En Libye, la ville de Tarhuna et ses fosses communes, emblème de la violence des milices
A Tarhuna, à 80 kilomètres de la capitale libyenne Tripoli, six frères ont profité du chaos qui a suivi la chute de Mouammar Khadafi pour passer de petits délinquants et voleurs de voitures à patrons d’une milice estimée à 5000 hommes. Les frères Kani ont bénéficié de l'accès aux armes pour faire la loi.
La particularité de cette milice est qu'elle a fait preuve durant six ans d’une violence inouïe, terrorisant la population, avant d’être chassée de la ville par les armes. Les frères Kani ont fui en juin dernier, mais la population de Tarhuna vit toujours la peur au ventre et craint un retour du groupe armé, d'autant plus que la ville découvre petit à petit l'ampleur de la violence qu'elle a subie.
Près de 200 corps retrouvés
De nombreuses familles ont vu leurs proches disparaître et les ont retrouvés dans des fosses communes. Les opposants à la fratrie Kani étaient dépouillés, enfermés notamment dans un centre agricole public transformé en centre de torture, puis tués lorsqu'ils refusaient de se soumettre.
Depuis la libération de la ville, des hommes s'activent pour retrouver les corps des disparus, jetés dans les fosses. Pour l'heure, 170 corps ont été découverts, dont ceux de femmes et d'enfants. De nombreux habitants recherchent encore les corps de leurs proches.
Aujourd'hui, la milice a fui à l'est du pays, mais ses alliés, toujours présents, continuent de menacer la population de Tarhuna. La petite ville agricole aux apparences tranquilles est désormais aux mains d'une autre milice. Les habitants implorent sans y croire la justice internationale d'enquêter à Tarhuna pour briser le cycle de violence qui s'est emparé de leur ville et de tout le pays depuis dix ans. Ils réclament une aide efficace et des juridictions internationales.
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Financement gouvernemental
Comma la plupart des milices en Libye, le groupe armé dirigé par les frères Kani recevait de l'argent du gouvernement. Les milices libyennes vivent de trafics d'essence, de drogue, d'armes ou encore de migrants et fonctionnent comme des groupes mafieux. Elles contrôlent le territoire face un gouvernement sans véritable armée ni police et l'Etat se retrouve obligé de mettre ces groupes armés de son côté en les finançant.
Les frères Kani se sont d’abord alliés au Gouvernement d'union nationale (GNA) de Tripoli, soutenu par la communauté internationale, puis ils ont retourné leur veste pour s’allier au maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est du pays, sans doute plus offrant.
Les milices toujours puissantes
Le nouveau Premier ministre nommé sous l'égide de l'Organisation des Nations unies devait faire son premier déplacement à l'est du pays lundi après dix ans de guerre civile.
Les groupes armés locaux s'y sont opposés, entraînant l'annulation de la visite. L'équipe sécuritaire chargée de préparer la visite d'Abdul Hamid Mohammed Dbeibah et des membres de son gouvernement a été refoulée et obligée de repartir à Tripoli.
Maurine Mercier/iar