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Une pandémie hors de contrôle accroît la pauvreté et la faim au Brésil

Des Brésilens font la queue à Sao Paulo pour recevoir de l'aide alimentaire. [Reuters - Carla Carniel]
Jair Bolsonaro laisse le Covid-19 semer la mort et la pauvreté au Brésil / La Matinale / 3 min. / le 19 avril 2021
La pandémie semble hors de contrôle au Brésil, avec la présence de variants plus contagieux et létaux. Et alors que le président Jair Bolsonaro se refuse à prendre des mesures de confinement pour "sauver l’économie", la crise économique ne fait que s’approfondir et la faim est redevenue un vrai problème.

La crise sanitaire s'est fortement aggravée ces dernières semaines au Brésil, avec plus de 66'000 morts lors du seul mois de mars et près de 3000 décès par jour en moyenne la semaine dernière et plus de 370'000 au total (lire encadré).

Médecins sans Frontière (MSF) a dénonçé jeudi une gestion chaotique de la crise du Covid-19 par les autorités brésiliennes, qui, sans aucune "réponse coordonnée et centralisée", a plongé le pays dans une "catastrophe humanitaire".

Ce qu'on veut aujourd'hui, c'est qu'on arrête de minimiser cette épidémie au Brésil

Pierre Van Heddegem, coordinateur d'urgence pour la réponse au Covid-19 de MSF au Brésil

Une pandémie minimisée par Jair Bolsonaro

Le président d'extrême droite Jair Bolsonaro n'a cessé de minimiser l'ampleur de la pandémie et de critiquer les mesures restrictives prises au niveau régional par les maires et les gouverneurs des différents Etats.

"Ce qu'on veut aujourd'hui, c'est qu'on arrête de minimiser cette épidémie au Brésil, que les informations qui sont données à la population et au personnel médical soient basées sur des faits scientifiques, et des mesures basées sur ce qu'on a vu qui marche dans d'autres pays", a expliqué lundi dans La Matinale Pierre Van Heddegem, coordinateur d'urgence pour la réponse au Covid-19 de MSF au Brésil.

>> L'interview de Pierre Van Heddegem dans La Matinale :

Médecins sans frontières alerte sur la situation sanitaire au Brésil. [EPA - Andre Coelho]EPA - Andre Coelho
L'organisation Médecins sans frontières alerte sur la situation sanitaire au Brésil. / La Matinale / 1 min. / le 19 avril 2021

Réouvertures controversées à Sao Paulo

L'Etat de Sao Paulo illustre parfaitement la situation. Les autorités de cet Etat de 46 millions d'habitants (le plus peuplé du pays) ont rouvert dimanche les commerces et autorisé les cultes religieux présentiels.

Jeudi, les responsables sanitaires de ce même Etat rapportaient pourtant que les médicaments nécessaires aux intubations commençaient à manquer et avertissaient du risque d'effondrement du système hospitalier.

Les secrétaires municipaux de la Santé de l'Etat de Sao Paulo ont en effet révélé que 68% des centres de santé du réseau de la métropole n'avaient plus de myorelaxants - permettant d'empêcher les contractions musculaires réflexes lors d'une intubation - et que 61% d'entre eux avaient épuisé leurs stocks de sédatifs.

Une insécurité alimentaire galopante

Portée au nom de la liberté de commerce, l'absence de mesures fortes contre le Covid ne permet cependant pas de redresser l'économie du Brésil, qui s'enfonce peu à peu dans une crise humanitaire. Marco Antonio Teixeira, sociologue à l’Université libre de Berlin, tire la sonnette d'alarme. Il a coordonné une étude pour calculer l’insécurité alimentaire au Brésil.

"Notre recherche a montré que 59% des domiciles brésiliens étaient en situation d’insécurité alimentaire, c’est-à-dire six Brésiliens sur dix. En 2013, l’insécurité alimentaire était de 23%. Il faut que l’Etat reprenne une aide sociale d’urgence avec un montant suffisant pour garantir l'alimentation et que les gens puissent faire un isolement social."

