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La résistance birmane s’organise depuis la frontière thaïlandaise

Manifestation à la frontière en Thaïlande et Birmanie, en avril 2021. [RTS - Carol Isoux]
Reportage en Birmanie où la résistance s’organise aux frontières / Tout un monde / 5 min. / le 7 avril 2021
Deux mois après le coup d’Etat en Birmanie, la répression meurtrière de la junte contre la population a fait fuir des milliers de personnes aux frontières thaïlandaises, d’où la résistance s’organise sous protection des minorités ethniques. Reportage côté thaïlandais.

Malgré un bilan de plus de 600 morts, dont une cinquantaine d'enfants, et des milliers de personnes arrêtées, la mobilisation pro démocratie ne faiblit pas. Des dizaines de milliers de travailleurs sont en grève et des secteurs entiers de l'économie paralysés. Mais les foules sont moins nombreuses à manifester par peur des représailles.

De la peinture rouge a été déversée dans des rues en hommage aux manifestantes et manifestants décédés. Des chaussures ont été également déposées pour symboliser chaque personne absente.

Ce ne sont plus des manifestations aujourd'hui, c'est un champ de bataille.

Saw-Jay, jeune politicien et directeur d'une ONG birmane

Pour survivre et continuer le combat, des leaders du mouvement de désobéissance civile ont fui vers la frontière thaïlandaise, où les protègent des milices rebelles des minorités ethniques. C'est là que la résistance s'organise.

Saw-Jay, jeune politicien et directeur d'une ONG birmane, fait partie des exilés. Il a franchi illégalement la frontière après avoir été menacé par la police. "Je ne voulais pas quitter mon pays, parce qu'on a besoin de gens sur le terrain, mais les militaires ont commencé par s'attaquer aux députés du Parlement, de la Ligue pour la démocratie, puis petit à petit, ils se sont rapprochés de nous, la prochaine génération de leaders. Ce ne sont plus des manifestations aujourd'hui, c'est un champ de bataille".

Alors, depuis la zone frontalière de la Thaïlande, lui et plusieurs milliers de ses compatriotes tentent de résister à distance, en organisant le mouvement grâce à une meilleure connexion internet, en récoltant des fonds et en cherchant des moyens de les transférer malgré la fermeture des banques.

Manifestation à la frontière en Thaïlande et Birmanie, en avril 2021. [RTS - Carol Isoux]
Manifestation à la frontière en Thaïlande et Birmanie, en avril 2021. [RTS - Carol Isoux]

Protection des minorités ethniques

Malgré un manque de ressources en nourriture, eau et électricité, les minorités ethniques, comme celle des Karen, ont accueilli les nombreux députés, fonctionnaires, soldats et policiers déserteurs, à qui ils offrent un abri et des moyens de communication.

Mais la présence de membres du gouvernement autoproclamé, le CRPH, menace la sécurité des villageois et villageoises. Depuis plus d'une semaine, de violents affrontements ont repris dans ces territoires. Des frappes aériennes, les premières depuis 20 ans, ont fait au moins une quinzaine de morts et provoqué la fuite de 10'000 personnes vers la Thaïlande.

La brutalité de l'armée en plein jour et sous l'œil des caméras aurait fait changer d'opinion de nombreuses personnes birmanes sur les problèmes des minorités ethniques, estime Hsaeng Noung, membre du réseau d'action des femmes Shan. "Je pense que la majorité des Birmans ne se rendaient pas compte à quel point ces minorités sont maltraitées, avec les assassinats, le viol comme arme de guerre, les villages brûlés, les habitants déplacés, le travail forcé."

Manifestation à la frontière en Thaïlande et Birmanie, en avril 2021. [RTS - Carol Isoux]
Manifestation à la frontière en Thaïlande et Birmanie, en avril 2021. [RTS - Carol Isoux]

Le projet d'une société plus égalitaire

Les réseaux sociaux sont, eux, inondés d'appels à l'unité entre la résistance des grandes villes et les différentes factions ethniques. Avant de s'engager fermement, ces dernières veulent des garanties sur un nouveau pacte national qui offrirait plus d'autonomie à leur province et de contrôle sur les ressources naturelles.

