La mafia italienne étend désormais ses tentacules au marché du pétrole

Les 8 et 12 avril, deux coups de filet ont frappé à la fois la Camorra et la Ndrangheta. Plus de 60 personnes ont été incarcérées et un milliard d'euros de biens ont été confisqués.

Il s'agit des plus grosses affaires jamais vues dans ce qui est appelé le "sale pétrole", un trafic "plus rentable que la drogue" selon l'un des mafieux interpellés. Les deux cas montrent une évolution dans les pratiques de la mafia.

L'économie légale désormais ciblée

Depuis quatre ans, ce "sale pétrole" est devenu l'un des plus gros sujets d'intervention des polices douanière et financière italiennes. Ces réseaux criminels investissent toujours plus dans l'économie légale, mais avec un changement dans l'approche.

"On a beaucoup pensé - et cela a été vrai un temps - que cette connexion avec le monde légal était liée à de l'assujettissement, de l'intimidation", a expliqué Clotilde Champeyrache, spécialiste de la mafia, mardi dans La Matinale de la RTS.

Une "opportunité" pour les cols blancs

"Ce qui commence à apparaître dans beaucoup de procès, c'est une démarche des cols blancs qui vont contacter la criminalité organisée ou vont voir dans la criminalité organisée une possibilité de mieux faire leurs affaires, d'écraser la concurrence", poursuit cette économiste. "Le crime devient une opportunité, un partenaire qui peut être intéressant."

Une autre évolution dans la pratique mafieuse consiste en une forme de convergence entre des groupes criminels jusque-là concurrents. "Ce sont des stratégies de coopération entre organisations criminelles, le partage des territoires, le partage des marchés, ce qui d'ailleurs fausse aussi les indicateurs traditionnels", relève Clotilde Champeyrache.

La conquête discrète des marchés

On a longtemps associé la criminalité organisée à un fort degré de violence, avec un affrontement pour la conquête des marchés qui se traduisait par quelque chose de très visible - les meurtres. "Là, on est entré dans une logique où le secteur de l'illégalité, de la criminalité, est beaucoup plus coopératif que le secteur légal", selon cette spécialiste. "C'est ce qui leur permet de faire des avancées impressionnantes, de conquérir des marchés sans forcément attirer l'attention".

Selon le quotidien Domani, depuis cinq ans l'évasion fiscale sur les produits pétroliers aurait fait perdre au moins 10 milliards d'euros de recettes à l'Etat italien.

Foued Boukari/oang