Au bout d'une campagne anesthésiée par la crise sanitaire, les sortants de gauche et surtout de droite ont bien tiré leur épingle du jeu, déjouant la plupart des sondages qui prédisaient une forte poussée du Rassemblement national (RN, ex-Front national), finalement assez contenue.
Cette prime aux élus sortants a favorisé Les Républicains (LR) et le Parti socialiste (PS), au détriment du Rassemblement national et de La République en marche (LREM), moins bien implantés localement.
Le Rassemblement national en recul
Le parti de Marine Le Pen a fait moins bien que lors des précédentes régionales de 2015, où il était arrivé en tête dans six régions, indiquent les premières estimations. Cette fois, un seul candidat du RN est en mesure d'arriver en tête du premier tour dans une seule région, Paca (lire plus bas).
Le parti s'est tout de même hissé à la deuxième place dans un nombre important de régions, mais ne semble pas en mesure d'en emporter une lors du second tour, où les autres partis font généralement front commun contre lui.
"Difficile" pour La République en marche
La République en marche du président Emmanuel Macron n'a pas non plus réalisé de bons scores et devra batailler dans la plupart des régions pour peser au second tour. "C'était difficile", a reconnu le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal. Pour le chef de file des députés LR Christian Jacob, ce scrutin signe "un échec cinglant du gouvernement".
Les écologistes (EELV), qui avaient réalisé une belle performance dans des grandes villes lors des élections municipales de 2020, n'ont pas non plus obtenu de bons résultats. Le bloc de gauche, du PS à La France insoumise en passant par EELV, engrange un nombre important de voix, mais est profondément divisé, notamment en vue de l'élection présidentielle pour laquelle tous veulent présenter un candidat.
La droite conserve ses régions
Dans l'ensemble du pays, le parti Les Républicains arrive en tête avec 27,2 à 29,3% des voix, le RN récolte entre 19,1 et 19,3% des suffrages, les listes conduites par le PS entre 16,5 et 17,6% et LREM autour de 10-11%, selon les instituts Elabe et Ipsos.
La droite l'emporterait dans au moins sept régions, à commencer par les Hauts-de-France, où Xavier Bertrand (ex-LR) est en très bonne posture pour conserver sa place. Il compte faire de ce succès une rampe de lancement pour l'élection présidentielle de 2022. Selon les estimations, il réunirait entre 39% et 46,9% des voix, très loin devant son concurrent du RN Sébastien Chenu (22,5% à 24,4%). Il s'est réjoui d'avoir "brisé les mâchoires du RN".
Même scénario pour le président d'Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez (LR), donné à plus de 45%, avec plus de 30 points d'avance sur la candidate des Verts Fabienne Grébert ou le prétendant du RN Andrea Kotarac.
L'alliance LR-LREM en Paca a bien fonctionné
En
Provence-Alpes-Côte-d'Azur
(Paca), le sortant LR Renaud Muselier résiste mieux que prévu face à Thierry Mariani, candidat soutenu par le RN. Selon différents sondages, les deux sont donnés au coude-à-coude, entre 30 et 35%. "Nous avons déjoué la totalité des sondages" dans la région, s'est félicité Renaud Muselier.
Cette région avait été le théâtre d'un psychodrame politique après l'alliance passée entre Renaud Muselier et La République en marche, qui avait finalement semblé profiter à Thierry Mariani. La position du troisième homme, Jean-Laurent Felizia (EELV/PS/PCF), crédité de 14 à 18% des voix, sera décisive. Il pourrait choisir l'effacement, comme en 2015, pour faire barrage au RN.
Grande favorite en Ile-de-France, Valérie Pécresse (ex-LR) est arrivée largement en tête avec environ 35% des voix, soit 4 points de plus qu'en 2015, quand elle avait ravi la région à la gauche. La droite peut aussi se réjouir de voir Jean Rottner sortir en tête dans le Grand Est avec environ 30% des voix, loin devant Laurent Jacobelli (RN). Même situation dans les Pays-de-la-Loire avec Christelle Morançais et en Normandie avec Hervé Morin.
