Il se présentait lui-même en "président de transition" aux côtés de Kamala Harris. Joe Biden entame finalement au pas de charge son mandat et s'impose en grand réformateur. Dans les pas de Franklin Delano Roosevelt, il s'engage dans deux plans de relance colossaux à hauteur de 3900 milliards de dollars pour l'instant. Du jamais vu depuis le New Deal et la Grande Dépression des années 30.
Joe Biden le proclame: "America is back!". En l'espace de 100 jours, les Etats-Unis ont réintégré l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), l'accord de Paris sur le climat, le Conseil des droits de l'homme et Washington a rassuré ses alliés au sein de l'Alliance atlantique. En qualifiant Vladimir Poutine de "tueur" et en laissant son secrétaire d'État dénoncer "le génocide des Ouïghours" par le régime de Pékin, Joe Biden a aussi adressé des messages clairs à ses principaux rivaux.
"C'est le signe qu'il y a une volonté d'adopter un ton ferme vis-à-vis de certains adversaires de l'Amérique", précise Marie-Cécile Naves, directrice de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), invitée dans Géopolitis. "La fermeté, c'est quand même une rupture par rapport à la présidence précédente, qui était dans l'insulte et la menace (...) On est dans un volontarisme très fort de rompre avec les volte-face, avec les contradictions du président Trump, qui était un peu le président du chaos. Là, on est dans une présidence de la stabilisation des relations internationales."
Au sujet de la Chine, la politologue souligne l'ambition de la nouvelle administration de concurrencer Pékin sur le terrain du "soft power": "La Chine a pris une place importante sur la scène internationale dans la question de la pandémie de Covid, alors que Trump s'était beaucoup retiré. (...) Il y a cette idée chez Biden de reprendre le lead sur la Chine qui avait affirmé une certaine puissance douce, avec notamment la diplomatie du masque l'an passé."
"Prosélytisme américain"
Le jour de son investiture, le 46e président américain donnait déjà le ton. "Nous allons refaire des Etats-Unis la grande force du Bien dans le monde", avait lancé Joe Biden. Un programme ambitieux qui s'adressait sans doute aux dirigeants autocrates que Donald Trump avaient souvent ménagés, voire même choyés: "L'un des grands piliers de la politique étrangère de Joe Biden est un multilatéralisme modéré, avec un leadership américain évidemment. Mais il sait très bien que face à la Chine, il ne pourra pas riposter seul", insiste Marie-Cécile Naves.
"Que ce soit sur les questions militaires en mer de Chine, que ce soit sur les questions commerciales, sur les questions technologiques, il a besoin d'emmener avec lui d'autres pays et notamment les démocraties européennes. Et les questions des droits humains, de la défense des valeurs libérales et démocratiques, sont dans l'ADN d'une sorte de prosélytisme américain depuis très longtemps", dit-elle.
Tourner la page de la présidence Donald Trump, oui, "mais avec un projet bien établi", souligne encore la chercheuse, "il ne s'agit pas de rompre pour rompre".
L'Iran, priorité au Moyen-Orient
Changement de ton aussi avec l'Iran. Joe Biden entame de nouvelles négociations avec la République islamique, après le retrait de Donald Trump de l'accord sur le nucléaire en 2018. Alors que l'Iran continue à enrichir son uranium, les discussions s'annoncent "âpres", explique Marie-Cécile Naves. Il ne s’agit pas de reconduire l’accord de Vienne de 2015, mais "de faire un nouvel accord (...) Ce ne sera pas facile parce que l'Iran exige au préalable la levée de toutes les sanctions qui ont été mises en place par les États-Unis depuis 2018."
En revanche, Joe Biden a confirmé l'accord conclu sous la présidence Trump sur le retrait des troupes américaines d'Afghanistan. Mais dans un délai plus étendu. Le retour complet des forces a été reporté à une date éminemment symbolique: le 20e anniversaire du 11 Septembre.
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Mélanie Ohayon
Joe Biden freine la réouverture aux migrants et suscite la grogne dans son camp
Joe Biden a retardé vendredi son projet d'augmentation importante du nombre de réfugiés admis aux Etats-Unis et conserve pour l'heure le plafond historiquement bas de 15'000 personnes fixé par Donald Trump, en raison du besoin de "reconstruire" le programme d'admission de réfugiés, a annoncé vendredi son conseiller pour la sécurité nationale Jake Sullivan sur Twitter.
Le gouvernement américain est confronté à une crise à la frontière mexicaine avec l'arrivée par milliers de migrants, et l'opposition républicaine accuse Joe Biden d'être responsable d'un "appel d'air". Mais sa décision de reporter la hausse du contingent lui a aussi valu des critiques virulentes au sein de son camp démocrate, certains députés dénonçant un choix "absolument inacceptable". Face au tollé, la Maison Blanche a immédiatement tenté de rétropédaler en assurant qu'il ne s'agissait que d'un report provisoire, appelé à être revue à la hausse d'ici le 15 mai.
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Renouer avec une politique migratoire "humaine"
Joe Biden avait initialement affirmé souhaiter admettre jusqu'à 60'000 personnes lors de l'année budgétaire en cours (qui s'achève en octobre), puis porter le plafond à 125'000 lors de l'année budgétaire suivante, soit une multiplication par huit par rapport aux chiffres légués par son prédécesseur républicain. Cette promesse s'inscrit dans sa volonté de renouer avec une politique migratoire "humaine" pour tourner la page des restrictions anti-migrants des années Trump.
Elle ne concerne en outre que que des réfugiés sélectionnés par les agences de sécurité et de renseignement américains dans les camps de l'ONU à travers le monde pour être réinstallés aux Etats-Unis, essentiellement parmi les plus vulnérables comme les personnes âgées, veuves ou handicapées.
ats/vic