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Tchernobyl, une zone d'exclusion pour 24'000 ans où la vie a repris

La zone d'exclusion de Tchernobyl avec au loin le sarcophage entourant la centrale accidentée. [Keystone - AP Photo/Efrem Lukatsky]
La zone d'exclusion de Tchernobyl avec au loin le sarcophage entourant la centrale accidentée. - [Keystone - AP Photo/Efrem Lukatsky]
L'Ukraine commémore lundi la catastrophe de Tchernobyl, 35 ans après le pire accident nucléaire de l'histoire. Alors que l'accès à la zone restera dangereux durant des milliers d'années encore, la vie y a repris peu à peu, mais sans présence humaine ou presque.

Le 26 avril 1986, à 01h23, le réacteur numéro 4 de la centrale de Tchernobyl, située à une centaine de kilomètres de Kiev, explosait au cours d'un test de sûreté. Pendant dix jours, le combustible nucléaire a brûlé, rejetant dans l'atmosphère des éléments radioactifs qui ont contaminé, selon certaines estimations, jusqu'aux trois quarts de l'Europe mais surtout l'Ukraine, la Biélorussie et la Russie, alors républiques soviétiques.

>> Revivez la catastrophe de 1986 minute par minute : 26 avril 1986, le jour où Tchernobyl a traumatisé l'Europe

Les commémorations de cette sombre date se veulent sobres, comme toujours. Le président Volodymyr Zelensky s'est rendu dans la zone d'exclusion qui entoure la centrale accidentée dans un rayon de 30 kilomètres. "L'explosion à la centrale de Tchernobyl et ses conséquences ont transformé le monde", a-t-il déclaré. "Ils ont montré à l'humanité qu'il y avait des malheurs qui concernent chacun de nous et nous tous ensemble", a-t-il poursuivi en appelant la communauté internationale à "renforcer la sécurité" nucléaire afin d'"éviter que des catastrophes similaires se reproduisent dans le futur".

Un bilan humain difficile à établir

Au printemps 1986, alors que les autorités soviétiques tentaient de cacher l'accident au monde, 116'000 personnes ont dû être évacuées de la zone située autour de la centrale, toujours quasiment inhabitée aujourd'hui. Dans les années suivantes, 230'000 autres ont connu le même sort.

En quatre ans, quelque 600'000 "liquidateurs" ont été dépêchés sur les lieux de l'accident avec une faible, voire aucune, protection pour éteindre l'incendie, construire une chape de béton isolant le réacteur accidenté et nettoyer les territoires alentour.

>> Les images du réacteur pulvérisé par l'explosion :

Les images des dégâts juste après l'accident nucléaire de Tchernobyl
Les images des dégâts juste après l'accident nucléaire de Tchernobyl / L'actu en vidéo / 40 sec. / le 19 avril 2016

Aujourd'hui, le bilan humain de la catastrophe fait toujours débat. Le comité scientifique de l'ONU (Unscear) ne reconnaît officiellement qu'une trentaine de morts chez les opérateurs et pompiers tués par des radiations aiguës juste après l'explosion. L'ONG Greenpeace a évalué en 2006 à 100'000 le nombre de décès provoqués par la catastrophe.

Après des années de tergiversations, une gigantesque arche d'acier étanche a été installée fin 2016 au-dessus du réacteur accidenté et mise en service en 2019. D'un coût de 2,1 milliards d'euros, financée par la communauté internationale, cette structure qui doit assurer la sécurité du site pour les 100 ans à venir a recouvert le vieux "sarcophage" en béton, fissuré et instable, et permis de mieux isoler le magma hautement radioactif resté dans le réacteur.

>> Les images des liquidateurs de Tchernobyl (extrait de Temps Présent, 25 avril 1996) :

Les liquidateurs de Tchernobyl
Les liquidateurs de Tchernobyl / Info en vidéos / 1 min. / le 11 avril 2016

Inscription à l'Unesco?

Villes, champs et forêts ont été abandonnés sur plus 2200 km2 dans le nord de l'Ukraine et 2600 km2 dans le sud de la Biélorussie. Ce vaste territoire est devenu impropre à la vie humaine. Les experts estiment que les humains ne pourront pas vivre en sécurité autour de la centrale accidentée avant 24'000 ans.

Reste que le site attire de plus en plus de touristes en quête de frissons ces dernières années. L'Ukraine souhaite le faire inscrire au patrimoine mondial de l'Unesco, en vue de protéger ses vestiges du temps et afin de favoriser la venue des visiteurs.

"Tchernobyl, ce n'est pas un lieu de divertissement, mais celui de la mémoire et du tourisme responsable", a souligné lundi le ministre de la Culture ukrainien Oleksandre Tkatchenko.

>> Les précisions du 12h45: 35 ans après la catastrophe, le site de Tchernobyl est devenu un lieu de mémoire touristique

>> Lire aussi : L'Ukraine veut faire rayonner Tchernobyl au sein du patrimoine mondial

L'absence quasi-totale d'activités humaines dans la zone a permis à la flore et la faune de proliférer, comme si la radioactivité était moins dangereuse pour leur survie que la présence humaine. On y recense lynx, pygargues à queue blanche, parfois même des ours ainsi que des centaines d'élans et des dizaines de loups, sans oublier le fameux cheval de Przewalski (lire encadré).

boi avec afp

>> Voir dans Forum l'interview de Galia Ackerman, historienne, essayiste, et spécialiste de Tchernobyl :

Tchernobyl, 35 ans d'histoire : interview de Galia Ackerman
Tchernobyl, 35 ans d'histoire : interview de Galia Ackerman / Forum / 5 min. / le 26 avril 2021
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Le cheval de Przewalski, symbole de la nouvelle vie à Tchernobyl

Race menacée, les chevaux de Przewalski prospèrent dans la région et ils sont devenus les symboles de la zone d'exclusion.

Dernier cheval sauvage au monde, cet animal, plus petit que ses congénères domestiqués mais fort et résilient, doit son nom à l'explorateur russe Nikolaï Przewalski qui l'avait découvert dans le désert mongol de Gobi en 1879.

Victime de la chasse et de la réduction de son territoire, il avait complètement disparu de son habitat naturel en Asie au milieu du XXe siècle.

Mais des efforts des scientifiques ont permis de restaurer l'espèce à partir d'une douzaine de bêtes qui vivaient dans des zoos et leur population globale compte aujourd'hui quelque 2700 animaux.

En 1998, une trentaine d'individus ont été relâchés à Tchernobyl dans le cadre d'une expérience scientifique visant à réintroduire dans cette zone une espèce de cheval similaire à celle autochtone mais désormais éteinte.

Etalons et juments sont restés et se sont reproduits. A ce jour, les biologistes dénombrent environ 150 têtes dans la partie ukrainienne de la zone et une soixantaine au Bélarus. Le groupe pourrait à terme grossir jusqu'à 300, voire 500 animaux.

Pour les scientifiques, le succès de ce cheval est une source d'inspiration permettant de voir dans la catastrophe de Tchernobyl autre chose qu'une tragédie provoquée par l'homme.

L'expérience pourrait a priori être étendue à d'autres espèces menacées. Un candidat potentiel est le bison d'Europe.