La gauche devra chercher des alliances
A gauche, les sortants prennent également une option, comme Carole Delga (PS/PCF) en Occitanie, donnée autour de 40%, ou Alain Rousset (PS) en Nouvelle-Aquitaine, autour de 30%. En Bourgogne-Franche-Comté, Marie-Guite Dufay parvient à devancer d'une courte tête le RN Julien Odoul (26% contre 24%), mais elle devra nouer des alliances à gauche pour espérer asseoir sa majorité.
Dans le Centre-Val-de-Loire, le jeu est plus ouvert. Le socialiste François Bonneau sortirait en tête avec environ 26% des voix, 4 points devant le RN Aleksandar Nikolic. Il devra toutefois négocier serré avec le candidat EELV/LFI Charles Fournier pour conserver sa région. Quant au ministre Marc Fesneau, qui apparaissait comme la meilleure chance de la majorité, il ne sortirait qu'en 4e position autour de 15%, notamment devancé par son concurrent LR Nicolas Forissier (autour de 19%).
Les résultats du premier tour sont encore incertains en Bretagne, où le socialiste Loïg Chesnais-Girard arrive légèrement en tête. LREM y réalise son meilleur score avec plus de 15% des voix pour Thierry Burlot. Enfin, en Corse, l'autonomiste Gilles Simeoni, président sortant de l'exécutif, devra faire le plein des voix nationalistes pour battre la liste de droite menée par le maire d'Ajaccio Laurent Marcangeli, qu'il devance d'une courte tête.
Remaniement gouvernemental?
Si la débâcle se confirme au second tour pour la majorité au pouvoir, la question d'un remaniement gouvernemental risque de se poser. Emmanuel Macron doit d'ailleurs exposer début juillet la feuille de route pour la dernière année de son quinquennat, qu'il souhaite "utile".
>> Lire à ce sujet : Les régionales, test grandeur nature avant la présidentielle en France
L'intérêt pour ce scrutin, qui aurait dû se tenir en mars, n'a jamais décollé (lire encadré) alors que les Français semblent surtout vouloir retrouver un semblant de normalité. Les compétences dévolues aux régions (transports, lycées, formation professionnelle...) et départements (collèges, RSA, aides sociales...) touchent pourtant au plus près à la vie quotidienne des Français.
Pour ne rien arranger, plusieurs bureaux de vote n'ont pas ouvert dans la matinée à Marseille faute d'assesseurs, une "honte" selon Jean-Luc Mélenchon (LFI). De nombreux élus ont eux regretté les dysfonctionnements constatés dans la distribution de la propagande électorale sur tout le territoire.
ats/vic
La participation en chute libre
Jamais les Français n'ont autant boudé les urnes: moins d'un tiers d'entre eux ont voté dimanche au 1er tour des élections régionales. Selon les estimations des instituts de sondage, à la fermeture des derniers bureaux à 20h, la participation atteindrait entre 31,4% et 33,5%, soit un record d'abstention tous scrutins confondus en France hors référendum.
Lors des dernières élections régionales et départementales en 2010 et 2015, la participation avait atteint, respectivement, 46,33% et 49,91%. La chute est donc voisine de quinze points.
"Particulièrement préoccupant"
"Le niveau de l'abstention est particulièrement préoccupant", a déclaré dans un tweet le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin dimanche en début de soirée. "Notre travail collectif doit être tourné vers la mobilisation des Français pour le second tour", a-t-il ajouté. "Personne ne peut sortir le champagne ce soir" face à cette "abstention abyssale", a renchéri le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.
"On peut parler d'un effondrement de la participation électorale", a résumé le politologue Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof. Il l'explique par un effet Covid très important, mais aussi par "l'absence presque totale de campagne sur les enjeux de la régionalisation".