Le Spoutnik V est désormais sur orbite dans une cinquantaine de pays. En Europe, longtemps réticente à accepter le produit russe, l'Autriche, l'Espagne et l'Allemagne seraient prêtes à utiliser le sérum russe s'il est homologué par l'Agence européenne des médicaments (EMA).
"Au-delà de nos différences politiques, qui sont importantes, il est possible de coopérer avec la Russie sur le plan humanitaire" et sanitaire, a notamment déclaré la chancelière allemande Angela Merkel.
Cet élan de popularité constitue une petite revanche pour ce vaccin, décrié lors de sa mise sur le marché en Russie en août 2020, alors qu'il n'avait été testé que sur 76 volontaires.
"Diplomatie agressive"
Par la suite, la prestigieuse revue médicale The Lancet a évalué le produit à plus de 91% d'efficacité, et le vaccin financé par le Kremlin a triomphé, devenant objet de prestige international. Mais la population russe reste méfiante et les Européens sont divisés.
Interrogé le 26 mars dernier sur la chaîne France Info, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a évoqué une manoeuvre de "propagande" et de "diplomatie agressive" de la part de la Russie. En outre, une polémique secoue la Slovaquie, où les doses livrées ne correspondraient pas au vaccin évalué par The Lancet.
Moscou, à travers la voix de Vladimir Poutine, nie toute manipulation, et martèle que les vaccins russes "sont absolument fiables et sûrs". Mais tous les vaccinologues ne sont pas convaincus, et beaucoup, dont l'EMA, exigent davantage de transparence.
Transparence à long terme exigée
Outre les études nécessaires à la mise sur le marché, "on a besoin de pouvoir continuer à suivre ce vaccin" sur un grand nombre de personnes a posteriori, pour évaluer d'éventuels effets secondaires, explique le vaccinologue genevois Alessandro Diana dans le 19h30.
En attendant une éventuelle homologation, l'industrie se prépare au défi de la production en masse. L'entreprise biopharmaceutique Adienne, basée à Lugano, prévoit déjà de produire 10 millions de doses dans son usine au nord de l'Italie.
Laurent Burkhalter/jop
Où en est la Suisse avec ses vaccins ?
Pour l'heure, la Suisse n'a pas manifesté son intérêt pour le vaccin russe. Et les autres produits actuellement sur le marché jouissent de situations diverses aux yeux de la Confédération.
Le sérum d'AstraZeneca, qui cumule en ce moment les mauvaises nouvelles, n'est pas autorisé en Suisse, mais la Confédération en a commandé plus de cinq millions de doses l'automne dernier.
À l'inverse, le vaccin de Johnson&Johnson a été validé par SwissMedic, mais aucune dose n'a été commandée. L'agence européenne des médicaments soupçonne également des effets secondaires.
Et, à l'heure actuelle, la Confédération mise donc principalement sur les vaccins ARNm, soit ceux de Moderna et de Pfizer/Biontech, avec plus de vingt millions de doses commandées. Ces vaccins apparaissent comme étant les plus fiables, notamment vis-à-vis des plus jeunes, selon les études cliniques.