Publié

Centenaire du Parti communiste chinois: "Sans le PCC, il n'y aurait pas de Chine"

Des visiteurs avec l'uniforme des soldats de l'Armée rouge du siècle dernier, dans la "Mecque" de la révolution chinoise Ya'an, le 13 juin 2021. [EPA/Keystone - Roman Pilipey]
Les 100 ans du Parti Communiste chinois (1/5): les Chinois incités à cultiver leur "esprit rouge" / Tout un monde / 7 min. / le 28 juin 2021
Gommer les "erreurs" de la période Mao et leurs millions de morts. Le Parti communiste chinois (PCC) fêtera jeudi son centenaire, avec un déferlement de propagande à la gloire d'une Chine devenue en 40 ans la deuxième puissance économique mondiale.

Fondé en 1921, après la capitulation du dernier empereur, dans une république balbutiante dominée par les seigneurs de guerre, le Parti communiste règne aujourd'hui d'une main de fer sur la Chine. Sa domination est cultivée par un leadership autoritaire. Le parti est à la fois la source du récit national et un trésor; sa sauvegarde est l'objectif ultime de toute la politique du gouvernement.

A l'approche des célébrations du centenaire, le 1er juillet, des millions de Chinoises et Chinois sont incités à revenir aux sources de la révolution, à cultiver leur "esprit rouge".

"Sans le Parti communiste, il n'y aurait pas de Chine nouvelle… Sans Parti communiste, la Chine n'existerait pas… Le Parti communiste trime pour la nation, le Parti communiste a sauvé la Chine, l'a libérée et la guide aujourd'hui vers la lumière… Sans le Parti communiste, il n'y aurait tout simplement pas de Chine", dit la chanson Meiyou gong shan dang.

Une vue aérienne de la ville de Yan'an, berceau de la révolution communiste en Chine. [AFP - Qi Xiaojun]
Une vue aérienne de la ville de Yan'an, berceau de la révolution communiste en Chine. [AFP - Qi Xiaojun]

Un chant de circonstance pour les visiteurs de la cité de Yan'an, nichée dans les montagnes du Shaanxi, au centre de la Chine. Ce quartier général de Mao Zedong durant la guerre civile est aujourd'hui considéré comme le lieu de naissance de la révolution. C'est la Mecque du Parti communiste. Vêtus de l'uniforme bleu-gris des troupes communistes révolutionnaires du siècle dernier, des banquiers de Pékin prennent fièrement la pose.

"Renforcer l'esprit du Parti communiste"

"C'est une activité pour renforcer l'esprit du Parti communiste au sein des entreprises et de la société", explique leur guide. "Cette photo leur permettra de se souvenir de ce moment. Porter l'uniforme de l'époque permet de se rendre compte du poids, de la chaleur qu'éprouvaient les soldats à l'époque de la révolution. Ça permet de se souvenir des conditions dans lesquelles le peuple a remporté la guerre.

Une femme photographie un lit dans l'ancienne maison de Mao Zedong à Yan'an, le 13 juin 2021. [EPA/Keystone - Roman Pilipey]
Une femme photographie un lit dans l'ancienne maison de Mao Zedong à Yan'an, le 13 juin 2021. [EPA/Keystone - Roman Pilipey]

"Être assis sur cette chaise, c'est super… Vous imaginez? C'était la chaise du premier dirigeant communiste du pays, le président Mao Zedong. Il écrivait à ce bureau. Pour moi, c'est comme être assis sur le trône de l'empereur", s'extasie l'un des visiteurs.

Retraités, écoliers, employés déambulent en groupes dans les logements spartiates des héros de la révolution, sous la houlette des délégués du parti.

Mme Wu est comptable dans le sud du pays. Le déplacement est organisé par son entreprise. "Depuis son arrivée au pouvoir, le président Xi Jinping exige une meilleure connaissance populaire du Parti communiste chinois et de son histoire", relate-t-elle. "A travers tout le pays, qu'on soit enfant ou adulte – comme nous – on nous demande d'étudier cette histoire pour mieux comprendre le parti."

