Dans son communiqué final, publié à l'issue d'une rencontre de trois jours en Cornouailles (sud-ouest de l'Angleterre), les dirigeants du G7 ont accusé Pékin de ne pas "respecter les droits humains" dans le Xinjiang, où vit la minorité ouïghoure, et à Hong Kong.
De son côté, le président américain Joe Biden a exhorté Pékin à "agir de manière plus responsable en matière de droits humains". L'ambassade chinoise au Royaume-Uni a réagi lundi avec colère à ces déclarations, accusant le G7 de vouloir "interférer".
"Ce n'était pas vraiment un G7 anti-Pékin." Interrogée lundi dans l'émission de la RTS Tout un monde, la professeure et responsable de l'Institut de recherche sur l'économie de la Chine à l'Université d'Auvergne Mary-Françoise Renard estime qu'il s'agit plutôt d'une "union" entre l'Europe et les Etats-Unis. Même si le Vieux Continent "ne parle pas d'une seule voix", il s'interroge sur ses relations avec la Chine.
L'accord n'est pas total
Ce changement de ton n'a pas commencé avec la visite en Europe de Joe Biden, souligne Mary-Françoise Renard: "La montée en puissance de la Chine fait un peu peur aux Etats-Unis, car elle remet en cause son hégémonie. Joe Biden est venu en Europe chercher un appui qu'il a en partie trouvé. En partie, parce que l'Europe cherche une stratégie pour moins dépendre de la Chine et pour s'affirmer. Mais la position de la France, notamment, c'est de s'affirmer aussi face aux Etats-Unis."
Samedi, le New York Times notait toutefois qu'il s'agissait de "la première fois que les pays les plus riches du monde discutaient de la création d'une alternative directe au projet chinois de nouvelle 'Route de la soie'". Mary-Françoise Renard explique que si la Chine poursuit ses investissements en Europe, elle en a "réduit la voilure".
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Des investissements "de moindre ampleur"
La professeure à l'Université d'Auvergne note que les investissements chinois connaissaient des "difficultés" avec la remise en cause des contrats par certains gouvernements, qui les jugent "injustes" et "pénalisant" pour leur économie (lire l'exemple de l'Italie en encadré). "Ces routes de la soie sont tellement stratégiques qu'elles se poursuivent dans le domaine de la santé, notamment avec la livraison de vaccins anti-Covid-19, dans les infrastructures et dans le numérique. Mais les projets sont de moindre ampleur que ce qui avait été annoncé ou ce qui a été déjà réalisé dans un certain nombre de pays."
Mary-Françoise Renard estime que les pays européens "peuvent toujours se passer" des investissements étrangers. "Ils peuvent entraîner de la dépendance, mais les pays européens investissent aussi beaucoup en Chine. Les entreprises européennes sont très intéressées par ce marché. Mais cela ne veut pas dire qu'il faut sacrifier nos valeurs ou les principes que l'on défend. S'il y avait des ruptures, ce serait de mauvais choix stratégiques, diplomatiques. L'Europe a souligné sa volonté de ne pas rompre avec la Chine."
Propos recueillis par Céline Tzaud/vajo avec afp
L'Italie prend ses distances avec la Chine
En Italie, le gouvernement de Giuseppe Conte avait ouvert grand la porte aux investissements chinois, notamment dans le cadre des nouvelles "Routes de la soie". Mais avec le Premier ministre Mario Draghi, qui est arrivé au pouvoir en février dernier, le ton a changé.
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Dès son discours d'investiture, il a réaffirmé "l'ancrage européen et atlantiste de l'Italie". Et il a traduit ses paroles en actes. Alors que les investisseurs chinois seraient déjà présents dans près de 800 sociétés italiennes stratégiques ou très rentables, Mario Draghi a mis récemment son véto au rachat d'un fabricant milanais de semi-conducteurs.
Par ailleurs, "au nom de l'intérêt stratégique national", le chef du gouvernement aurait fait pression pour dissuader la famille Agnelli de céder les camions et les bus d'Iveco à un constructeur chinois. Enfin, hasard ou pas, Vodafone Italia a décidé d'imposer des conditions sévères à Huawei pour le déploiement de la 5G dans le pays.
"Il faut coopérer"
Dans les grandes lignes, l'Italie s'aligne sur la position américaine, même si Rome veut éviter une confrontation systématique avec Pékin.
Dimanche, Mario Draghi a publiquement affirmé que "la Chine est une autocratie", mais il a également indiqué qu'"il faut coopérer". Cette position est partagée par une bonne partie de la classe politique italienne à l'exception d'une partie du Mouvement 5 Etoiles qui plaide pour des relations privilégiées avec Pékin.
Projet de campus chinois contesté à Budapest
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban s'est finalement plié à l'idée d'un référendum à l'horizon 2023 sur le controversé projet d'implantation à Budapest d'un campus chinois, après une manifestation ayant réuni plusieurs milliers de personnes.
"Il y aura un référendum, ce sera une bonne occasion pour que chacun présente ses arguments", a-t-il déclaré jeudi en conférence de presse. Le dirigeant souverainiste a fait cette annonce alors que la contestation grandit contre le projet. Une "consultation" à l'échelle de la ville gérée par les libéraux, visant à recueillir l'avis de la population, a été lancée le 4 juin.
>> L'analyse de Florence La Bruyère, correspondante de la RTS à Budapest,
dans Tout un monde:
Les sondages montrent que la majorité des habitants de Budapest sont contre le projet. Ils sont d'ailleurs descendus en foule samedi dans les rues de la capitale. Début mai pourtant, le gouvernement écartait encore "un plan B", vantant une "excellente chose" pour les étudiants hongrois, chinois et d'ailleurs.
Toutefois, ce référendum local n'aura pas lieu avant 2023, une fois les détails du projet connus, a précisé son chef de cabinet, Gergely Gulyas. D'ici à 2024, Viktor Orban ambitionne d'accueillir à Budapest, sur un site de 50 hectares, le tout premier campus européen d'une université chinoise.
Fin avril, il a signé un accord en ce sens avec le président de l'université Fudan de Shanghaï. Mais l'opposition hongroise est résolument opposée à cette coopération, dénonçant la politique actuelle de renforcement des liens économiques et culturels avec la Chine.