Les forces de l'ordre "continuent de commettre des violations graves et généralisées des droits humains" deux mois après le début des manifestations, dénoncent dans une déclaration commune des centaines d'ONG en Colombie et dans le monde.
Leur rapport, qui sera remis au Conseil des droits de l'homme, dénonce 83 homicides commis par des policiers et des civils armés agissant "avec la complicité des forces de l'ordre", ainsi que plus de 3000 détentions arbitraires de manifestants. Quatre-vingts personnes ont été blessées aux yeux et 114 par balle, selon le texte.
"La pratique des disparitions forcées est particulièrement préoccupante. Les personnes détenues sont transférées dans des lieux de détention non autorisés, tels que des centres commerciaux, des écoles et des stations de transport public, et sont maintenues au secret pendant une durée pouvant aller jusqu'à 36 heures", indique le document, précisant qu'à ce jour 327 personnes sont toujours portées disparues.
"Pas d'enquêtes"
Comme les autres signataires, Ramon Munoz, directeur du réseau pour les droits humains basé à Genève, s'inquiète de cette dérive autoritaire qui rappelle les heures les plus sombres du pays.
"Il y a des civils armés au côté de la police qui ont blessé des personnes. Il n'y a pas d'enquêtes, sauf contre les manifestants", analyse-t-il dans La Matinale.
Le gouvernement affirme de son côté que des groupes criminels impliqués dans le trafic de drogue et des membres de la guérilla de l'Armée de libération nationale (ELN), la dernière active en Colombie, ont infiltré le mouvement de protestation dans le but de semer le chaos.
Discorde autour du nombre de morts
La représentante permanente de la Colombie auprès de l'ONU à Genève, Alicia Arango, a remis en cause ces chiffres, déclarant que 24 personnes sont mortes depuis le début de la crise sociale.
La Défense du peuple, un organisme public indépendant chargé de veiller au respect des droits humains, estime à plus de 60 personnes le nombre de tués.
C'est justement pour faire la lumière sur ces événements que les ONG demandent une enquête de l'ONU. Un appel entendu par la Suisse qui, par la voix de son représentant à Genève, a dénoncé l'usage de la force excessive et appelé toutes les parties à la retenue.
jfe avec afp
Contestation sociale depuis fin avril
La Colombie est secouée depuis le 28 avril par une vague inédite de contestation sociale. Visant d'abord un projet de réforme fiscale, depuis retiré, les protestataires dénoncent désormais la politique du gouvernement de droite du président Ivan Duque.
Les manifestants exigent la fin de la répression policière et des politiques publiques plus généreuses pour atténuer l'impact économique de la pandémie de Covid-19, qui a plongé plus de 40 % des 50 millions d'habitants du pays dans la pauvreté.
Le Comité national de grève, initiateur du mouvement, a annoncé le 16 juin qu'il suspendait les manifestations, promettant de "poursuivre notre lutte" sous d'autres formes. Les factions les plus dures du mouvement ont indiqué qu'elles poursuivraient leurs actions, notamment les blocages routiers.
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