Longtemps vantée, la machine de guerre mise en place pour la campagne de vaccination des Etats-Unis est à la peine. On est passé en quelques semaines d'un pic de 4,6 millions de doses injectées quotidiennement à 2 millions de doses administrées par jour. Ce ne sont pas les approvisionnements qui font défaut, mais bien les volontaires. Responsable au Département de Santé de Virginie Occidentale, Bill Kearns témoigne: "On est confronté à une forme d'hésitation, on voit moins de nouvelles personnes qui se présentent."
Selon les chiffres officiels de la CDC (Centre pour le Contrôle et la prévention des maladies), 45% de la population américaine a reçu au moins une dose de vaccins. Mais pour les experts, il faudrait 70% à 90% de personnes vaccinées ou atteintes par le Covid-19 pour arriver à la fameuse immunité collective.
"Le nombre de personnes requises pour cette immunité varie d'un virus à l'autre, en fonction de la contagiosité", précise Michael Knight, médecin et professeur assistant à l'Université George Washington. Au début de la pandémie, les experts espéraient que 60% suffiraient, mais ils ont progressivement revu cette estimation à la hausse.
"La pandémie risque de perdurer aux Etats-Unis. Le but de l'immunité collective est de stopper la transmission pour laisser le Covid-19 derrière nous et revenir à une vie normale", rappelle Michael Knight.
Les sceptiques restent nombreux
La campagne de vaccination peine toujours à convaincre les nombreux sceptiques. Un sondage réalisé en avril par la Kaiser Family Foundation détaille l'attitude vis-à-vis du vaccin: 15% des Américains préfèrent attendre, 6% se feront piquer uniquement si c'est obligatoire, 13% ne veulent pas en entendre parler.
Différents facteurs entrent en ligne de compte: les jeunes, les personnes aux revenus plus modestes, les habitants des zones rurales et les électeurs républicains sont plus réticents. Interrogée dans un bar pour vétérans en Virginie occidentale, une femme s'explique: "Ce n’est pas que je ne veux pas, mais je me méfie de la réaction que cela provoque."
Les Etats-Unis avaient beaucoup misé sur Johnson & Johnson pour convaincre les indécis, avec son vaccin à la technologie plus traditionnelle, nécessitant une seule dose. Mais suite à quelques cas de caillots sanguins, le produit a été retiré pendant une dizaine de jours, avant d'être remis en circulation. Une interruption assez longue pour entamer la confiance.
Initiatives pour inverser la tendance
Le nombre de nouvelles contaminations recule aux Etats-Unis, mais l'espoir de tourner rapidement la page du Covid-19 s'éloigne aussi. Joe Biden a tenté de mobiliser ses citoyens la semaine dernière, lors son discours au Congrès. "90% des Américains vivent maintenant à 8 kilomètres d'un site de vaccination. Toute personne qui a dépassé 16 ans a droit au vaccin. Va te faire vacciner, Amérique!", a-t-il déclaré.
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Les initiatives publiques et privées se multiplient. Des volontaires ont fait campagne à Washington, le week-end dernier, distribuant à chaque ménage un flyer qui indique où se trouvent les centres de vaccination. Il est désormais possible de s'y rendre sans rendez-vous. Les pharmacies affichent également des posters pour rappeler que les doses sont disponibles.
Il y a aussi des idées plus farfelues. Le gouverneur du New Jersey promet ainsi une bière contre un vaccin. A Washington, la chaîne de restauration Z-Burger offre une portion de frites à quiconque présente son certificat de vaccination. "Nos frites sauvent des vies!", lance le patron Peter Tabibian.
Et d'ajouter, plus sérieusement: "C’est terrible de voir tous ces restaurants qui ferment. Si tout le monde se fait vacciner, on aura l'immunité collective et on pourra revenir à la normale." Pour inciter ses employés à sauter le pas, il leur donne un bonus de 100 dollars s'ils se font vacciner. Mais beaucoup refusent.
Gaspard Kühn