Les républicains ont voté mercredi l'éviction de Liz Cheney de leur hiérarchie. Cette élue conservatrice, numéro trois du parti à la Chambre des représentants, est également la fille de l'ancien vice-président Dick Cheney qui faisait la pluie et le beau temps sur son camp au début des années 2000.
Malgré cela, Liz Cheney a commis l'irréparable aux yeux du parti actuel en reconnaissant la légitimité de l'élection présidentielle qui a mené le démocrate Joe Biden au pouvoir. L'élue refuse de considérer que l'élection a été truquée, comme Donald Trump l'affirme encore.
Déchue, la républicaine devrait être remplacée par Elise Stepanik, moins conservatrice, mais qui tient le même discours que l'ancien président. Si elle est aujourd'hui l'une des plus ardentes partisanes de Donald Trump, elle ne prononçait pourtant pas son nom quatre ans auparavant, et avait souvent voté contre ses propositions.
Tout le monde derrière Trump
Cet épisode est emblématique d'un phénomène inédit et spectaculaire qui s'est emparé du Parti républicain. La très grande majorité de ses élus au Congrès croient, ou font mine de croire, à la théorie du "big lie" ("le grand mensonge"), formule utilisée par Donald Trump pour dire que l’élection a été truquée.
Liz Cheney, qui dénonce cette attitude, s'est ainsi retrouvée isolée au sein du parti, où ils ne sont qu'une poignée à prendre le risque de se démarquer de l'ex-président américain. Car, avec les 74 millions de votes en sa faveur, Donald Trump est devenu indispensable au parti conservateur. "Il peut faire ce qu’aucune autre personne n’est capable de faire pour le parti, résume le sénateur Lindsay Graham. Il peut le rendre plus grand, plus fort, plus diversifié. Et il peut aussi le détruire."
La crainte de contredire les électeurs
Mais Donald Trump constitue-t-il vraiment un atout pour le parti? Pour Gabriel Scheinmann, directeur exécutif de la "Alexander Hamilton Society", une ONG qui promeut des débats sur des questions politiques, Donald Trump a effectivement permis d’attirer de nouveaux électeurs. "C'est sûr qu'il a agrandi le parti, devenu celui de la classe moyenne, de ceux qui travaillent dans des usines et des fermes. Mais il a en même temps également perdu des votes républicains qui, traditionnellement, sont dans les banlieues américaines."
Quant à l'idée que l'élection a été truquée, l'expert n'est pas sûr que les élus républicains y croient vraiment. "Je ne dirais pas que la plupart sont d'accord avec cela. Ils ont un peu peur de leurs électeurs, de leur dire qu'ils ont tort. Je pense qu'ils réagissent au populisme de leur base électorale."
De nombreux éditorialistes américains estiment que le Parti républicain est pris en otage par Donald Trump, fort de l’appui des 70% de ses électeurs qui pensent que l’élection présidentielle a été volée. Un chiffre qui diminue toutefois au fil du temps, selon Gabriel Scheinmann.
"La situation s'améliore tout de même. Peut-être parce que les gens sont moins énervés qu'il y a 6 mois, ou peut-être parce que l'ancien président a été banni de Facebook et de Twitter, perdant ainsi le mégaphone pour parler à ses électeurs. C'est une très mauvaise chose que le président continue à promouvoir cette fausse perception de l'élection, mais ce n'est pas nouveau dans la démocratie américaine."
Gabriel Scheinmann avoue son inquiétude face à un parti devenu très radical ces dernières années, mais il tient à souligner la résistance dont ont fait preuve les institutions politiques américaines face aux pressions exercées par l'ancien président.
Patrick Chaboudez / mh
L’horizon flou de la présidence Biden
Pendant que le Parti républicain traverse un grand réalignement, le président Joe Biden avance au pas de charge pour faire appliquer son programme le plus vite possible, tant qu'il dispose de la majorité au Congrès. Il présente ainsi des plans de relance massifs, une vaccination accélérée, un retour dans les accords de Paris sur le climat.
Un sondage AP lui donnait cette semaine 63% d’opinions favorables, ce que son prédécesseur n'a jamais atteint. De plus, près de la moitié des électeurs républicains approuvent sa gestion de la pandémie.
Malgré ces signes favorables, et en dépit de la relance de l'économie, les derniers chiffres de l'emploi se sont avérés mauvais. Les scientifiques, quant à eux, doutent que les Etats-Unis puissent atteindre l'immunité collective contre le Covid-19.
Au sein de la Maison Blanche, Kaitlan Collins, cheffe du bureau de CNN, observe de près la nouvelle présidence. Cette journaliste de 29 ans, reconnue pour sa ténacité et son talent, est la plus jeune à avoir jamais occupé ce poste convoité.
Interrogée dans l'émission Tout un monde, Kaitlan Collins concède que la pandémie et les mauvais chiffres du chômage rendent le "paysage très imprévisible en ce moment." Elle estime que l’équipe de Joe Biden n’entre pas dans une zone de danger mais sur un terrain inexploré.”
Quant à la position du Parti républicain, la journaliste s'étonne qu'il ne se fédère pas pour contrer les propositions de Joe Biden. "Elles sont pourtant massives, significatives et susceptibles de vraiment changer le rôle du gouvernement dans la vie quotidienne des Américains. Mais les républicains ne tentent pas d’en profiter politiquement et de critiquer Joe Biden. Ils sont plutôt focalisés sur les luttes internes au Parti républicain."