La chercheuse Nay Oo Mutraw estime que, sous l'impulsion de la jeunesse, le changement est possible. "La société birmane pratique l'oppression, la discrimination et le racisme depuis l'indépendance en 1948, comme contre les Rohingyas. La jeunesse rejette tout cela. Nous voulons être libres dans nos pensées, nos actes, nos vies. La jeune génération redéfinit courageusement quel genre de société nous pourrions, nous devrions être."

Derrière la résistance aux militaires se construit ainsi le projet d'une nouvelle société birmane, plus diverse et égalitaire. Ainsi, les Birmanes et Birmans appellent déjà leur mouvement "la révolution du printemps".

Birmanie : Jeunes face à la junte

La Birmanie est secouée par des manifestations quotidiennes depuis le coup d'Etat du 1er février qui a renversé le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi.

La féroce répression de la junte militaire a causé la mort de plus de 600 civils, dont une cinquantaine d'enfants et d'adolescent·e·s, selon l’Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP).

Maung Maung*, 26 ans, nous raconte son quotidien.
*Nom d’emprunt

Posted by RTSinfo on Friday, April 9, 2021

Carol Isoux / Mouna Hussain avec agences

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Le bilan des morts s’alourdit

Entre mercredi et vendredi, au moins quinze personnes ont été tuées par les forces de sécurité à Taze (centre), d'après des médias locaux, qui font état de trois décès dans les rangs de l'armée.

Des habitants, munis de fusils de chasse et de bombes incendiaires, ont tenté d'empêcher policiers et militaires de pénétrer dans la ville. Ces derniers ont alors riposté.

Au moins 614 600 civils ont été abattus depuis le coup d'Etat du 1er février, selon l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Le bilan pourrait être plus lourd: plus de 2800 personnes ont été arrêtées. Beaucoup, sans accès à leurs proches ou à un avocat, sont portées disparues.

>> Voir aussi le sujet du 19h30 du 5 avril :

En Birmanie, plus de 500 civils ont été tués par les forces de sécurité en deux mois. L'ONU redoute une guerre civile.
En Birmanie, plus de 500 civils ont été tués par les forces de sécurité en deux mois. L'ONU redoute une guerre civile. / 19h30 / 1 min. / le 5 avril 2021

L’ambassadeur en Grande-Bretagne évincé

La junte en Birmanie a évincé son ambassadeur en Grande-Bretagne favorable à Aung San Suu Kyi, suscitant la condamnation du Royaume-Uni.

Mercredi soir, des diplomates proches de la junte se sont emparés de l'ambassade de Birmanie à Londres et en ont refusé l'accès à l'ambassadeur Kyaw Zwar Minn, soutien d'Aung San Suu Kyi, contraint de passer la nuit dans sa voiture.

Jeudi, le ministère britannique des Affaires étrangères a été notifié par les autorités birmanes de la fin de mandat de l'ambassadeur. Londres a indiqué ne pas avoir d'autre choix que d'accepter, mais a condamné ces "actions d'intimidation du régime militaire" dans un tweet du chef de la diplomatie Dominic Rabb.

>> Lire aussi : Haute tension politique autour de l'ambassade de Birmanie à Londres

Plusieurs pays ont décidé d'imposer des sanctions économiques contre la junte. En Suisse, onze personnes sont ciblées: le commandant en chef de l'armée Min Aung, neuf des plus hauts gradés des forces armées et le président de la Commission électorale. Ces personnes ne peuvent plus se rendre en Suisse et leurs éventuels avoirs sont gelés.

>> Lire aussi : La Suisse adopte de nouvelles sanctions contre la junte militaire birmane