Pour Gabriel, membre du Mouvement des sans-terre (MST), organisation populaire qui milite pour que les paysans brésiliens disposent de terrains pour pouvoir cultiver, l’aide sociale est bien insuffisante: "L’aide du gouvernement est ridicule, on ne peut même pas acheter le minimum aujourd'hui au Brésil avec l’inflation des prix des aliments. Les familles n’arrivent pas à survivre pendant cette pandémie."

Un risque pour le reste du monde

La politique de Jair Bolsonaro est non seulement désastreuse pour la santé et l'économie du Brésil, mais représente également une menace pour le reste de la planète, estime le professeur Ederson Rezende, qui dirige un service de thérapie intensive dans un hôpital public à Sao Paulo.

On prend le risque que le Brésil devienne le réservoir d'un nouveau variant qui se dissémine dans le reste du monde

Ederson Rezende, chef de service de thérapie intensive dans un hôpital public à Sao Paulo

"Ma plus grande préoccupation, c'est que nous sommes en ce moment au Brésil l’épicentre mondial de l’épidémie, avec le plus important taux de contamination. Et le plus grand risque à présent c’est que le virus mute et qu'apparaissent de nouveaux variants."

De fait, deux d'entre eux au moins ont déjà été identifiés, le premier dit "de Manaus" (P.1) et le second dans la région de Rio (P.2).

Ederson Rezende s'inquiète que la vaccination ne soit pas efficace contre ces variants: "On prend le risque de perdre le contrôle une nouvelle fois et que le Brésil devienne le réservoir d'un nouveau variant qui se dissémine dans le reste du monde et allonge encore l’épidémie."

L'OMS s'est elle aussi dite préoccupée par le variant brésilien, tout comme l'Europe. Cela ne suffit pas à émouvoir le gouvernement de Bolsonaro, qui persiste et signe contre le confinement.

asch avec agences

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Les chiffres brésiliens mis en perspective

Le Brésil est le deuxième pays le plus endeuillé au monde, avec plus de 371'000 morts selon les derniers chiffres officiels publiés samedi.

Durant la semaine du 5 au 11 avril, le seuil des 4000 décès en 24 heures avait été franchi à deux reprises. La semaine dernière, la moyenne est cependant repassée au-dessous des 3000 décès (2906 en moyenne sur sept jours).

Le nombre de cas confirmés s'établissait samedi à 13'900'000, avec une moyenne de 65'000 nouvelles contaminations quotidiennes sur la semaine.

Rapportés à la population suisse, les chiffres de la semaine écoulée représentent environ 117 décès et 2600 nouvelles infections quotidiens.

Le nombre total de décès au Brésil, rapporté lui aussi à la population suisse, se monterait à un peu moins de 15'000, même si les chiffres brésiliens sont sans doute sous-estimés.

En comparaison mondiale par nombre de décès pour un million d'habitants, le Brésil figure en 14e position "seulement", derrière la République tchèque (1ère position), la Hongrie (3e), la Belgique (8e), l'Italie (11e) ou le Royaume-Uni (12e). Les Etats-Unis occupent la 15e place et la Suisse est 34e.

Le désarroi des Brésiliens de Suisse

La communauté brésilienne de Suisse suit avec inquiétude et un grand désarroi la tragédie qui se trame dans leur pays. Magnolia Vigny, directrice de l'association Raizes, a exprimé dans le 12h45 sa colère contre les autorités.

"Énormément de vies sont en train d'être perdues. Et on aurait pu être évité d'arriver à ce point-là. Il y a eu un déni de la part du gouvernement fédéral de ce qui arrivait, de la gravité de cette crise, de la contagiosité de virus", a-t-elle déclaré.

>> Le reportage du 12h45 sur les Brésiliens de Suisse :

Au Brésil, le Covid-19 a déjà fait près de 370 000 morts. La parole aux Brésiliens de Suisse
Au Brésil, le Covid-19 a déjà fait près de 370 000 morts. La parole aux Brésiliens de Suisse / 12h45 / 2 min. / le 18 avril 2021