Le premier objectif de la rencontre entre les présidents américain et russe à Genève était d’apaiser les tensions entre les nations, mais également de rendre leurs relations plus prévisibles.
Est-ce que cet objectif a été atteint? Pour Krystyna Marty Lang, ambassadrice suisse à Moscou, et Jacques Pitteloud, son homologue à Washington, il est encore un peu tôt pour le savoir. Mais les deux diplomates, invités dans La Matinale ce jeudi, l'affirment: l'écho de ce sommet aux Etats-Unis et en Russie est à ce stade déjà très positif.
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"A Moscou, on s’est beaucoup intéressé à ce sommet. C'est un peu tôt pour tirer les premiers bilans. Mais les commentaires étaient très positifs. On parle d’une rencontre pragmatique et constructive. Évidemment, on espère ici qu'il y aura une continuité entre les deux présidents", souligne Krystyna Marty Lang.
Pour Jacques Pitteloud également, il faudra attendre encore un peu pour mesurer l'impact de ce sommet sur les relations entre les deux pays. "Ce sommet était une sorte de mise à plat. L’histoire nous dira si ça a fonctionné. Ce qui est certain, c’est qu’il était nécessaire que les deux hommes se rencontrent."
Des échanges constructifs
Quoi qu'il en soit, autant le président russe que son homologue américain ont parlé d’échanges constructifs. Comme Vladimir Poutine l'a affirmé, il n’y a eu aucune animosité, alors que Joe Biden a parlé de tonalité positive.
Le chef du Kremlin a décrit Joe Biden comme un homme d’Etat expérimenté, très différent de Donald Trump. Il a également rassuré l'Amérique et ses alliés qui ne doivent pas s’inquiéter d’une militarisation russe de l’Arctique. Quant à Joe Biden, il est apparu décontracté et sûr de lui, fidèle au diplomate qu'il a toujours été.
Si aucune véritable grande annonce ou accord n'est venu conclure ce sommet, Joe Biden a tout de même dit avoir parlé franchement au président russe de cybersécurité, domaine dans lequel les Etat-Unis estiment que la Russie joue un rôle négatif. Joe Biden a d'ailleurs abordé le cas des ingérences dans certains processus électoraux américains, faisant référence notamment aux élections présidentielles de 2016.
A noter tout de même qu'outre ce début de dialogue sur la cybersécurité, l'annonce d'un retour de l’ambassadeur russe à Washington et de l’ambassadeur américain à Moscou a été faite. Les discussions ont également été relancées sur le contrôle des armes nucléaires et des ogives atomiques.
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Dialogue de sourds sur les droits humains
En ce qui concerne les droits humains, le dialogue de sourds continue. "Navalny savait ce qu’il risquait en revenant en Russie", a notamment déclaré Vladimir Poutine lors de sa conférence de presse.
Le président russe s’est ensuite lancé dans une longue diatribe sur les atteintes aux droits de l’homme aux Etats-Unis en parlant de l’attaque sur le Congrès, des bombardements de civils en Afghanistan ou des violences policières contre la communauté afro-américaine. Des comparaisons que Joe Biden a jugé "ridicules".
Désarmement nucléaire: retour au "bon sens"
Jeudi, Moscou s'est félicité de l'engagement des présidents russe et américain à un dialogue sur la "sécurité stratégique" et le désarmement nucléaire, voyant les Etats-Unis revenir au "bon sens", au lendemain du premier sommet entre les deux dirigeants.
Interrogé sur radio Echo de Moscou, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a indiqué que Vladimir Poutine et Joe Biden avaient paraphé un court texte affirmant leur volonté de mettre en place un "dialogue sur la stabilité stratégique", notamment sur la question du contrôle des armements nucléaires, alors que les Etats-Unis, sous la présidence de Donald Trump se sont retirés d'accords bilatéraux et multilatéraux.
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Sujets radio: David Berger et Nicolas Vultier
Adaptation web: Fabien Grenon
Un succès pour la Suisse et la Genève internationale
Pendant deux jours, Genève et la Suisse ont été au centre de l’attention médiatique, diplomatique et politique du monde entier. Le président de la Confédération n’a pas figuré comme personnage principal, mais il a rempli son rôle d'hôte. L’image de Guy Parmelin entre Joe Biden et Vladimir Poutine restera dans les mémoires. Tout comme ses quelques mots d’accueil: "Je vous souhaite la bienvenue à Genève, ville de paix."
Au final, les deux diplomates invités dans La Matinale en sont certains: les retombées pour la Suisse et la Genève internationale seront indéniables. "Je pense que la Suisse a bien pu se positionner et les deux pays invités semblent très contents", se réjouit Krystyna Marty Lang. Cette rencontre a confirmé que "Genève est un des centres, si ce n’est LE centre, des discussions multilatérales", ajoute Jacques Pitteloud.
C'est également une réussite sur le plan sécuritaire. L'organisation du sommet n'a en effet pas connu de problème majeur. Certes elle aura un coût, au prix d'une limitation de la liberté d’expression des manifestants, repoussés loin de la Villa La Grange. Un prix à payer, selon le gouvernement.
A l'arrivée, s'il n'y a pas eu d'accord historique, peu d'anecdotes, pas de promenade ou de repas, ni de coups d’éclat, la Suisse peut avoir la conviction d’avoir œuvré à la construction d’un monde un peu plus coopératif. Et en bonus pour le Conseil fédéral: deux rencontres bilatérales bonnes à prendre.