Duel Macron-Le Pen annoncé
A un an de l'événement, tout peut encore arriver. Les premiers sondages sont à prendre avec une extrême précaution, mais les analystes voient se profiler un nouveau duel Macron/Le Pen. L'écart pourrait toutefois être bien plus serré qu'en 2017.
Parmi les premières indications des sondages d'opinion, les jeunes pourraient être en majorité abstentionnistes (42%), et ce davantage chez les "primo-votants" (18-24 ans), qui, s'ils votent, seraient plutôt tentés par le président sortant Emmanuel Macron, selon un sondage Ipsos relayé par Le Monde (Voir encadré). Lorsqu'elle vote, cette tranche de la population soutient le Rassemblement national (RN) dans la même proportion (environ 21%) que le reste du peuple français.
Les jeunes adultes (25-34 ans) sont davantage séduits par le Rassemblement national. L'ex-Front national serait même le parti préféré des trentenaires à hauteur de 29% aujourd'hui contre 23% en 2017, selon cette même enquête d'opinion. Ils ne seraient que 20% à préférer le candidat de La République en Marche (29% en 2017) et 17% seraient favorables à Jean-Luc Mélanchon (24% en 2017).
La droite en manque de leader naturel
Depuis quelques mois, on assiste à un recentrage du débat politique sur des thèmes portés par la droite. C'est là que se jouerait la future bataille de l'élection présidentielle de 2022, selon les stratèges de l'Elysée.
Le président français en poste, Emmanuel Macron, a d'ailleurs infléchi sa politique dans cette direction, dont l'illustration se traduit par sa réponse face au terrorisme et le débat sur le séparatisme islamiste.
Sur les questions sécuritaires, sur l'immigration, sur l'islam radical, on sent le président de la République assez mal à l'aise.
En manque de leader naturel, la droite traditionnelle - qui tente d'exister dans cet espace politique réduit - espère en faire émerger un par les urnes avec les élections régionales au mois de juin.
Une question se pose toutefois: y a-t-il encore une différence entre Emmanuel Macron et la droite? Interrogé dans La Matinale, la députée Les Républicains de Haute-Savoie, Virginie Duby-Muller, veut croire que oui. "Sur les questions sécuritaires, sur l'immigration, sur l'islam radical, ce sont des sujets sur lesquels on sent le président de la République assez mal à l'aise. Je trouve qu'il ne conduit pas une politique de droite. On ne peut pas considérer qu'il a empiété sur notre électorat et sur les politiques que nous aurions conduites", estime la parlementaire.
Un électorat de gauche indécis
Les sondages réalisés jusqu'à présent montrent qu'une partie de l'électorat de gauche, qui a voté Emmanuel Macron en 2017, est sur la réserve.
Certains en viennent à se demander si ces électeurs seront au rendez-vous pour faire à nouveau barrage à l'extrême droite en cas de nouveau duel Macron-Le Pen.
Les militants de la République en Marche essaient de contrer l'idée qu'Emmanuel Macron est le président des riches. "Je ne suis pas vraiment certain qu'on a perdu cet électorat. Enormément de choses ont été faites sur les thématiques dites sociales et de gauche. Il y a une politique sociale chez Macron, mais sans délaisser la partie régalienne", explique Arthur Limiñana, directeur adjoint du mouvement Les Jeunes avec Macron.
La pandémie, nouvelle invitée dans le débat
La pandémie de Covid-19 pourrait peser de tout son poids lors de la prochaine élection. C'est même un enjeu fondamental pour Emmanuel Macron, dont la gestion de crise a été critiquée à plusieurs égards. L'an dernier, par exemple, son exécutif avait été mis en cause en raison du manque de masques à disposition. Plus récemment, c'est la lenteur vaccinale qui a donné des sueurs froides à l'Elysée.
Cette question va s'étendre aux enjeux écologiques et au devenir de la planète. Ces thématiques seront décisives, selon le sociologue Jean Viard.
"L'horizon, c'est: est-ce que la Terre sera encore habitable à la fin du siècle? C'est cette question qui va s'imposer, parce que le virus est perçu comme une revanche de la nature. C'est un peu faux, parce qu'il n'y a pas de lien direct. Est-ce que les politiques sauront être à la hauteur pour y apporter des réponses? Sinon, les gens vont paniquer et se tourner vers les partis populistes et violents", pense-t-il.
Quoi qu'il en soit, les oppositions n'ont pas attendu pour exploiter tant qu'elles peuvent la gestion de la crise sanitaire. En personnalisant l’action politique face au virus, Emmanuel Macron fait aussi un pari.
>> Forum reviendra sur les enjeux de cette élection jeudi soir dans son grand débat à 18h30.
Alexandre Habay/Blandine Levite
Adaptation web: Jérémie Favre
Et si les jeunes faisaient basculer l'élection?
Candidate malheureuse au second tour en 2017, Marine Le Pen peut compter sur un fort soutien des jeunes électeurs, en particulier les trentenaires. "Dans le paysage politique actuel, Marine Le Pen a un socle électoral qui est consolidé depuis plusieurs années, sur lequel elle peut compter. Au vu des dernières tendances, il y a au sein des jeunes générations un certain attrait pour sa candidature qui déborde les segments habituels de la jeunesse, à savoir les personnes les moins diplômées et les moins insérées dans la société", explique Anne Muxel, directrice de recherche au Centre de recherches politiques de Science po, dans Tout un monde.
Les jeunes générations ne voient plus forcément le Rassemblement national comme un parti d'extrême droite.
Spécialiste du vote des jeunes, Anne Muxel estime que le RN est la formation politique qui véhicule le mieux les difficultés que cette génération peut rencontrer. Elle explique notamment cela par la "dédiabolisation" orchestrée par le parti après le départ de Jean-Marie Le Pen. "Les jeunes générations ne voient plus forcément le RN comme un parti d'extrême droite. Ce qui attire les 24-35 ans, c'est que Marine Le Pen est la porte-voix de toutes les difficultés qu'ils rencontrent dans la société. Ce choix est aussi l'expression d'un vote protestataire à l'encontre du système politique et du gouvernement en place."
"Le vecteur ne suffit pas"
En 2017, Emmanuel Macron n'avait pas réussi à obtenir davantage d'adhésion de la part des jeunes. "Il n'avait pas réussi à faire une campagne aussi dynamique que celle de Jean-Luc Mélanchon, par exemple. A l'époque, ce dernier avait su utiliser les réseaux sociaux à son avantage. Il y avait aussi beaucoup d'abstentionnisme chez les étudiants. Ne pas voter est aussi un message de protestation. Ce silence des urnes exprime aussi une forme de radicalité vis-à-vis de la démocratie représentative."
Le président français essaie pourtant d'aller chercher cet électorat jeune. "Le vecteur ne suffit pas. Ce qu'il faut c'est un projet et à ce niveau il n'est pas arrivé à convaincre par rapport à l'ampleur de la crise qu'ils subissent", analyse finalement la sociologue.