Une meilleure connaissance du parti, mais qui n'empêche pas Mme Wu de peiner encore à saisir les contours du communisme. "Qu'est-ce que le communisme? C'est l'idéologie de base de la Chine. C'est lorsqu'on adhère au parti. C'est une forme de quête spirituelle. Ma réponse vous semble trop abstraite ? Comment le dire? Que ce soit dans la vie ou au travail, on doit suivre la direction du parti, des congrès, ce qu'ils planifient de développer. Connaître les racines du parti permet de savoir ce qu'on attend de nous, dans quelle direction on doit aller sur le plan personnel et professionnel."

Les Chinois ne comprennent pas ce jargon communisto-marxiste. Dès qu’ils commencent à lire un document officiel, ils s’endorment au bout de deux minutes.

Jean-Pierre Cabestan, professeur de sciences politiques

Ce flou idéologique est répandu au sein de la population, selon Jean-Pierre Cabestan, professeur de science politique à l'Université baptiste de Hong Kong. "Les Chinois ne comprennent pas ce jargon communisto-marxiste, qui est incompréhensible. Dès qu'ils commencent à lire un document officiel, ils s'endorment au bout de deux minutes. Ce n'est donc pas pour eux: c'est le pouvoir qui parle au pouvoir", affirme-t-il.

Le pouvoir lui-même tente de réconcilier son système avec la doctrine marxiste originelle, avec laquelle les réformes des années 1980 et l'ouverture au capitalisme paraissent difficilement compatibles. Ce "socialisme de marché" incarne cependant une flexibilité à l'origine de la longévité du parti, estime Wu Haiyong, historien du Parti communiste chinois.

Adaptabilité de la doctrine

"Le Parti communiste a intégré de nombreuses théories au cours de son histoire et en fonction de la situation. Il en a extrait des solutions capables de résoudre les problèmes rencontrés (...)", analyse-t-il. "Les épreuves lui ont permis de développer ténacité et flexibilité. C'est la raison principale du succès du parti: il s'est continuellement adapté."

Le parti n'a pas pour autant renié les préceptes communistes, malgré les apparentes contradictions. Les dirigeants gardent le cap, assure Wu Haiyong.

Sans les préoccupations matérielles, les gens se traiteront d’égal à égal. Alors ils seront libres.

Wu Haiyong, historien du parti communiste chinois

"Nous atteindrons notre idéal communiste une fois que les individus auront tous atteint un haut degré de conscience morale. Pour arriver à cette utopie, il faut les libérer des contraintes économiques", prône-t-il. "Quand la productivité et l'économie auront atteint un stade de développement avancé, que nous produirons des richesses en suffisance, alors seulement l'égoïsme individuel, la concurrence seront réduites. Sans les préoccupations matérielles, les gens se traiteront d'égal à égal. Alors ils seront libres. C'est un long processus. Nous n'avons jamais cessé d'œuvrer en faveur de l'évolution vers le communisme. On ne sait pas combien d'années il faudra pour atteindre le but mais l'évolution est en cours", soutient l'historien.

"On n'a pas besoin de plus"

Une guide raconte aux visiteurs d'histoire de la cité de Yan'an, quartier général du PCC de 1936 à 1947. [AFP - Hector Retamal]
Une guide raconte aux visiteurs d'histoire de la cité de Yan'an, quartier général du PCC de 1936 à 1947. [AFP - Hector Retamal]

Rencontré assis sur un muret à l'ombre d'un arbre, Gao Zhenxing est né à Yan'an il y a 76 ans. Il avait 8 ans au moment de la victoire des communistes, lorsque Mao Zedong proclama officiellement la République populaire de Chine.

"Mon père était ici. Il a travaillé pour Mao Zedong. Ils ont construit ce site. Quand je regarde cet endroit et que je vois les changements dans le pays, jamais je n'aurais pu imaginer ça", souffle-t-il.

Aux yeux de cet homme modeste, le parti est "très bien, très compétent". "La première mesure mise en place par le parti a été la collectivisation des terres. Ils ont amélioré nos vies. J'ai droit à des subsides, à une petite pension. Désormais, on mange de la farine et du riz blanc. Tout le monde s'habille sans problème et mange à sa faim. Le changement est spectaculaire. Xi Jinping dit que tout sera encore meilleur à l'avenir, mais pour moi, c'est déjà assez! On n'a pas besoin de plus", approuve-t-il.

Ce succès économique est aujourd'hui un pilier de la légitimité du parti au pouvoir, qui aime à marteler: sans lui, la Chine moderne n'existerait tout simplement pas.

Michael Peuker/kkub

Publié