de Kuannarsuit avait entraîné en février l'annonce de ces élections anticipées avec le départ d'un petit parti allié à Simiut.

Outre la mine, la campagne a également porté sur la pêche, qui constitue le plus gros secteur de la plus grande île du monde (si l'on excepte l'Australie), mais aussi sur les questions sociales et l'identité culturelle, à l'heure où la jeunesse renoue avec la culture inuite et questionne l'héritage colonial danois (lire encadré).

>> Réécouter le sujet de Tout un monde sur la crise politique qu'a provoqué le projet minier :

Image satellite de la côte est du Groenland en 2020. [NASA]NASA
Crise politique au Groenland suite à un conflit concernant les mines d’uranium / Tout un monde / 6 min. / le 22 février 2021

Dirigé par Mute Egede, un député de 34 ans, le parti inuit est en tête dans les sondages avec 36% des intentions de vote, soit un bond de dix points par rapport aux dernières élections de 2018. Siumut, au pouvoir de manière quasi ininterrompue depuis quatre décennies, est crédité de 23%, soit un recul de 4 points.

L'issue du scrutin reste toutefois incertaine, selon le politologue Rasmus Leander Nielsen de l'Université du Groenland, d'autant qu'il est invraisemblable qu'un parti obtienne la majorité absolue. "Le scénario le plus probable est qu'IA s'allie avec un ou deux petits partis", dit-il.

La formation de gauche verte IA est en faveur d'un moratoire sur l'uranium qui suspendrait de facto l'autorisation d'exploitation du gisement, considéré comme l'un des plus importants au monde pour les terres rares. Pour Erik Jensen, président du Siumut, la mine aurait "une grande signification pour le développement de l'économie groenlandaise" en diversifiant ses revenus, un préalable à une indépendance totale à terme vis-à-vis de Copenhague.

Le Danemark, qui assure ne pas vouloir bloquer un processus d'indépendance, verse plus de 520 millions d'euros par an au gouvernement groenlandais, soit un tiers de son budget total.

afp/iar

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Développement économique et crise climatique

Outre l'exploitation des minerais, le développement du tourisme ou de l'agriculture dans l'extrême-sud font partie des pistes de développement d'un territoire qui réalise encore 90% de ses exportations avec la pêche.

Même si le potentiel minéral n'a été que très partiellement exploré, "exploiter de manière durable les ressources vivantes comme le poisson sera la meilleure solution à long terme pour le Groenland, car à travers le monde toutes les autres ressources marines sont sous pression", estime Minik Rosing, professeur de géobiologie à l'Université de Copenhague.

Selon Marc Jacobsen, spécialiste de l'Arctique à l'Université de Cambridge, c'est pour préserver d'éventuels projets extractifs que le Groenland est un des rares à ne pas avoir signé l'accord de Paris sur le climat, qui vise pourtant à limiter un réchauffement pour sauver les pôles. "Le signer ne leur permettrait pas de développer un quelconque gros projet minier", explique-t-il.

Depuis les années 1990, le réchauffement climatique est deux fois plus rapide au pôle Nord qu'ailleurs et bouleverse les modes de vie traditionnels des Inuits, qui constituent plus de 90% de la population groenlandaise, en rendant notamment la chasse plus difficile. S'il remporte l'élection, le parti inuit a promis de signer l'accord.

La jeunesse inuite en quête de reconnaissance

Au Groenland, près de 40% des quelque 56'000 habitants ont moins de 25 ans. Une jeunesse confrontée de longue date à de douloureux problèmes sociaux (abus sexuels, violences, suicides, alcoolisme ), mais aussi à une perte d'identité, sur fond de modernisation à marche forcée des communautés traditionnelles, pendant et après la colonisation danoise, officiellement achevée en 1953.

"On assiste à un renouveau culturel sur fond des problèmes posés par le changement climatique [...] La philosophie, les valeurs de vie de la culture indigène deviennent très populaires", atteste Peter Berliner, professeur de sciences sociales à l'Université du Groenland et expert de la jeunesse locale.

Au Groenland, plus d'une personne sur trois a été victime d'abus sexuels, majoritairement pendant l'enfance. L'île affiche également un des taux de suicide parmi les plus élevés du monde, un pour mille habitants en moyenne chaque année, dont de nombreux jeunes, selon un rapport du Nordic Welfare Center.

"A cause de la modernisation, beaucoup de Groenlandais se sont perdus, de petits villages et hameaux ont été fermés. Les gens ont dû quitter leurs maisons, travailler pour de nouvelles industries et ont de moins en moins été des chasseurs ou cueilleurs", résume la politologue groenlandaise Nauja Bianco.

Pour elle, l'enthousiasme de la jeunesse sur le rôle de l'héritage colonial est très positif: "Les jeunes sont plus désireux et ouverts pour discuter et enquêter sur l'impact de la colonisation danoise", affirme-t-elle.