L'affaire a été révélée par une enquête internationale publiée dans plusieurs médias et coordonnée par le réseau de journalistes Forbidden Stories.
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A la suite d'une fuite de données, ce consortium international a eu accès à une liste de 50'000 numéros de téléphone saisis par des clients de la société israélienne NSO Group afin d'être possiblement attaqués. Les numéros d'au moins 180 journalistes, 600 hommes et femmes politiques, 85 militants des droits humains ou encore 65 chefs et cheffes d'entreprise ont ainsi été espionnés via un logiciel nommé Pegasus dans au moins une vingtaine de pays, et notamment de manière massive au Maroc, au Mexique ou en Arabie saoudite.
Ces révélations rappellent l'affaire Snowden qui avait notamment mis en lumière l'ampleur de la cybersurveillance à l'échelle mondiale. "La différence, c'est qu'aujourd'hui nous révélons les visages qui se cachent derrière les victimes des cybersurveillances", affirme Sandrine Rigaud, rédactrice en chef de Forbidden Stories.
"Dévoiement systématique" du logiciel
Selon les données publiées, quatre pays arabes ont obtenu accès au logiciel Pegasus: les Emirats arabes unis, le Maroc, Bahreïn et l'Arabie saoudite.
"On s'est rendu compte du dévoiement systématique de cet outil et de son utilisation par des régimes qui ne sont pas réputés pour être les plus démocratiques", note Sandrine Rigaud, qui ajoute que les pays qui achètent le logiciel à Israël l'utilisent pour "cibler tous ceux qui pourraient remettre en cause leur pouvoir et leur gouvernement".
L'entreprise israélienne NSO Group, fondée en 2011 et qui a régulièrement été accusée de faire le jeu de régimes autoritaires, a toujours assuré que son logiciel servait uniquement à obtenir des renseignements contre des réseaux criminels ou terroristes. Mais selon Sandrine Rigaud, les récentes révélations démontrent que la réalité "est très loin de [l'image] que vend NSO Group".
Atteinte à la liberté de la presse
Informés directement par Forbidden Stories, les deux journalistes de Mediapart Lénaïg Bredoux et Edwy Plenel ont appris qu'ils avaient pu être la cible de Pegasus, comme plusieurs de leurs confrères et consoeurs.
"Nous avons dans la foulée accepté que les données de nos téléphones soient expertisées pour retrouver une trace d'infection et l'expertise a montré que nos deux téléphones avaient effectivement été infectés", raconte Lénaïg Bredoux pour qui l'attaque remonte à 2019.
"Ce qui est vertigineux avec Pegasus, c'est que vous ne pouvez pas savoir que vous êtes espionnés", car il n'y a aucun moyen de s'en prémunir. Selon la journaliste française, les périodes d'espionnage coïncident notamment avec certaines de ses publications remettant en cause le gouvernement marocain.
Le logiciel Pegasus est "le meilleur outil pour faire taire les journalistes et pour étouffer les histoires", affirme encore Sandrine Rigaud. "C'est une arme terrible qui pèse sur la liberté de la presse."
Pas de victimes suisses identifiées
D'autres noms de personnalités figurant sur la liste devraient être divulgués dans les prochains jours par le consortium de médias qui ont mené l'enquête, dont font notamment partie Le Monde, The Guardian et The Washington Post.
Sandrine Rigaud a toutefois confirmé qu'aucune personnalité suisse n'avait été pour l'instant repérée dans la liste de personnes espionnées, bien que seul un échantillon ait pu être identifié parmi les 50'000 numéros.
Interview radio: Pietro Bugnon
Adaptation web: Isabel Ares avec agences
Paris ouvre une enquête
Le parquet de Paris a ouvert mardi une enquête sur l'espionnage de journalistes français, a-t-il annoncé dans un communiqué.
L'enquête a été ouverte pour une longue liste de dix infractions, dont "atteinte à la vie privée", "interception de correspondance", "accès frauduleux" à un système informatique et "association de malfaiIteurs". Elle fait suite à la plainte déposée par le site Mediapart dont deux journalistes ont été espionnés, à laquelle doit s'ajouter une plainte similaire du Canard enchaîné.