Les magasins, les banques commerciales, les pompes à essence et les petits commerces de la principale métropole haïtienne gardaient porte close.
La police haïtienne a annoncé avoir tué quatre "mercenaires", membres présumés du commando qui a criblé de balles le président Moïse à son domicile dans la nuit de mardi à mercredi, et en avoir interpellé six autres.
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Parmi ces derniers, figure un citoyen américain, a affirmé jeudi Mathias Pierre, ministre chargé des questions électorales.
Le chef de la police nationale, Léon Charles, a lancé un appel au calme. Il est toutefois resté vague sur les opérations en cours.
"Parmi les assaillants, six sont entre les mains de la police et cinq voitures ont été récupérées. Malheureusement la population en a brûlé trois", a-t-il dit en conférence de presse.
D'autres auteurs encerclés par la police
"Nous avons déjà en main les auteurs physiques et nous sommes à la recherche des auteurs intellectuels", a poursuivi le chef policier.
Plusieurs "auteurs possibles" de l'assassinat du président "ont par ailleurs trouvé refuge dans deux bâtiments" à Port-au-Prince "et sont encerclés par la police", a de son côté déclaré l'émissaire de l'ONU dans ce pays, Helen La Lime.
L'aéroport de Port-au-Prince a été fermé, tout comme la frontière avec la République dominicaine.
Devant un commissariat de Petionville, en banlieue de Port-au-Prince, des habitants acclamaient la police pour avoir procédé à des arrestations et appelaient au lynchage des assaillants présumés.
Le commando était composé de tueurs à gages "professionnels" s'étant fait passer pour des responsables de l'agence américaine antidrogue, selon l'ambassadeur haïtien aux Etats-Unis.
La communauté internationale s'est immédiatement alarmée de cet assassinat, à l'image du président américain Joe Biden et du pape qui ont dénoncé un acte "odieux" tandis que le Conseil de sécurité de l'ONU a réclamé que les auteurs de l'assassinat "soient rapidement traduits en justice". Il s'est réuni en urgence en milieu de journée jeudi à huis clos.
"Y-a-t-il plusieurs Premiers ministres?"
Aux questions sur la traque des auteurs de l'attaque viennent s'ajouter celles sur l'avenir du pays, à commencer par sa gouvernance. Deux hommes prétendent actuellement diriger la nation de 11 millions d'habitants, dont plus de la moitié a moins de 20 ans.
L'un des derniers gestes politiques de Jovenel Moïse, mort à 53 ans, avait en effet été de nommer lundi un nouveau Premier ministre, Ariel Henry. Celui-ci n'avait pas encore pris ses fonctions.
Mais, quelques heures après son assassinat, c'est le Premier ministre par intérim, Claude Joseph, qui a décrété l'état de siège, octroyant des pouvoirs renforcés à l'exécutif. Ce dernier est censé durer quinze jours.
"Y-a-t-il plusieurs Premiers ministres nommés dans le pays?", a interrogé Ariel Henry, assurant que Claude Joseph n'était que ministre des Affaires étrangères.
Un coup d'Etat?
L'opposition politique a aussi accusé Claude Joseph d'accaparer le pouvoir. Le défenseur des droits humains, Me Gédeon Jean, a qualifié auprès de l'AFP de "suspect" l'empressement du Premier ministre par intérim à déclarer l'Etat de siège, l'amenant à "entrevoir une tentative de coup d'Etat".
Claude Joseph, Ariel Henry... Aucun n'a de toute façon la pleine légitimité car, bien avant l'assassinat du président, Haïti baignait déjà dans le flou juridique.
Jovenel Moïse n'avait pas organisé d'élection depuis son arrivée au pouvoir début 2017, et le pays n'a plus de Parlement depuis janvier 2020.
Accusé d'inaction face à la crise et confronté à une vive défiance d'une bonne partie de la société civile, il gouvernait principalement par décrets.
jfe avec agences
"C'est au sein de l'oligarchie locale qu'il faut chercher les responsables"
Pour Frédéric Thomas, docteur en sciences politiques et chercheur au Centre Tricontinental à Louvain, la question est avant tout de savoir "qui sont les commanditaires" de l'assassinat du président Jovenel Moïse.
Invité dans l'émission Tout un monde, ce spécialiste d'Haïti ne croit pas à une intervention extérieure car, d'après lui, "les Etats-Unis auraient pu l'évincer du pouvoir" sans violence, tant le pays est dépendant économiquement et politiquement de Washington.
"Il reste l'oligarchie locale, et c'est au sein de celle-ci qu'il faut chercher à mon sens les responsables de cet assassinat. C'est sans doute un règlement de comptes interne à cette élite qui garde le pouvoir et qui est allergique à toute démocratisation du pays", ajoute-t-il.